Covid-19 : la newsletter du Pr Adnet (N°22 - 06 octobre)
Bars et restaurants dans la transmission du SARS-CoV-2... Forcément coupables ? Suite logique et insolite, un peu de mécanique des fluides tout droit sortie de la cuvette des WC. Dépistage : quelle stratégie avec les tests rapides ? Hydroxychloroquine : décidément, quand ça veut pas... Un peu plus d'espoir du côté d'un vaccin américain et d'un traitement par anticorps purifiés.
Depuis le 12 mars, le Pr Frédéric Adnet - professeur agrégé de Médecine d'Urgence, chef des Urgences de l’Hôpital Avicenne et du SAMU 93 - fait régulièrement le point sur le Covid-19.
Après 46 numéros d'une FAQ quotidienne, il propose désormais une newsletter hebdomadaire. Nous la reproduisons ici avec son aimable autorisation.
INDEX et liste des FAQ / Newsletters
NEWSLETTER N°22 (06 octobre)
ÉPIDÉMIOLOGIE
Les restaurants et les bars, vraiment dangereux ?
Question oh combien d’actualité ! Nous savons que les deux déterminants importants pour la transmission de ce satané virus sont la densité de population et l’espace confiné. Ces deux facteurs de risque principaux sont prévenus par la distanciation physique et le port correct d’un masque homologué.
La définition des lieux à risque est importante pour éventuellement inspirer des mesures coercitives. Des chercheurs américains ont ainsi comparé les habitudes de vie de deux cohortes de personnes adultes, l’une composée de personnes COVID-19+ symptomatiques (N=154) et l'autre de non-COVID-19 (N=160). (Morbidity and Mortality Weekly Report, 11 septembre 2020). Les deux groupes de patients respectaient (en mode déclaratif) les mesures barrières. Les deux groupes n’étant pas comparables ils ont dû être appariés pour le sexe, l’âge, l’ethnie, les comorbidités et lieu de vie.
-
Comme on pouvait s‘y attendre dans la cohorte COVID-19+, les patients avaient une vie sociale plus active incluant des contacts rapprochés avec des malades COVID-19+ plus fréquents (42% vs. 14%).
-
Plus intéressant, la cohorte COVID-19+ allait au restaurant presque trois fois plus que les non-COVID-19 (aOR = 2,8 ; IC95%[1,5-3,8]) et allait boire un verre dans un bar presque quatre fois plus (aOR=3,9 ; IC95%[1,5-10,1]).
-
Les autres lieux de contacts rapprochés (habitation, transport, gymnase, lieu de travail) n’apparaissaient pas dans le risque d’appartenir à la cohorte COVID-19+.
Cette étude est intéressante mais associée à un faible niveau de preuve. Elle devra être confirmée par d’autres car elle possède beaucoup de limitations : l’effectif est faible, les deux groupes n’étaient pas comparables avant appariement et donc un risque majeur de facteurs confondants non détectés : les restaurant et les bars ne sont peut-être que des indicateurs d’un autre mode de vie qui comporte d’autres facteurs de risques pour attraper le COVID-19. Bon, pas bon pour les Marseillais et les Parisiens… À suivre !
Les bars, lieux à haut risque ?
Bon, peut-on boire un coup sans risquer sa peau ? Nous savons que les lieux confinés et à haute densité populaire sont à risque. De plus, la transmission du virus est hétérogène avec des phénomènes de «supercontaminants» (superspreaders). En étudiant le «tracing» de 1.038 patients à Hong-Kong des chercheurs chinois ont pu remonter aux différents mécanismes des transmissions, et déterminer si des lieux de vie sociale pouvaient être à l’origine de «supercontaminations» (Nature Medicine , 17 septembre 2020).
Parmi les 51 clusters mis en évidence, les auteurs ont isolé près de 7 clusters «supercontaminants» ; ils représentaient 19% des contaminations mais ont été responsables de 80% des transmissions virales. Le «supercluster» le plus contaminant (106 contaminations documentées) a eu lieu dans 4 bars de Hong-Kong.
Il est probable qu'un client a contaminé le premier bar et que ce sont ensuite les musiciens qui ont amplifié la contamination en allant jouer dans les trois autres bars. Cette seule contamination a ainsi été responsable de 10% de l’ensemble des contaminations survenues à Hong-Kong. Le problème c’est qu’en fermant les bars on risque de déplacer ces «superclusters» dans des lieux privatifs sans contrôle…
[Merci au Dr Axel Ellrodt]
Suite logique : quid de la transmission aux WC ?
La très sérieuse revue Physics of Fluids met en garde les utilisateurs des WC ! Lorsque l’on tire la chasse d’eau, il y a un risque de nébulisation par aérosol du SARS-CoV-2 contenu dans les selles (Phys Fluids, 16 juin 2020) ! On sait que la présence du SARS-CoV-2 dans les selles a été démontrée et peut durer longtemps après la fin des signes cliniques.
-
Muni d’équations à faire pâlir Albert Einstein, les auteurs ont modélisé la dynamique des fluides lorsque l’on tire la chasse d’eau.
-
Deux types de chasse d’eau ont été modélisés : la chasse d’eau circulaire (courant d‘eau circulaire dans la cuvette) et la chasse d’eau à évacuation.
-
La modélisation est catastrophique : 40 à 60 % des particules virales seraient aérosolisées en dehors de la cuvette, et jusqu’à 106 cm de hauteur au dessus de la cuvette !
Une info... à retenir !
[Merci au Dr. Tomislav Petrovic]
Les nouveaux tests de détection du SARS-CoV-2, quelle stratégie ?
Le «gold standard» pour la détection du SARS-CoV-2 est la PCR qui détecte d’infimes quantités d’ARN de ce virus. Le problème c’est que ce test est tellement sensible qu’il est positif lorsque le patient n’est plus contagieux et que la lenteur pour l’obtention du résultat fait perdre un temps précieux.
-
De nouveaux tests arrivent sur le marché : les fameux tests antigéniques de type «TROD» (Test Rapide d’Orientation Diagnostique) ont l’avantage de donner une réponse beaucoup plus rapide (35 minutes)... mais ils sont moins sensibles.
-
Une nouvelle stratégie d’utilisation de ces tests a été proposée dans le New England Journal of Medicine (NEJM, 20 septembre 2020).
-
Cette stratégie repose sur une fréquence plus élevée de tests TROD de moindre sensibilité qui, au final, ne se positiveront que pendant la période de contagiosité (au maximum de la charge virale) alors que les tests plus sensibles - comme la PCR effectuée moins fréquemment - détectent des patients contagieux mais aussi non contagieux (périodes pré-contagieuses et post-contagieuses).
-
Le protocole proposé est de faire le test plusieurs fois par semaine, la rapidité des résultats font que la personne sera plus rapidement prise en charge et surtout isolée avec un «tracing» plus efficace en cas de test positif. Les chaines de contamination seront donc plus facilement accessibles pour être détruites.
[Merci au Pr Nicolas Javaud]
RECHERCHE
Le vaccin américain entre en course…
Un article du New England Journal of Medicine nous informe qu’un candidat vaccin américain (le mRNA-1273) a franchi l’étape de la phase 1 visant à déterminer la bonne dose et à détecter d’éventuels effets indésirables (NEJM , 29 septembre 2020).
-
La particularité de cet essai était qu’il a été effectué chez des patients âgés (plus de 40 ans), principale cible du COVID-19 grave.
-
Le vaccin, un morceau d’ARN viral qui encode pour la protéine S du SARS- CoV-2 (protéine clé dans l’entrée du virus dans la cellule) a déjà démontré une réaction immunitaire et l’absence d’effets secondaires dans une population standard.
-
Le protocole prévoyait deux injections à 28 jours d’intervalle d’une solution à 25 µg ou 100 µg (10 volontaires dans chaque groupe).
-
La réponse immunitaire a été plus importante dans les deux cohortes stratifiées par l’âge (56-70 ans et plus de 71 ans) pour la dose de 100 µg.
-
Cette réponse était semblable à celle précédemment décrite chez des volontaires âgés de 18 à 55 ans.
-
Les effets secondaires se partageaient en asthénie, frissons, céphalées, myalgie et douleur au site d’injection.
On croise les doigts !
Lilly annonce des essais encourageants pour un anticorps
La stratégie d’utiliser des anticorps purifiés contre le SARS-CoV-2 n’a pas encore fait la preuve de son efficacité. Lilly annonce que son anticorps, un IgG purifié dirigé contre la protéine S du SARS-CoV-2, le LY-CoV555, a montré des résultats préliminaires encourageants dans l’analyse intermédiaire de l’essai BLAZE-1 (Communiqué de presse, 16 septembre 2020).
-
L’essai randomisé en double-aveugle contre placebo a révélé que cet anticorps diminuait significativement la charge virale à J11 à la dose de 2800 mg chez des patients COVID-19+ symptomatiques mais non graves.
-
Il y avait 1,7% d’hospitalisations dans le groupe expérimental (302 patients) contre 6% dans le groupe contrôle (150 patients).
TRAITEMENT
Hydroxychloroquine : saison 67, épisode 342
Bon, on a vu que l’hydroxychloroquine n’avait plus le vent en poupe puisque cette molécule s’est révélée inactive sur un modèle cellulaire d’épithélium respiratoire, inactive dans un modèle animal de référence et sans efficacité pour les patients COVID-19 graves ou peu symptomatiques.
Une nouvelle étude décevante vient d‘être publiée. Les auteurs ont testé cette molécule en traitement prophylactique chez des soignants exposés (JAMA Internal Medicine , 30 septembre 2020). Les chercheurs, dans un essai randomisé contre placebo, ont testé 64 soignants qui ont reçu de manière prophylactique 600mg par jour d’hydroxychloroquine pendant 8 semaines versus un groupe contrôle de 61 soignants qui recevaient le placebo.
-
L’essai, initialement prévu pour inclure 200 patients a été stoppé pour futilité. En effet, il y eu 4 soignants atteints de la COVID-19 dans chaque groupe (6,3% vs. 6,4%).
-
Il y eut plus d’effets secondaires dans le groupe hydroxychloroquine (45% vs. 26%).
-
Il n’y a pas eu de morbidité cardiaque dans le groupe hydroxychloroquine. En particulier, il n’y avait pas d’augmentation du QTc dans aucun des groupes.
-
Étude dont la méthodologie est associée à un fort niveau de preuve. Le faible effectif est une limitation importante, mais on ne décèle même pas une tendance…
Vous êtes médecin ?
Pour recevoir une sélection de nos articles ou les commenter, il vous suffit de vous inscrire.