Frédéric Adnet est professeur agrégé de Médecine d'Urgence et chef des Urgences de l’Hôpital Avicenne et du SAMU 93. À la fois chercheur et médecin, sa FAQ a connu un succès phénoménal. À l'origine destinée aux professionnels de son service, elle est maintenant traduite en plusieurs langues. Dans son interview, Frédéric Adnet revient sur ce succès et explique son attachement à l'Evidence-based medicine. Il est également l'auteur de l'ouvrage Les Fantassins de la République - Urgence COVID, un printemps en enfer, paru en octobre 2020.
INDEX et liste des FAQ / Newsletters
Un rapport de la Direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques fait un bilan de l’impact de l’Omicron en France pendant la semaine du 17 au 23 janvier 2022 (DREES, 28 janvier 2021). Et bien… Il est présent partout !
Omicron représente :
Si l’on compare les populations malades vaccinées et non vaccinées, l’efficacité déduite concernant la mortalité atteint 90%. Pour l’hospitalisation, elle a été trouvée à 75%.
Comparé au variant Delta, l’infection par le variant Omicron est associée à une plus faible efficacité vaccinale, un plus faible taux de décès, une plus faible probabilité d’hospitalisation ou de formes graves, et ce, quel que soit le statut vaccinal ou la catégorie d’âge. Il est partout, on vous dit !.
Un sous-variant fait de plus en plus parler de lui. BA.2, un sous-type de l’Omicron, a envahi le Danemark. Actuellement il y est majoritaire, tout comme en Suède (59%), en Inde (95%) en Afrique du Sud (85%), en Autriche (65%), aux Philippines (90%), au Qatar (70%) et au Pakistan (80%). En France, BA.2 ne représente pour l’instant que 6% des séquençages réalisés.
BA.2 possède des mutations supplémentaires (au nombre de 6) sur la protéine Spike. À noter : il ne possède plus la délétion 69-70 qui servait à distinguer le variant Omicron du variant Delta dans la plupart des criblages (Covariants – GISAID, 12 février 2022). Il serait aussi «méchant» que l’autre sous-variant Omicron (B.1.1.529) majoritaire (noté BA.1) mais serait plus transmissible…Les premiers résultats tombent (medRxiv non encore reviewé, 30 janvier 2022).
Détail intéressant, le BA.2 infectait plus facilement les personnes vaccinées comparativement au BA.1, laissant entrevoir un échappement immunitaire plus important avec ce sous-variant, donc une immunité moins efficace. Heureusement qu’il ne semble pas entraîner de morbidité-mortalité supplémentaire !
Une vaste enquête menée par EPI-PHARE permet de se faire une idée réelle de l’intérêt de la vaccination en France. Les épidémiologistes ont analysé les déterminants associés à la survenue d’une hospitalisation ou d’un décès dus à la Covid-19, dans une population de personnes présentant un schéma vaccinal complet à fin juillet 2021.
Ce travail confirme l’intérêt du vaccin puisque le risque d’hospitalisation ou de décès pour Covid-19 dans une population totalement vaccinée était retrouvé très faible (époque «pré-Omicron»).
Le «portrait type» de la personne vaccinée qui présente le risque de développer une forme grave est une personne âgée de plus de 65 ans, immunodéprimée ou ayant été traitée par corticoïdes oraux et présentant certaines comorbidités comme des maladies pulmonaires, hépatiques, une insuffisance rénale chronique, un diabète, des maladies cardiovasculaires ou des maladies neurologiques.
[Merci au Dr Alain Weill]
Nous avons a vu que la période après la Covid-19 était une période à risque avec une incidence de pathologies sévères plus élevées que la normale (cf. newsletters n°32, n°46, n°47 et n°64). Voici une étude systématique et complète qui fait froid dans le dos (Nature Medicine, 7 février 2022).
Les auteur sont suivi une cohorte de 153.760 patients Covid-19+, et l’ont comparée à deux cohortes contrôles :
En comparant les évènements cardiovasculaires survenant chez les patients Covid-19+ aux patients contrôles contemporains (durée du suivi : un an), les auteurs ont mis en évidence un nombre impressionnant de sur-morbidités chez les patients ayant présenté la maladie Covid-19.
Il s’agissait de cardiopathies ischémiques : +70% (HR=1,66 ; IC95%[1,52-1,80]), de maladies cardiaques inflammatoires (péricardites, endocardites) : +100% (HR=2,02 ; IC95%[1,77-2,30]), d’arythmies : +70% (HR=1,69, ; IC95%[1,64-1,75]), de maladies thromboemboliques : +140% (HR=2,39 ; IC95%[2.27-2.51]), d’accidents vasculaires cérébraux : +50% (HR=1,52 ; IC95%[1,43-1,62]).
En résumé, si on regarde globalement l’ensemble des événements majeurs (infarctus du myocarde, décès et AVC), le risque est augmenté de 55% (HR=1,55 ; IC95%[1,50-1,60])(Schéma).
Ce sur-risque intéresse tous les patients Covid-19, quels que soient la gravité et les facteurs de risque (comorbidités) mais il augmente avec la sévérité de la maladie Covid-19.
On n’est pas sorti de cette affaire ! Cela va devenir un véritable problème de santé publique et ce d’autant plus que presque toute la population finira un jour par rencontrer ce satané virus !
[Merci au Dr Axel Ellrodt]
Le baricitinib est un anti-inflammatoire anti-JAK 1 et 2 qui pourrait lutter contre l’orage inflammatoire lié aux formes graves de la Covid-19. Cette molécule a des propriétés anti-cytokines et antivirales. Nous avions vu (cf. newsletter n°32) qu’il n’apportait pas grand-chose (diminution du délai de guérison) par rapport au remdesivir, qui lui non plus n’est pas très convaincant.
On nous propose ici un essai multicentrique, international, randomisé comparant un groupe recevant le baricitinib (N=51) à un groupe ayant le placebo (N=50), chez des patients Covid-19+ les plus graves, c’est à dire sous ventilation mécanique et/ou ECMO (Lancet Resp Med, 3 février 2022).
Les auteurs ont observé une baisse significative de la mortalité dans le groupe traité : 39% vs 58% (HR=0,54 ; IC95%[0,31-0,96]). Par contre, il n’y avait pas de différence significative pour la durée de ventilation ni de durée d’hospitalisation (23,7 jours vs 26,1 jours).
Cette étude de haut niveau de preuve est à confirmer par une étude de plus grande envergure compte tenu de la taille des groupes franchement faibles (c’est une étude exploratoire). Il faudrait probablement des critères d’inclusions plus larges, pour ne pas prendre uniquement les patients les plus graves.
Vous souvenez-vous ? Le molnupiravir est un antiviral direct donné par voie orale, qui agit par une inhibition de la réplication virale. Il appartient à la famille des ribonucléosides mutagènes. Après avoir annoncé des résultats spectaculaires à l’analyse intermédiaire (cf.newsletter n°60), Merk® a fini par admettre un bénéfice plus modeste dans un deuxième communiqué de presse. Finalement, la France n’a pas donné son AMM pour ces comprimés.
Les résultats sont publiés dans le New England Journal of Medicine (NEJM,10 février 2022).
Bon, ces résultats calment un peu l’enthousiasme puisque l’analyse intermédiaire avait montré une efficacité de plus de 50% ! C’est probablement la raison pour laquelle les autorités françaises ont préféré la molécule concurrente, le Paxlovid de Pfizer®. Quid d’un traitement associant les deux comprimés comme pour le SIDA ?