Covid-19 : la newsletter du Pr Adnet<br>(N°61 - 27 octobre)
Un nouveau variant sous haute surveillance... Vaccins : pourquoi fait-on moins de formes graves si on est vacciné ? Effet booster de la 3ème dose confirmé. Ivermectine : aux USA, +344% d'appels aux centres antipoison. Sérothérapie : une vaste étude qui sonne le glas ? Enfin... Quels signes cliniques sont les plus prédictifs du Covid-19 ?
Frédéric Adnet est professeur agrégé de Médecine d'Urgence et chef des Urgences de l’Hôpital Avicenne et du SAMU 93. À la fois chercheur et médecin, il fait régulièrement le point sur la Covid-19. Après 46 numéros d'une Foire Aux Questions (FAQ) quotidienne, il publie désormais une newsletter. Nous la reproduisons ici avec son aimable autorisation.
Sa FAQ a connu un succès phénoménal. À l'origine destinée aux professionnels de son service, elle est maintenant traduite en plusieurs langues. Dans son interview, Frédéric Adnet revient sur ce succès et explique son attachement à l'Evidence-based medicine.
Frédéric Adnet est également l'auteur de l'ouvrage Les Fantassins de la République - Urgence COVID, un printemps en enfer, paru en octobre 2020.
INDEX et liste des FAQ / Newsletters
NEWSLETTER N°61 (27 octobre 2021)
ÉPIDÉMIOLOGIE
Un nouveau variant sous haute surveillance
Un nouveau variant donne quelques inquiétudes. Issu de la lignée du variant delta (lignée AY.4), un variant vient d‘être mis sous surveillance avec le classement Variant Under Investigation (VUI-21OCT-01) par les autorités britanniques (UK Health Security Agency, 22 octobre 2021).
Ce variant est associé à une courbe de progression inquiétante – actuellement, il représente 5,9% du virus delta en Angleterre – ce qui pourrait être le signe d’une transmissibilité supérieure (évaluée à 17% plus importante).
Ce variant est présent dans 34 pays avec une incidence encore modeste (inférieure à 10%). En plus des mutations du variant delta, ce nouveau venu possède deux nouvelles mutations sur la protéine S : A222V et Y145H. Pour l’instant, aucun argument n’évoque un virus plus «méchant».
À suivre…
VACCINS
Pourquoi fait-on moins de formes graves lorsque l’on est vacciné ?
Nous avons tous remarqué que la vaccination ne protège pas complètement des formes mineures (formes de type «simple rhume») mais reste efficace contre les formes majeures (pneumopathie). Un début d’explication a été proposé par des chercheurs qui ont corrélé la concentration des anticorps générée par la vaccination et la probabilité de faire une forme grave (pneumopathie) ou mineure (infection des voies aériennes supérieures) dans un modèle animal (macaques) d’infection au SRAS-CoV-2 (Science, 21 septembre 2021).
En augmentant la dose injectée de vaccin ARNm (de 0 à 100 µg), les concentrations sanguines d’anticorps augmentent de manière strictement proportionnelle et l’intensité de la protection contre le virus aussi. On peut donc se servir de la quantité de vaccin injecté pour déterminer la concentration d’anticorps circulants.
- Lorsque les singes ont une concentration d’anticorps faible (0,3 et 1 µg de vaccin), seuls les poumons sont protégés (mise en évidence dans le lavage broncho-alvéolaire d’anticorps neutralisants).
- Lorsque la concentration d’anticorps augmente (3, 10, 30 µg de vaccin), alors les voies aériennes supérieures sont également protégées (mise en évidence d’anticorps neutralisants lors de prélèvements par PCR nasopharyngés).
Cette information est capitale, puisque l’on sait qu’après la vaccination le taux d’anticorps diminue lentement. Les premières personnes vaccinées à être atteintes de la COVID-19 présenteront alors des formes mineures (nasopharyngés) puisqu’il restera un fond d’anticorps permettant de protéger les poumons (formes sévères).
Tout s’explique !
3e dose : effet «booster» confirmé !
Nous avions vu que la réponse immunitaire liée à la vaccination déclinait faiblement dans la durée, expliquant probablement le manque d’efficacité au bout d’un certain laps de temps (cf. newsletter n°47). Ceci est en accord avec l’immunité naturelle des infections à coronavirus qui sont généralement des infections récurrentes. On s’oriente donc, de plus en plus, vers un schéma vaccinal de type grippal avec des doses de rappel.
Dans ce travail, les auteurs ont examiné la réponse immunitaire dirigée contre les variants beta ou delta, après une 3ème injection du vaccin Pfizer-BioNTech® administrée entre 7,9 et 8,8 mois après la seconde injection du même vaccin (NEJM, 21 octobre 2021).
- Les chercheurs ont comparé le taux d’anticorps présents avant la première dose, après la deuxième dose et après la troisième injection.
- Il y avait 11 volontaires âgés de 18 à 55 ans (groupe «jeunes») et 12 volontaires entre 65 et 88 ans (groupe «vieux»).
- Il n’y a pas eu d’effets indésirables particuliers (à part ceux déjà connus).
- Les réponses immunitaires (concentration inhibitrice à 50% des anticorps) ont révélé un effet «booster» significatif :
- Pour le groupe «jeunes», les concentrations d’anticorps augmentent d’un facteur 5 un mois après la troisième dose (comparées à la concentration d’un mois après la première dose) concernant le virus «historique» du SARS-CoV-2 et d’un facteur 15 pour le variant beta.
- L’effet « booster » était aussi observé pour le groupe «vieux» et pour le variant delta. - D’autre part, les auteurs ont constaté une diminution rapide (plus importante qu’attendue) des anticorps après la deuxième dose.
Deux enseignements
- La 3ème dose a l’air de fonctionner.
- Nous avons une confirmation de la baisse de la protection immunologique plus rapide que prévue !
On n’est pas rendu !
TRAITEMENTS
Ivermectine : pas si «safe» que ça !
L’ivermectine fait partie du traitement de la COVID-19 sévère en association avec la dexaméthasone avec une seule prise initiale pour éviter le développement d’infections parasitaires qui seraient favorisées par le traitement corticoïde.
Malheureusement, à la faveur d’informations farfelues (pas de résultats positifs dans le traitement de la COVID-19 ; Cf. newsletter n°42 et n°56), l’utilisation de l’ivermectine a bondi à la fois comme traitement préventif ou curatif de la COVID-19 (NEJM, 20 octobre 2021). Ceci est particulièrement notable aux États-Unis.
Cette consommation de l’ivermectine (souvent vétérinaire) par des patients a atteint des sommets avec une augmentation de plus de 2.400% lors de la pandémie. Évidemment, les effets indésirables ont été détectés par les centres antipoison. Le nombre d’appels pour des effets liés à l’ivermectine a considérablement augmenté (+344%)
En analysant 21 appels consécutifs, un centre antipoison américain a pu déterminer la typologie de ces effets. Il y eut 6 hospitalisations dont 4 en réanimation. Les symptômes étaient majoritairement gastro-intestinaux, neurologiques (confusion, convulsion et ataxie). Il y a eu deux cas d’hypotension.
Bon, pas encore de morts mais on craint le pire !
La sérothérapie définitivement condamnée ?
La sérothérapie consiste à injecter aux patients atteints de la COVID-19 (en général en forme sévère), du plasma de patients convalescents de cette même maladie. L’espoir est que les anticorps contenus dans ce plasma pourront inhiber le virus et accélérer la guérison de patients malades.
Après beaucoup d’espoirs, les résultats ont été plutôt négatifs (cf.newsletter n°5, n°16, n°30, n°36 et n°42). Voici une grande étude qui va probablement faire abandonner cette approche (JAMA, 4 octobre 2021).
- Les auteurs ont inclus 2.011 patients COVID-19 sévères hospitalisés en réanimation dans 129 centres investigateurs et 4 pays.
- Dans cet essai randomisé, adaptatif avec une approche bayésienne, le groupe expérimental (N=1.084) recevait 550 mL de plasma de patients convalescents et le groupe contrôle (N=916) ne recevait pas de transfusion.
- Le critère de jugement était le nombre de jours sans support hémodynamique ou respiratoire compté à J21.
- L’essai a été interrompu lorsque le critère de futilité a été malheureusement atteint (probabilité supérieure à 99,4%).
- La médiane de jours sans support était de 0 jour, (IQR[-1 ;16]) dans le groupe expérimental et de 3 jours (IQR[-1 ;16]) dans le groupe contrôle.
- Les mortalités étaient respectivement de 37,3% et de 38,7% (pas de différence).
Bon, la sérothérapie, on ne va plus en parler de sitôt !
CLINIQUE
Les signes cliniques les plus fiables
Le résultat du test PCR est le «gold standard» pour évoquer la maladie COVID-19. Mais il existe une multitude de signes cliniques qui peuvent eux-aussi être prédictifs de la maladie. Dans une analyse rétrospective de grande envergure, des auteurs ont cherché quelle est la meilleure combinaison de signes cliniques prédictifs de la maladie avec un bon degré de performance (PLoS Med, 28 septembre 2021). Le diagnostic de la maladie était posé si la PCR était positive.
- Les chercheurs ont analysé 979.728 patients pour déterminer les signes cliniques et 167.642 pour tester le modèle, ces cohortes provenant du registre REACT-1 situé en Angleterre.
- En testant 26 signes cliniques, une combinaison de sept symptômes était la plus fiable pour prédire la positivité de la PCR. Ce sont : (1) anosmie, (2) agueusie, (3) fièvre, (4) toux persistante, (5) frissons, (6) perte d’appétit et (7) myalgies.
- La toux persistante et des maux de gorge seraient plus spécifiques du variant alpha (B.1.1.7).
- Présenter au moins un de ces symptômes avait une sensibilité de 74%, une spécificité de 64% et une valeur prédictive positive de 9,7% pour faire le diagnostic de la maladie.
Cette étude resserre un petit peu le panel des signes cliniques mais ses performances sont, finalement, assez modestes (sans compter les cas asymptomatiques). Ces résultats peuvent nous aider à mieux cibler les tests PCR.
[Merci au Dr Axel Ellrodt]