Les scientifiques, réalisant l’intérêt grandissant de l’utilisation de l’intelligence artificielle (IA) dans le domaine de la médecine, se sont intéressés à l’usage de ce principe pour développer une IA capable de détecter les premiers signes de la maladie d’Alzheimer bien avant sa détection clinique par un médecin. Selon eux, certains signes seraient « cachés » dans les données médicales du patient et représenteraient le premier signe de la maladie.
On ne connaît pas encore à ce jour les étiologies de la démence d’Alzheimer de manière claire et certaine. L’âge est bien évidemment le facteur de risque le plus important pour le développement de cette maladie, mais n’est pas le seul. D’autres facteurs entrent en compte et interagissent ensemble pour créer un terrain favorable à la survenue de cette démence. Les chercheurs pensent que la plupart des cas d’Alzheimer résultent d’interactions complexes entre des facteurs génétiques et d’autres facteurs encore mal connus.
Grâce à l’utilisation d’une machine Learning alimentée par un algorithme avec des tomographies par émissions de position, les chercheurs de l’USC ont pu ainsi identifier des marqueurs sanguins potentiels de la maladie d’Alzheimer et qui pourraient aider à diagnostiquer la démence plus précocement et de suivre son évolution chez les patients de manière non invasive. Cette méthode a été mise au point par Greg Ver Steeg, professeur adjoint à la recherche en sciences informatiques à l’Institut des Sciences de l’Information (ISI) de l’USC. La méthode utilisée repose sur l’apprentissage automatique qui est un sous-ensemble de l’IA lui donnant la possibilité d’apprendre sans être explicitement programmée.
Selon Paul Thompson, membre de l’équipe et directeur associé de l’Institut de neuro-imagerie et d’informatique à l’USC, « ce type d’analyse est une nouvelle façon de découvrir des schémas de données permettant l’identification des principaux marqueurs diagnostiques de la maladie ».
L’étude en question a été publiée dans Frontiers in Aging Neuroscience.
Les hypothèses connues jusqu’à ce jour et sur lesquelles s’est concentrée la recherche sur la maladie reposent essentiellement sur l’accumulation de la plaque amyloïde et de la protéine tau dans le cerveau. Cependant, ces deux paramètres se sont révélés difficiles à mesurer dans le sang.
Les tests de diagnostic clinique de cette démence sont basés sur l’étude de la mémoire de la personne. Or, généralement, et lorsque les patients commencent à montrer des signes de perte de mémoire, la maladie est déjà bien installée depuis de nombreuses années. C’est tout l’intérêt de la détection de la démence à un stade précoce bien avant l’apparition des symptômes afin de pouvoir la prendre en charge par des moyens médicamenteux et autres dans le but de gérer au mieux son évolution.
L’objectif des scientifiques de l’USC était d’utiliser un algorithme développé par le physicien Greg Ver Steeg en 2013 pour découvrir les facteurs « cachés » ou les groupes de facteurs dans les données médicales des patients et corrélés étroitement avec une atteinte par la maladie d’Alzheimer.
« Il se pourrait qu’il n’y ait pas un facteur prédictif unique de la probabilité d’un déclin cognitif, mais peut-être un ensemble d’indicateurs qui constituerait une sorte de signal de la maladie. La question que nous examinions était de savoir si nous pourrions utiliser l’algorithme pour trouver des groupes de caractéristiques qui pourraient être un meilleur signe prédictif de la maladie d’Alzheimer que tous les autres facteurs mesurés individuellement », a déclaré Ver Steeg, le développeur de l’algorithme.
L’étude s’est déroulée sur une année et a permis d’examiner des données médicales de 829 personnes âgées provenant d’une grande base de données de neuro-imagerie de la maladie d’Alzheimer. Les participants appartenaient à trois catégories : état cognitif normal, déclin cognitif léger et maladie d’Alzheimer confirmée. Les données comprenaient plus de 400 biomarqueurs regroupant des données d’imagerie cérébrale, des données génétiques, des analyses sanguines, etc. L’analyse de ces données par le moyen de l’algorithme de Ver Steeg a montré l’émergence d’ensembles de facteurs en interrelation. Les plaques amyloïdes et la protéine tau sont des facteurs importants, mais d’autres aussi se sont révélés ayant une relation étroite avec la maladie : la santé cardio-vasculaire, les taux hormonaux dans le sang, le métabolisme et les réponses du système immunitaire.
À titre d’exemple, parmi les ensembles de facteurs intriqués on compte un groupe de facteurs de risque incluant le taux de vitamine B12 dans le sang, celui de certaines enzymes appelées métallo protéinases matricielles et d’une protéine sécrétée par les cellules T, et connue pour participer à la réponse immunitaire.
Selon Thompson « les résultats indiquent que la synergie entre les caractéristiques est un facteur prédictif plus important que les caractéristiques individuelles ». Il a ajouté « Peut-être que la résolution de l’un de ces problèmes à lui seul ne génère pas une différence énorme sur le risque de développer la maladie, mais réparer un groupe de facteurs pourrait être utile pour réduire le risque ».
Avec cette étude et à l’aide de ces biomarqueurs naît un nouvel espoir de l’évolution des moyens de diagnostic précoce de la maladie d’Alzheimer et d’une amélioration de son pronostic. Les scientifiques espèrent pouvoir utiliser cette méthode pour trouver des facteurs cachés d’autres pathologies telles que la schizophrénie et la dépression.