Covid-19 : la newsletter du Pr Adnet (N°26 - 03 novembre)
Mauvaise nouvelle, l’espoir d'un BCG protecteur contre la Covid-19 s’est un peu envolé. Autre mauvaise nouvelle, les soignants constituent réellement une profession à risque, surtout s’ils soignent directement les patients. Par contre, l’immunité acquise après infection par le SARS-CoV-2 semble plus longue et efficace que prévue. Ouf. À découvrir aussi : comment les seniors se contaminent à la maison ? Enfin, une analyse du profil des patients hospitalisés en réanimation et deux déceptions du côté des essais thérapeutiques.
Depuis le 12 mars, le Pr Frédéric Adnet - professeur agrégé de Médecine d'Urgence, chef des Urgences de l’Hôpital Avicenne et du SAMU 93 - fait régulièrement le point sur le Covid-19.
Après 46 numéros d'une FAQ quotidienne, il propose désormais une newsletter hebdomadaire. Nous la reproduisons ici avec son aimable autorisation.
INDEX et liste des FAQ / Newsletters
NEWSLETTER N°26 (03 novembre)
ÉPIDÉMIOLOGIE
BCG : finalement, non !
Le BCG aurait pu protéger de la Covid-19 d’après plusieurs études qui ont trouvé une association entre une diminution de la mortalité de la Covid-19 et les pays à forte couverture vaccinale. Ces constats ont donné lieu à 17 essais cliniques actuellement en cours. Patatras ! Des chercheurs ont réexaminé ces résultats et ont étudié 74 pays en les catégorisant ainsi :
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pas de couverture vaccinale par le BCG (N=6);
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ancienne vaccination de masse, dont la France (N=18);
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vaccination actuelle par le BCG (N=50).
Lorsque les auteurs ont corrigé les comparaisons en tenant compte des facteurs confondants (et en particulier la politique de dépistage de la Covid-19), ils n'ont trouvé aucune association entre la mortalité ou l’incidence de la maladie et la couverture vaccinale par le BCG (Nature Research, 27 octobre 2020).
D’autres facteurs épidémiologiques ont, par contre, été reliés à la Covid-19, comme la prévalence des maladies cardiovasculaires ou le tabagisme. Ça c’est plus logique !
[Merci au Dr. Axel Ellrodt]
NDLR : une autre étude (en pré-print) suggère que le BCG pourrait améliorer une protection du vaccin antigrippal contre la Covid-19
(Cf. La vaccination antigrippe renforcerait l'immunité contre la Covid-19).
Les soignants et leurs familles : populations à risque !
On sait que les soignants (et leurs familles) sont probablement à risque d’attraper la Covid-19. Seulement, on sait aussi que la plupart des contaminations surviennent non pas sur les lieux de travail mais dans la cellule familiale ou à l’extérieur de l’hôpital. Une équipe de chercheurs a voulu déterminer le sur-risque des soignants par rapport à la population générale, en séparant les soignants entre ceux qui sont au contact direct des patients et ceux qui, par leur fonction, en sont plus éloignés (BMJ, 28 octobre 2020).
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158.445 soignants ont été suivis dont 90.733 (57%) étaient au contact direct avec les patients.
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229.905 proches de ces soignants ont également bénéficié de ce suivi.
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Le critère était une admission à l’hôpital pour Covid-19.
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Après un ajustement de variables confondantes, les auteurs ont trouvé que les soignants qui ne sont pas directement au contact des patients ont un risque similaire à la population générale (HR=0,8 ; IC95%[0,52- 1,26]).
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Par contre, les soignants au contact des patients ont plus de trois fois plus de risques de se retrouver hospitalisés pour une Covid-19 comparés à leurs collègues sans contact direct (HR=3,30 ; IC95%[2,13-5,13]).
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Les proches des soignants au contact des patients ont eux-aussi un risque plus élevé (+79%).
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Les soignants en réanimation ou ceux participant aux soins de ventilation ont un risque supplémentaire, plus de deux fois plus élevé que leurs collègues au contact des patients mais non impliqués dans la ventilation des patients (HR=2,09 ; IC95%[1,49-2,94]).
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Ces populations représentent un sixième des admissions hospitalières pour Covid-19 avec un risque absolu pour un soignant au contact des patients de 0,5%.
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Il est donc bien établi qu’il existe un risque non négligeable d’attraper la Covid-19, lié aux soins directs.
Comment nos ainés se contaminent ?
Une étude très intéressante s’est penchée sur le mode de contamination des patients âgés (> 70 ans) au domicile. Elle a été réalisée en Suède (à Stockholm), le pays qui, au début de l’épidémie, n’a pas été très strict sur les mesures barrières (Lancet Healthy Longevity, 27 octobre 2020).
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Les auteurs ont rassemblé les données de 274.712 personnes âgées entre le 12 mars 2020 et le 8 mai 2020.
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Ils ont étudié les conditions de vie, les personnes habitants avec les personnes âgées, la densité de population et la surface de l’habitation.
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Après un ajustement sur les principaux facteurs confondants (âge, niveau d’éducation, lieu de naissance, niveau socio-économique), les chercheurs ont pu établir les paramètres associés à la mortalité par Covid-19.
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Les principaux résultats ont montré que la surmortalité par Covid-19 de ces personnes âgées étaient clairement et indépendamment associées à :
- la présence permanente à domicile d’au moins une personne plus jeune en âge de travailler (< 66 ans) : +60% de mortalité, (HR=1,6 ; IC95%[1,3-2,0]);
- une situation de soins à domicile (équivalent à notre hospitalisation à domicile) : +410% de mortalité, (HR=4,1 ; IC95%[3,5-4,9]);
- une densité de population dans le quartier importante, supérieure à 5.000 habitants/km2 : +70% de mortalité, (HR=1,7 ; IC95%[1,1-2,4]).
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Un logement exiguë augmente aussi la mortalité : +210% si moins de 20 m2 par habitant (HR=2,1 ; IC95%[1,53-2,87].
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Curieusement, la présence d’enfant ne semble pas influer sur la mortalité par Covid-19.
On est immunisé oui ou non ?
La durée d’une immunisation efficace après contamination par le SARS-CoV-2 est une question cruciale. Elle conditionne la probabilité d’être ou de ne pas être réinfecté mais surtout elle détermine si un jour on aura un vaccin efficace en assurant une immunité durable. Une équipe de chercheurs a voulu savoir combien de temps on gardait des anticorps efficaces (au moins in vitro) après une infection par le SARS-CoV-2 (Science, 28 octobre 2020).
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Après avoir suivi 30.082 patients ayant présenté une Covid-19 mineure ou de gravité moyenne, ils ont déterminé le taux d’anticorps efficaces IgG neutralisant la protéine S [Spike] du virus qui est nécessaire pour sa diffusion dans la cellule. Ils ont établi que ce taux était de plus de 90% à moins d’un mois après le début des symptômes. Les concentrations étaient le plus souvent élevées (1/320).
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Dans un second temps, après avoir analysé 121 échantillons à 52 jours, 82 jours et enfin 148 jours après le début des symptômes, ils sont observé que les anticorps étaient toujours présents (mais en quantités légèrement plus faibles) et neutralisant (donc efficaces) même à 5 mois (148 jours). Les auteurs se proposent de réexaminer les échantillons plus tard…
Ces résultats encourageants et similaires avec ceux qui ont été trouvés avec les autres coronavirus (MERS, SARS-CoV-1, etc.) laissent espérer une immunité de plus de 3-4 mois comme le supposaient d’autres travaux…et redonne confiance en la possibilité d’un vaccin efficace.
Enfin une bonne nouvelle !
CLINIQUE
Profil des patients en réanimation (1ère vague)
Une vaste enquête épidémiologique (et française en plus !) vient d‘être publiée. Elle concerne 4.244 patients Covid-19 graves hospitalisés en réanimation pendant la première vague du 25 février au 4 mai 2020 (Intensive Care Medicine ; sous presse).
Courbes de survie des malades Covid-19 en réanimation.
On observe une augmentation significative de la survie en fonction des dates d’hospitalisation.
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Les patients mis sous ventilation mécanique invasive représentaient 3.376 personnes, soit 80% des malades hospitalisés.
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Cette ventilation durait en moyenne 12 jours pour une durée de séjour moyenne de 16 jours.
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L’incidence des embolies pulmonaires était de 9% et les pneumopathies acquises sous ventilation compliquaient 58% des patients. La mortalité globale à J90 était de 31%, mais diminuait d’une valeur initiale de 42% pour atteindre 25% au cours du temps (Schéma).
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Les déterminants de la mortalité à J90 étaient l’âge, l’obésité, l’hypoxie, le diabète, l’insuffisance rénale et la rapidité de l’aggravation clinique.
[Merci au Dr. Axel Ellrodt]
TRAITEMENT
Essai phase 2 pour un anticorps monoclonal
Le New England Journal of Medicine vient de publier les résultats en phase 2 (sécurité, efficacité et recherche de la dose efficace) d’un essai thérapeutique utilisant un anticorps monoclonal (LY-CoV555) dirigé contre la protéine S du SARS-CoV-2 (NEJM, 28 octobre 2020).
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L’étude a inclus 452 patients avec une Covid-19 pauci-symptomatique ou modérée.
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Les doses utilisées étaient de 700 mg, 2800 mg et 7000 mg.
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Le critère d’évaluation principal était la diminution de la charge virale à J11.
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Seule la dose de 2800 mg a montré une diminution significative par rapport au placebo.
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Il n’y a pas eu d’effets indésirables majeurs.
Le problème, c’est que la décroissance virale à J11 est déjà très importante (supérieure à 99%) avec le placebo, ainsi la comparaison est complètement non pertinente (reconnue d’ailleurs par les auteurs !). Bof, bof….
L’anakinra, du plomb dans l’aile !
On avait vu une étude prometteuse (newsletter n°4) utilisant l’anakinra (Kineret®), une molécule anti-interleukine-1 utilisée dans des maladies inflammatoires. Cette étude observationnelle et rétrospective avait montré un effet important sur la mortalité de la Covid-19.
Un nouvel essai prospectif, randomisé contre placebo avait débuté (ANACONDA- COVID19) mais il a été interrompu après une trentaine d’inclusions en constatant une surmortalité dans le groupe traité par cette molécule. Bon…
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