Les manifestations neurologiques du Covid-19 sont connues. Cependant, plus de deux ans après le début de la pandémie, le mécanisme pathologique du Covid long n'est toujours pas élucidé. À l'occasion du congrès de la Société allemande de neurologie (Deutsche Gesellschaft für Neurologie), le professeur Lars Timmermann a fait le point en présentant plusieurs études.
Tout d'abord, une étude d’envergure1 publiée dans Nature Medicine en septembre 2022 s’est attachée à évaluer la fréquence des séquelles neurologiques 12 mois après une infection aiguë par le Covid-19.
Les chercheurs ont utilisé les bases de données du système de santé du ministère américain des Anciens combattants pour constituer une cohorte de près de 155.000 «vétérans» atteints par le Covid-19. Ils ont été comparés à deux groupes contrôle : l’un «contemporain» de plus de 5 millions de vétérans n’ayant pas présenté de signe d’infection, l’autre «historique» composé de données recueillies en 2017 auprès de presque 6 millions d’autres vétérans.
Sur 1.000 vétérans infectés, 70 personnes de plus que dans les groupes contrôle ont développé un trouble neurologique : dysfonctionnements cognitifs, accidents vasculaires cérébraux ischémiques et hémorragiques, maladie de Parkinson, migraines, encéphalopathies, Guillain-Barré, troubles extrapyramidaux, etc. Ceci concerne même les personnes qui n’ont pas dû être hospitalisées pendant la phase aiguë. L'étude présente un biais : elle inclut essentiellement des hommes et majoritairement blancs.
Le Pr Timmermann anticipe l’arrivée d’une vague de maladies neurologiques. Le plus grand défi est pour l’instant de définir le Covid long. Or, en l’absence de biomarqueur fiable, le diagnostic repose pour l'instant sur l'observation des symptômes du Covid long et sur les questionnaires suivants :
Problème : à ce jour, l'utilisation de différentes variantes de ces questionnaires rend difficile la comparaison des résultats.
Une étude prospective de l'université de Duisburg-Essen2 a quant à elle fait l'objet de nombreuses discussions. Elle portait sur 171 personnes atteintes de Covid long, principalement des femmes d’âge moyen qui avaient présenté une forme légère à modérée de Covid-19.
Des tests neurologiques, des analyses de sang poussées et des évaluations neuropsychologiques ont été réalisés. Certains sous-groupes ont fait l’objet d’IRM et de ponctions lombaires. Résultat : la plupart de ces patients présentaient des troubles cognitifs (notamment des troubles de la concentration ou de la mémoire) ou encore une fatigue intense.
Chez la plupart des personnes concernées (85,6%), ces investigations n’ont permis d’objectiver aucun trouble neurologique pathologique. Dans 97,7% des cas, aucun diagnostic autre que le syndrome de Covid long ni aucun diagnostic susceptible d'être lié à un Covid-19 aigu antérieur n'a pu être établi. Des scores élevés de somatisation ont été relevés dans le groupe de patients associé aux troubles cognitifs et à la fatigue prononcée.
Selon les auteurs de cette étude, des difficultés psychiques préexistantes pourraient être des facteurs de risque pour le Covid long. Pour le Pr Timmermann, les neurologues doivent donc collaborer étroitement avec les spécialistes en charge du suivi psychique des patients.
Autre étude présentée par le Pr Timmermann, celle portant sur la détection des particules virales chez des patients atteints de Covid-long jusqu’à 12 mois après le diagnostic de Covid-19.3
À l'aide d'une technique ultrasensible, les chercheurs ont pu identifier dans la cohorte aussi bien des protéines S1 que des protéines spike. Cela suggère l’existence d’un réservoir de virus chez certains patients ainsi qu’une réaction immunologique durable.
Selon le Pr Timmermann, des patients présentant un Covid-long présentent aussi des taux de cortisol nettement réduits et une diminution des cellules T, comme l'ont montré Klein et al.4
Une autre étude5 a permis de mettre en évidence une perturbation du protéome plasmatique persistant au moins 6 semaines. Le profil au moment de la séroconversion est associé à des symptômes persistants jusqu'à 12 mois. Cette signature protéomique pourrait permettre d'identifier les personnes les plus susceptibles de présenter des symptômes persistants liés à l'infection par le SRAS-CoV-2.
Enfin, le Pr Timmermann a cité les données de la UK Brain Bank.6 Des chercheurs ont comparé les résultats d’IRM réalisés sur 401 personnes, avant et après qu’elles aient été testées positives à l'infection par le SRAS-CoV-2. Les résultats ont ensuite été comparés à ceux de 384 personnes non infectées.
Cette étude a permis de mettre en évidence chez les personnes infectées par le SRAS-CoV-2 :
Pour le Pr Timmermann, le Covid long est un fait sur lequel les connaissances ne sont pas suffisantes en l’état pour qu’il soit possible de développer des thérapies. La prévention reste donc capitale. Or, une étude7 a récemment montré que la probabilité de développer un Covid long est de 16% après une vaccination versus 41,8% sans vaccination.
Notes :
1- Xu E, Xie Y, Al-Aly Z. Long-term neurologic outcomes of COVID-19. Nat Med 2022 Sep 22.
2- Fleischer M, Szepanowski F, Tovar M et al. Post-COVID-19 Syndrome is Rarely Associated with Damage of the Nervous System: Findings from a Prospective Observational Cohort Study in 171 Patients. Neurol Ther 2022 Aug 26; 1-21.
3- Swank Z, Senussi Y, Manickas-Hill Z et al. Persistent circulating SARS-CoV-2 spike is associated with post-acute COVID-19 sequelae. Clin Infect Dis 2022 Sep 2.
4- Klein J, Wood J, Jaycox J et al. Distinguishing features of Long COVID identified through immune profiling. medRxiv [Preprint]. 2022 Aug
5- Captur G, Moon JC, Topriceanu CC et al. Plasma proteomic signature predicts who will get persistent symptoms following SARS-CoV-2 infection. EBioMedicine 2022 Sep 27
6- Douaud G, Lee S, Alfaro-Almagro F et al. SARS-CoV-2 is associated with changes in brain structure in UK Biobank. Nature 2022 Mar.
7- Azzolini E, Levi R, Sarti R et al. Association Between BNT162b2 Vaccination and Long COVID After Infections Not Requiring Hospitalization in Health Care Workers. JAMA 2022 Aug 16; 328 (7): 676-678