Frédéric Adnet est professeur agrégé de Médecine d'Urgence et chef des Urgences de l’Hôpital Avicenne et du SAMU 93. À la fois chercheur et médecin, il fait régulièrement le point sur la Covid-19. Après 46 numéros d'une Foire Aux Questions (FAQ) quotidienne, il publie désormais une newsletter. Nous la reproduisons ici avec son aimable autorisation.
Sa FAQ a connu un succès phénoménal. À l'origine destinée aux professionnels de son service, elle est maintenant traduite en plusieurs langues. Dans son interview, Frédéric Adnet revient sur ce succès et explique son attachement à l'Evidence-based medicine.
Frédéric Adnet est également l'auteur de l'ouvrage Les Fantassins de la République - Urgence COVID, un printemps en enfer, paru en octobre 2020.
INDEX et liste des FAQ / Newsletters
Tout d’abord, je vous souhaite une très bonne année à tous et j’espère la fin de cette newsletter pour l’année 2022 !
L'Institut Pasteur a fait des modélisations pour prédire à quelle sauce Omicron nous mangera...
Bon, au fil des 66 numéros de cette newsletter, toutes les modélisations se sont avérées plus ou moins fausses (plutôt plus que moins). Mais il est tout de même intéressant de regarder ce que prévoient nos brillants mathématiciens (Institut Pasteur, 27 décembre 2021).
Trois variables ont été particulièrement incrémentées dans ces modèles :
Bon, nous voilà prévenus !
Surveiller l’Angleterre, c’est un peu lire dans l’avenir pour la France. La vague Omicron a frappé ce pays avant le nôtre, et les populations ont des caractéristiques proches (à la différence de l’Afrique du Sud). Que nous dit le dernier «briefing» du UK Health Security Agency (Technical briefing du 31 décembre 2021) ?
Donc Omicron est probablement moins grave, et le vaccin protège !
On sait que les deux doses de vaccin contre la Covid-19 ne suffisent pas pour contrer notre fameux Omicron. La plupart des travaux étaient jusqu’alors réalisés en laboratoire, consistant à mesurer les taux d’anticorps neutralisants (cf. newsletter n°65). Qu’en est-il dans la vraie vie ?
Hé bien… Des chercheurs danois nous confirment les mauvais résultats de ces travaux in vitro. Ils ont effectué une enquête au Danemark, en évaluant l’efficacité vaccinale sur le diagnostic de la Covid-19 pour les deux vaccins ARNm (medRxiv non encore reviewé, 23 décembre 2021). Sans surprise, les auteurs ont trouvé que l’efficacité vaccinale diminue rapidement pour le variant Omicron comparativement au variant Delta.
Ici, on ne mesure pas l’efficacité contre les formes graves. Ces données concernent tous les patients diagnostiqués Covid-19, ce qui relativise un peu ces mauvais résultats !
Un autre type d’étude nous vient des États-Unis. Les auteurs ont comparé les sérums de 20 soignants vaccinés avec deux ou trois doses de vaccin ARNm Pfizer-BioNTech® (NEJM, 29 décembre 2021). On constate que les anticorps neutralisants sont plus efficaces après la troisième dose qu’après une vaccination avec deux doses. Ceci est valable quel que soit le variant : Omicron bien sûr mais aussi Delta et même… Béta !
Nombre d’études suggèrent une moindre dangerosité de l’Omicron par rapport au Delta. En particulier, ce variant serait moins invasif et attaquerait moins les poumons que son compère Delta. Plusieurs études fondamentales vont dans ce sens.
Globalement, les chercheurs ont remarqué une plus faible infectiosité de l’Omicron dans les cellules pulmonaires que dans les cellules des voies aériennes supérieures (épithélium trachéal par exemple). La raison pourrait être trouvée dans la distribution des récepteurs ACE2 et TMPRSS2 (cf. newsletter n°19 et n°30).
Pour faire simple, à la différence des autres variants, l’Omicron privilégie l’infestation de nos cellules par une voie indépendante du récepteur TMPRSS2. Il se détournerait ainsi des cellules dont les membranes sont riches de ce récepteur. Ça tombe bien, car les cellules pulmonaires sont très riches en TMPRSS2 à l’inverse des cellules trachéales et des voies aériennes supérieures (bioRxiv non encore reviewé, 22 décembre 2021 / Preprint University of Glasgow, 15 décembre 2021).
Ceci expliquerait pourquoi Omicron aime beaucoup mieux se reproduire dans le nez et la gorge et les envahir plutôt que les poumons, entrainant ce que l’on observe, à savoir un rhume plutôt qu’une pneumonie. Et c’est tant mieux, car l’atteinte pulmonaire est synonyme de forme grave de la Covid-19.
Ces constatations – faites en comparant l’infection de cultures de cellules riches en TMPRSS2 par rapport aux cellules des voies aériennes pauvres en TMPRSS2 – ont été confirmées par des chercheurs de Hong-Kong. Ces derniers ont trouvé que, comparativement au Delta, Omicron colonisait plus rapidement et de manière plus massive l’arbre bronchique par rapport au poumon (HKUMed – Press release, 15 décembre 2021).
Tout s’explique !
[Merci au Dr Axel Ellrodt]
Est-ce que les patients infectés par l’Omicron sont différents des patients des autres vagues (et donc infectés par les autres variants) ? C’est la question que se sont posés des chercheurs d’Afrique du Sud. Ils ont comparé les patients de quatre vagues de Covid-19, provenant du virus historique, du variant Béta, du Delta et enfin de l’Omicron (JAMA, 30 décembre 2021) .
Omicron paraît donc être associé à moins de morbidité et de mortalité. Pourvu que ce ne soit pas à cause de l’âge des patients, beaucoup plus jeunes !