Covid-19 : la newsletter du Pr Adnet (N°19 - 15 septembre)
Quel rôle pour la vitamine D contre la Covid-19 ? L’immunité cellulaire induite par l’infection du SARS-CoV-2, où en est-on ? Mais aussi, une explication physiologique qui éclaire le lien entre ethnie et COVID-19, les facteurs de risques chez les sujets jeunes et l’utilité du traitement par anticoagulants.
Depuis le 12 mars, le Pr Frédéric Adnet - professeur agrégé de Médecine d'Urgence, chef des Urgences de l’Hôpital Avicenne et du SAMU 93 - fait régulièrement le point sur le Covid-19.
Après 46 numéros d'une FAQ quotidienne, il propose désormais une newsletter hebdomadaire. Nous la reproduisons ici avec son aimable autorisation.
INDEX et liste des FAQ / Newsletters
NEWSLETTER N°19 (15 septembre)
ÉPIDÉMIOLOGIE
Vitamine D, un rôle protecteur ?
Le rôle protecteur de la vitamine D dans la COVID-19 a souvent été évoqué, vu que les pays ensoleillés (l’exposition au soleil étant générateur de vitamine D) sont associés à une prévalence plus faible de la COVID-19. On connaît par ailleurs les qualités de la vitamine D dans la résistance aux infections (virales et autres) et les propriétés modulatrices de l’inflammation de cette molécule.
Des chercheurs ont voulu savoir si le déficit en vitamine D (défini par un niveau inférieur à 20 ng/mL) était associé à une augmentation de la fréquence du COVID-19. Ils ont, dans une étude rétrospective observationnelle monocentrique, réuni les dossiers de 489 patients qui avaient eu des dosages de la vitamine D dans l’année précédente du test PCR (JAMA Infectious Diseases, 3 septembre 2020).
-
Les auteurs ont trouvé les facteurs classiques indépendamment associés à la maladie COVID-19 :
- un âge avancé (> 50 ans),
- l’appartenance à une ethnie non blanche et…
- le déficit en vitamine D (RR=1,77; CI95%[1.12-2.81]; p = 0,02).
-
Dans ce dernier groupe, la probabilité de développer la maladie était de 22% s’il existait un déficit en vitamine D comparée à 12% dans le groupe sans déficit.
Cette étude, avec un faible niveau de preuve, va donc dans le sens d’un effet protecteur de la vitamine D dans le développement de la COVID-19.
RECHERCHE
L’immunité cellulaire : la grande oubliée !
On sait que l’infection par le SARS-CoV-2 induit une réponse immunitaire humorale efficace pendant au moins 4 mois. On teste actuellement ce type d’immunité (taux des anticorps) par les fameux tests sérologiques. La réponse humorale est d’autant plus forte que la maladie est sévère. La réponse immunitaire comprend une autre composante, redoutablement efficace : l’immunité cellulaire médiée par les cellules lymphocytes T (CD4+ ; CD8+).
Cette immunité cellulaire va attaquer directement les cellules infectées, mobiliser les cellules «tueuses» et conserver la mémoire du virus pour accélérer la défense en cas de réinfection. L’immunité cellulaire a été explorée de manière systématique dans un bel article publié dans Nature Immunology (Nature Immunology , 4 septembre 2020).
-
En étudiant la réponse immunitaire cellulaire de 42 patients ayant développé la COVID-19 (28 formes moyennes et 14 formes graves), les auteurs ont démontré que les lymphocytes T CD4+ et CD8+ développaient une défense robuste et efficace contre un grand nombre de cibles de la structure du SARS-CoV-2.
-
Ils ont dénombré 41 cibles peptidiques reconnues par ces lymphocytes T CD4+ et CD8+.
-
Cette réponse immunitaire était corrélée avec l’intensité de la réponse humorale (taux d’anticorps).
-
L’immunité cellulaire dure, elle aussi, au moins deux mois et est intense pour les formes sévères et un peu moins intense pour les formes non graves de la maladie.
Cet article nous réconforte quant à la présence et à l’efficacité de cette réponse de l’immunité cellulaire et constitue un argument fort pour développer un vaccin reposant sur cette immunité.
[Merci au Dr. Axel Ellrodt]
CLINIQUE
L’ethnie afro-américaine : facteur de risque ou non ?
On sait que l’appartenance à une ethnie africaine a souvent été considérée comme un facteur de risque de la COVID-19, bien que la littérature soit contradictoire sur ce sujet. Des auteurs proposent une explication «physiologique» en étudiant la densité du gène exprimant la protéine appelée protéase serine transmembranaire de type 2 (TMPRSS2) qui est - avec le célèbre récepteur ACE2 - le deuxième récepteur nécessaire à l’entrée dans la cellule du SARS-CoV-2 (JAMA, 10 septembre 2020).
-
En comparant la densité de l’expression du gène de ce récepteur dans les cellules des épithéliums respiratoires et bronchiques chez 25 asiatiques, 47 afro-américains, 81 hispaniques, 29 métisses et 123 blancs, les chercheurs ont trouvé que ces récepteurs étaient significativement plus abondants chez les afro-américains comparés aux autres ethnies.
-
Cette constatation offre donc un support «physiologique» à ces différences observées.
-
Il faut quand même prendre cet article avec des pincettes (faibles effectifs, étude monocentrique) surtout que le lien entre ethnies et prévalence de la COVID-19 est toujours discuté.
Les facteurs de risques de la COVID-19 sont-ils les mêmes chez les adultes jeunes ?
Peu de travaux se sont intéressés aux patients adultes jeunes qui développent la COVID-19. En gros, on sait qu’ils développent une maladie moins sévère, beaucoup de formes asymptomatiques et que la mortalité est faible. Des auteurs se sont demandés si les facteurs de risques souvent décrits (obésité, hypertension artérielle, diabète) avaient une importance chez de jeunes adultes âgés entre 18 et 34 ans.
-
Ils ont étudié les dossiers de 3.222 jeunes adultes [18-34 ans] hospitalisés pour COVID-19 dans 419 hôpitaux aux États- Unis (JAMA Internal Medicine, 9 septembre 2020).
-
L’âge moyen était de 28 ans et il y avait 58% d’hommes.
-
Il y eut une mortalité de 2,7%.
-
10% ont bénéficié d’une ventilation mécanique.
-
L’obésité (BMI > 30 kg/m2 ), l’hypertension artérielle et le sexe masculin étaient associés indépendamment à l’évènement d’être sous ventilation mécanique et/ou le décès.
-
L’ethnie ou le diabète n’étaient pas des éléments indépendamment associés à ce critère (mort ou ventilation mécanique).
Les auteurs font remarquer que la mortalité observée correspond au double de la mortalité de l’infarctus du myocarde pour la même classe d’âge.
Cette classe d’âge avec au moins un facteur de risque (parmi les trois autres : sexe masculin, diabète, ethnie) avait le même risque de gravité (décès ou ventilé mécaniquement) qu’une classe d’âge plus vieille et comprise entre 34 et 65 ans.
TRAITEMENT
L’anticoagulation est-elle réellement efficace ?
Nous savons que la COVID-19 dans sa forme grave se décline en trois composantes : la charge virale importante, l’emballement de la réaction inflammatoire et la formation d’une maladie thromboembolique qui prédominent dans la vascularisation pulmonaire. C’est cette troisième composante qui est combattue en administrant des anticoagulants. Les recommandations actuelles indiquent d’injecter les anticoagulants de manière prophylactique pour les patients COVID-19+ hospitalisés et en curatif pour les patients présentant une forme grave (oxygèno-dépendante).
-
Dans un travail rétrospectif, observationnel et monocentrique, des auteurs ont comparé des patients hospitalisés pour COVID-19 selon s’ils étaient non anticoagulé (N=1.530), anticoagulé en préventif (N=1.959) ou anticoagulé en curatif (N=900).
-
Après un ajustement des variables confondantes par un score de propension, les auteurs ont trouvé que l’anticoagulation était associée à une baisse de la mortalité de :
- 47% ( aHR=0,53; IC95%[0,45-0,62]; p<0,01) pour l’administration curative,
- 50% (aHR=0 ,50; CI95%[0,45-0,57]; p<0,001) pour l’administration préventive.
-
Il n’y avait pas de différence entre les deux modalités (curatif ou préventif) de traitement anticoagulant.
-
De la même manière l’administration d‘un anticoagulant était associée à une diminution significative du recours à l’intubation.
-
Les hémorragies étaient plus fréquentes chez les patients recevant l’anticoagulation en curatif (3%) que ceux en préventif (1,7%) ou sans anticoagulant (1,9%).
-
Les anticoagulants oraux avaient un meilleur profil d’efficacité comparé aux héparines de bas poids moléculaires.
-
42% des autopsies révélèrent des lésions de maladie thromboembolique.
Ce travail à bas niveau de preuve est un des premiers à mettre en évidence un effet majeur sur la mortalité avec l’administration des anticoagulants dans le cadre de la COVID-19.
Vous êtes médecin ?
Pour recevoir une sélection de nos articles ou les commenter, il vous suffit de vous inscrire.