Covid-19 : la newsletter du Pr Adnet (N°21 - 29 septembre)
Au sommaire cette semaine, un nouvel éclairage sur l’utilité des corticoïdes et un point sur l'ECMO, (dernier ?) espoir pour les patients les plus graves. Sans oublier un peu d'épidémiologie avec une mise au point sur l’immunité collective aux États-Unis, et deux éléments cliniques : un nouveau facteur de risque biologique identifié et l’incidence méconnue des complications digestives.
Depuis le 12 mars, le Pr Frédéric Adnet - professeur agrégé de Médecine d'Urgence, chef des Urgences de l’Hôpital Avicenne et du SAMU 93 - fait régulièrement le point sur le Covid-19.
Après 46 numéros d'une FAQ quotidienne, il propose désormais une newsletter hebdomadaire. Nous la reproduisons ici avec son aimable autorisation.
INDEX et liste des FAQ / Newsletters
NEWSLETTER N°21 (29 septembre)
ÉPIDÉMIOLOGIE
Immunité collective : on en est où ?
L’immunité collective constitue sans aucun doute un frein à la pandémie de la COVID-19. On sait que cette immunité est efficace au moins quelques mois, vu le très faible nombre de cas de réinfections décrites de manière certaine (seulement quatre à l’heure actuelle).
Le problème, c’est que nous ne savons pas à partir de quel niveau cette immunité aurait un impact important dans la propagation du virus. Divers avis d’experts nous informent qu’un niveau de 60% pourrait arrêter le virus. Une large enquête sérologique aux États-Unis a permis de faire le point sur le niveau d’immunité collective dans ce pays. En se basant sur du plasma prélevé chez 28.503 patients dialysés dans 1.300 centres de dialyse, des auteurs ont mesuré le taux d’anticorps anti-SARS-CoV-2 (Lancet, 26 septembre 2020). Ils ont ensuite, par une méthode d’appariement en tenant compte de l’âge, du lieu d’habitation, du sexe et de l’ethnie, estimé l’immunité collective dans la population des dialysées puis dans la population entière des États-Unis.
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La séropositivité a été trouvée égale à 8,0% (IC95%[7,7-8,4]) dans la population testée (les échantillons de patients dialysés).
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Les auteurs ont déduit une estimation de séroprévalence (immunité collective) de 9,3% (IC95%[8,8-9,9]) dans la population américaine.
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La densité de la population est un facteur majeur puisque les régions à haute densité avaient un pourcentage de séropositivité augmenté d’un facteur 10,3 par rapport aux régions de faible densité.
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Rappelons que ces chiffres ne concernent que l’immunité humorale et il semble qu’une partie de la population avec une sérologie négative aurait une immunité cellulaire efficace.
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Ces chiffres sous-estiment probablement l’immunité collective aux États Unis.
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En France divers avis d’experts estiment la séroprévalence au SARS-COV-2 autour de 10%. Une enquête sérieuse serait la bienvenue !
CLINIQUE
Les globules rouges : pas bon !
On sait que l’hypercoagulation, les D-dimères ou une CRP élevée sont des éléments de mauvais pronostic. Des auteurs se sont intéressés à la variation de la taille des globules rouges sur le pronostic des patients COVID-19+.
On sait que pour beaucoup de maladies une distribution de la taille des globules rouges anormalement large peut être un facteur de mauvais pronostic (insuffisance cardiaque ; bronchopneumopathie, sepsis etc.). Ce paramètre est mesuré en routine par l’indice de distribution des globules rouges (IDR).
En étudiant une cohorte de 1.641 patients répartie dans 4 hôpitaux à Boston (États-Unis), ils ont mis en évidence une association entre la mortalité de la COVID-19 et l’anisocytose, c’est à dire une distribution anormalement importante de la taille des globules rouges définie par un IDR supérieur à 14,5% (JAMA Network Open, 23 septembre 2020).
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Ils ont trouvé une mortalité augmentée d’un facteur de 2,73 dans le groupe des patients avec un IDR > 14,5% (N=468) comparé aux patients avec un IDR normal (N=1.173).
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La mortalité passait en effet de 11% à 31% !
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Remarque intéressante, ce sur-risque était mis en évidence chez les patients qui avaient cette anisocytose à l’admission et chez ceux qui acquéraient cette anomalie au cours de leur hospitalisation.
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Cette sur-mortalité intéressait tous les patients quelles que soient leurs classes d’âge.
Et l’appareil digestif ?
On sait que la COVID-19 est une maladie essentiellement respiratoire, depuis les premiers symptômes jusqu’au stade de détresse respiratoire. De plus en plus de travaux rapportent une fréquence élevée de complications cardiaques (morts subites, myocardites, péricardites, troubles du rythme, etc.) ou cérébrales (encéphalites, AVC, etc.) dans les formes graves.
Qu’en est-il de l’appareil digestif ? C’est l’objet d’une étude dans un article récent du JAMA (JAMA, 24 septembre 2020).
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Les auteurs ont comparé 242 patients COVID-19+ graves et ventilés mécaniquement à une série historique de 244 patients atteints d’un SDRA et ventilés mécaniquement en 2018 (et donc indemnes de COVID-19).
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Après un appariement par score de propension pour éliminer un maximum de biais confondants (92 patients sélectionnés dans chaque groupe), les auteurs ont mis en évidence une fréquence significativement beaucoup plus importante de complications gastro-intestinales dans le groupe COVID-19 (74% vs. 37%) : atteinte hépatique (55% vs. 27%), Iléus sévère (48% vs. 22%), ischémie mésentérique (4% vs. 0%).
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La COVID-19 dans sa forme grave apparait de plus en plus comme une maladie affectant l’ensemble des organes vitaux.
TRAITEMENT
Une confirmation, les corticoïdes, ça marche !
Pour l’instant, il semble que seuls les traitements symptomatiques (modalités d’administration de l’oxygène et de ventilation, anticoagulation, corticoïdes) ont un réel impact sur la mortalité associée à la COVID-19. En ce qui concerne les corticoïdes, une méta-analyse d’essais randomisés qui vient de confirmer leurs intérêts a été publiée dans le JAMA (JAMA, 2 septembre 2020).
Ce travail rassemble 7 essais randomisés dans 12 pays testant l’utilisation des corticoïdes (dexaméthasone, hydrocortisone, methylprednisolone) chez des patients COVID+ graves admis en réanimation (N=1.703). Les études sélectionnées ne présentaient pas de biais d’hétérogénéité majeur.
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Il y eut 222 décès parmi les 678 patients dans le groupe corticoïdes (33%) et 425 décès parmi les 1.025 patients dans le groupe contrôle (41%).
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Ceci correspond à une réduction significative de la mortalité de 34% (OR=0,66 ; IC95%[0,53-0,82]).
standard of care dans le traitement des COVID-19 graves.
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La dexaméthasone semble la molécule la plus efficace à la posologie de 6mg par jour.
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Les corticoïdes sont maintenant considérés comme un
L’ECMO : quels résultats ?
Parmi les modalités d’oxygénation, le recours à l’ECMO (Extra-Corporeal Membrane Oxygenation) concerne les patients les plus graves pour lesquels il existe une hypoxie réfractaire à tous les traitements classiques. C’est une thérapeutique de la dernière chance. Cette ECMO consiste à oxygéner le sang à partir d’un circuit extracorporel, veino-veineux ou, plus rarement, artério-veineux.
Il s’agit souvent de la tentative de dernier recours et c’est un traitement réservé, classiquement, avant la pandémie de COVID-19, aux syndromes de détresse respiratoire de l’adulte (SDRA) les plus sévères. Une grande étude de cohorte vient de publier les résultats en terme de mortalité des patients COVID-19+ mis sous ECMO (Lancet, 25 septembre 2020).
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La PaO2/FiO2 avant la mise sous ECMO était en médiane de 72mmHg (IQR = [59-94]).
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À partir des dossiers de 1.035 patients les auteurs ont trouvé une mortalité à 90 jours de 37,4% (IC95%[30,4-40,4]).
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Il n’y avait pas de différence de mortalité à 90 jours entre les patients qui avaient les critères d’un SDRA et les autres dans cette cohorte (37,4% vs. 38%).
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Cette mortalité, importante, est conforme à la mortalité attendue avec cette technique.
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Dans les rares essais randomisés avec cette technique, la mortalité diminuait de plus de 10% dans le groupe ECMO comparé aux techniques d’oxygénation classiques.
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Ainsi, le bénéfice escompté est similaire au bénéfice que l’on attend pour l’indication de cette technique aux patients gravissimes COVID-19+.
[Merci au Dr. Axel Ellrodt]
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