Covid-19 : la newsletter du Pr Adnet<br>(N°65 - 22 décembre 2021)

Focus sur Omicron, forcément. Que nous apprennent les expériences de l'Afrique du Sud et de l'Angleterre ? Quid de l'efficacité des vaccins et des anticorps monoclonaux ? Mais aussi : l'intérêt de la 3e dose contre le variant Delta, les bons résultats de l'oxygénation à haut débit et les promesses du Paxlovid®.

Frédéric Adnet est professeur agrégé de Médecine d'Urgence et chef des Urgences de l’Hôpital Avicenne et du SAMU 93. À la fois chercheur et médecin, il fait régulièrement le point sur la Covid-19. Après 46 numéros d'une Foire Aux Questions (FAQ) quotidienne, il publie désormais une newsletter. Nous la reproduisons ici avec son aimable autorisation. 

Sa FAQ a connu un succès phénoménal. À l'origine destinée aux professionnels de son service, elle est maintenant traduite en plusieurs langues. Dans son interview, Frédéric Adnet revient sur ce succès et explique son attachement à l'Evidence-based medicine. 

Frédéric Adnet est également l'auteur de l'ouvrage Les Fantassins de la République - Urgence COVID, un printemps en enfer, paru en octobre 2020.

 

INDEX et liste des FAQ / Newsletters


Newsletter Covid-19 n°65 (22 décembre 2021)



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ÉPIDÉMIOLOGIE



Que se passe-t-il en Afrique du Sud ?

Omicron a commencé sa progression en Afrique du Sud, avant d’envahir le monde entier (cf. newsletter n°64). Un rapport issu d’une compagnie d’assurance privée révèle les résultats d’une enquête rassemblant 211.000 tests Covid. En corrélant ces résultats avec le statut vaccinal des patients, et grâce à un suivi sur plusieurs mois, des chercheurs ont pu estimer les premières tendances de l’impact d’Omicron dans la vie réelle (Discovery Health, 14 décembre 2021). 

Ces résultats sont à prendre avec précaution. Ils sont très précoces et par ailleurs souffrent de l’absence de contrôle de la population étudiée. En effet, la population d’Afrique du Sud se caractérise par un faible taux de vaccination (30%), une moyenne d’âge très faible et une immunité naturelle importante (70%). Ces données constituent néanmoins une bonne nouvelle sur l’impact hospitalier de cette vague Omicron, qui est d’ailleurs en train de régresser dans ce pays sans impact majeur sur la mortalité. 

Cette moindre gravité est par contre contestée par les premières études venant du Danemark et d’Angleterre (Nature Communication, 17 décembre 2021) où les auteurs trouvent un taux d’hospitalisation comparable avec celui du variant Delta. 

[Merci au Dr Axel Ellrodt]



Que se passe-t-il en Angleterre ?

Bien observer l’Angleterre est probablement le moyen d’anticiper la «6e vague Omicron» qui arrive en France. Le Health Security Agency a publié une note permettant de se faire une opinion, dans ce pays où l’Omicron est le variant majoritaire avec une flambée du taux d’incidence (HSA Technical Briefing, 10 décembre 2021).

D'après cette note : 

Nous sommes à moitié rassurés !

 

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Efficacité vaccinale après deux doses et après la troisième dose.
Deux premières injections du vaccin Astra-Zeneca® (à gauche) et deux vaccins Pfizer® (à droite), pour le variant Delta (carrés noirs) et Omicron (ronds gris).
On remarque une très nette amélioration de l’efficacité vaccinale après la troisième dose.
 



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VACCINS



Omicron – Baisse de l’efficacité de l’immunité vaccinale

Une étude non encore soumise fait la synthèse des premiers travaux en laboratoire concernant l’efficacité de l’immunité vaccinale contre le variant Omicron (medRxiv non encore reviewé, 17 décembre 2021). Ces travaux testent les sérums de patients vaccinés ou convalescents de la Covid-19 sur des souches de virus «Omicron». La mesure de l’efficacité (pouvoir neutralisant des anticorps) de ces sérums a été comparée avec l’inhibition du virus «historique» provenant de Wuhan. 

À partir de ces résultats,  les auteurs ont construit un modèle prédictif de l’efficacité de la vaccination contre l’Omicron. Ainsi, pour une vaccination à deux doses de Pfizer®, les auteurs estiment l’efficacité à 40% pour les formes symptomatiques de la Covid-19 et à 80% pour les formes graves. L’effet «booster» amènerait cette efficacité à 86% et 98% respectivement.
Attention : ce ne sont que des modèles ! Il conviendra de le vérifier par des études épidémiologiques dans la «vraie vie».

 

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Modélisation de l’évolution de l’efficacité vaccinale contre les formes sévères de la Covid-19 en fonction du type de vaccins et du délai depuis l’administration (à gauche : quelques jours ; à droite : 6 mois). 
Bleu clair : patients convalescents de la Covid-19.
Bleu foncé : vaccin Astra-Zeneca®.
Violet : vaccin Pfizer®.
Orange : vaccin Moderna®.
Rouge : un vaccin ARNm en troisième dose (effet «booster»).
On constate que l’effet «troisième dose» est très efficace et qu’il existe une perte de l’immunité au 6e mois pour les autres schémas vaccinaux.



L’effet «booster» : ça marche ?

La «troisième dose» n'a pas été inventée pour l’Omicron. Ce sont les Israéliens qui l’ont rapidement imposée, constant une baisse de l’efficacité de l’immunité vaccinale contre la vague «Delta» (cf. newsletter n°62). Israël fut l’un des premiers pays à mener avec succès une campagne vaccinale de masse ; ce pays est aussi le premier à observer une baisse de l’efficacité desdits vaccins. 

Une équipe d’épidémiologistes israéliens a suivi les patients de plus de 50 ans avec les deux doses de vaccins à ARNm datant de plus de 5 mois (NEJM, 8 décembre 2021). Ils ont ainsi pu comparer l’efficacité clinique chez ceux ayant reçu une troisième dose pendant la période d’observation (groupe «booster», N=758.118) et chez ceux qui n’ont pas reçu cette troisième dose (groupe «deux doses», N=85.090). 

Bon, l’effet «booster» pour le variant Delta n’est pas un mythe !

 

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Évolution de la probabilité de décéder entre un groupe ayant reçu une troisième dose de vaccins ARNm (trait orange) et un groupe sans la troisième dose (trait bleu).
Les zones grisées représentent les intervalles de confiance à 95% (IC95%).
On constate un effet protecteur franc de la troisième dose.






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TRAITEMENTS



L’oxygène à haut débit : ça sert à quelque chose ?

La Covid-19 a permis de faire découvrir au plus grand nombre une technique d’oxygénation qui n’avait pas encore fait clairement ses preuves. L’oxygénothérapie à haut débit (OHD) consiste à administrer de l’oxygène réchauffé et humidifié avec un très haut débit afin d’obtenir une fraction inspirée en oxygène de près de 100% et de provoquer une pression positive dans les voies aériennes, le tout favorisant l’oxygénation tissulaire. 

Après des débuts timides dans la Covid-19 (peur de contamination des soignants), c’est devenu un véritable «gold-standard» pour les patients Covid-19+ en détresse respiratoire. Le résultat espéré est d’éviter au patient la ventilation mécanique après intubation trachéale. 

Est-ce que cela fonctionne ? C’est ce qu'a tenté de démontrer une équipe de chercheurs en randomisant dans trois hôpitaux colombiens un groupe de patients avec de l’OHD (N=99) et un groupe qui recevait de l’oxygène au masque (N=100). Dans cet essai  (JAMA, 7 décembre 2021), il y avait deux critères d'évaluation principaux : 


Résultats 

L’OHD semble efficace puisque :

De plus, en critère secondaire, on observe une baisse importante de la mortalité à J28 (mais non significative) dans le groupe OHD : 8,1% vs 16,0%. 

Il s 'agit d’une étude bien conduite, avec une bonne méthodologie. Mais il faut toujours se méfier des études sur des techniques nouvelles qui ne permettent pas l’aveugle… On observe souvent un «aveuglement positif» des réanimateurs en faveur des techniques nouvelles qui pollue l’objectivité de la conduite de l’essai.

Bref, des résultats encourageants mais à confirmer par d’autres travaux quand nous serons plus au calme avec le SARS-CoV-2.
En attendant (en fait, maintenant, tout le monde l’utilise)... Vive l’OHD !

 

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Évolution de la proportion d’intubations (A) et d’améliorations cliniques (B), en fonction du temps, entre une population de patients Covid-19+ sévères bénéficiant d’une oxygénothérapie à haut débit (trait orange) et un groupe avec une oxygénation au masque (trait bleu).
Il existe une baisse des intubations et une amélioration clinique plus rapide dans le groupe traité avec de l’oxygène à haut débit.



La pilule de Pfizer, encore un communiqué de presse ?

Pfizer® publie des résultats définitifs dans un communiqué de presse (Press release Pfizer, 14 décembre 2021) concernant le Paxlovid®. Ce comprimé associe du ritonavir et du PF-07321332. 

Eh bien, ça a l’air de marcher ! Ce médicament est une anti-protéase (cf. newsletter n°62), administrée en comprimés. L’étude principale concernait des patients Covid-19+ à haut risque de développer une forme grave (non vaccinés, avec au moins une comorbidité). Le traitement était administré dans les 5 jours suivant le début des symptômes. 

On attend les résultats complets et publiés !



Certains anticorps monoclonaux sont inactifs !

L’association casirivimab et imdevimab (Ronapreve®) a été trouvée inefficace contre le variant Omicron. Pourtant, cette association était largement utilisée en préventif et curatif, chez les patients à risque, pour diminuer la probabilité d’hospitalisation ou de décès (cf. newsletter n°57).

En étudiant le pouvoir neutralisant des anticorps, les auteurs ont démontré, in vitro, une inefficacité totale de ce cocktail d’anticorps monoclonaux pour inhiber ce variant (medRxiv non encore reviewé, 13 décembre 2021). 

Les auteurs ont trouvé, par ailleurs, une baisse d’efficacité des sérums de patients vaccinés avec une double dose de vaccin à ARNm (efficacité 11,4 fois inférieure). 
Concernant les anticorps monoclonaux, il va falloir abandonner le Ronapreve® !

 

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Pourcentage d’inhibition de l’association casirivimab/imdevimab sur le variant Delta  (gris clair), Bêta (gris foncé) et Omicron (rouge).
Ça ne fonctionne pas pour l’Omicron !

[Merci au Dr Axel Ellrodt]



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