Covid-19 : la newsletter du Pr Adnet (N°13 - 04 août)
Dans cette newsletter, un point sur les recommandations pour le traitement avec le remdesivir. Des informations contradictoires sur les enfants porteurs de SARS-CoV-2, la pauvreté de la recherche clinique sur le COVID-19 qui brille par sa quantité mais pas par sa qualité, et pour finir une étude inquiétante sur les séquelles inflammatoires cardiaques du post-COVID.
Depuis le 12 mars, le Pr Frédéric Adnet - professeur agrégé de Médecine d'Urgence, chef des Urgences de l’Hôpital Avicenne et du SAMU 93 - fait régulièrement le point sur le Covid-19.
Après 46 numéros d'une FAQ quotidienne, il propose désormais une newsletter hebdomadaire. Nous la reproduisons ici avec son aimable autorisation.
INDEX et liste des FAQ / Newsletters
NEWSLETTER N°13 (04 août)
ÉPIDÉMIOLOGIE
Les enfants sont-ils transmetteurs : oui ou non ?
Il y avait un certain consensus dans la littérature pour dire que les enfants étaient peu transmetteurs du SARS-CoV-2. Ce n’est pas cette étude publiée dans la très respectueuse revue JAMA Pediatrics qui va clore le débat ! Les auteurs trouvent que la charge virale détectée par PCR est plus importante chez les enfants de moins de 5 ans (JAMA Pediatrics, 30 juillet 2020).
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Les chercheurs ont collecté 145 PCR nasopharyngées de patients entre 1 mois et 65 ans avec des symptômes légers de COVID-19. Ils ont divisé les patients en trois groupes : moins de 5 ans (N=46), 5-17 ans (N=51) et plus de 17 ans (N=48).
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Ils ne trouvèrent aucune différence entre la charge virale des deux derniers groupes (adultes et 5-17 ans) et des charges virales significativement beaucoup plus élevées (10 à 100 fois supérieures) dans le groupe des moins de 5 ans.
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Une étude à prendre tout de même avec des pincettes en raison du faible effectif. De plus une PCR positive ne veut pas dire que le patient soit contaminant (la PCR mesure de l’ARN pas le virus vivant et infectant).
Cette étude doit nous amener à réfléchir de nouveau sur le rôle des enfants dans la propagation de la maladie.
RECHERCHE
Niveau de qualité de la recherche clinique
Des auteurs se sont intéressés au niveau de qualité des articles de recherche clinique déclarés sur la COVID-19 (JAMA internal Medicine, 27 juillet 2020). Ils ont analysé 1.551 essais enregistrés. Le constat est désespérant.
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moins de la moitié (42,8% - 660/1551) des recherches répondaient aux critères d’un essai randomisé contrôlé.
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Les trois-quarts de ces essais (76%) étaient monocentriques, c’est-à-dire que les patients n’étaient inclus que dans un seul centre, ce qui constitue une vraie faiblesse.
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La mortalité ne figurait comme critère principal que dans 33% des recherches interventionnelles alors que c’est LE critère lourd et incontestable pour cette pathologie.
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Seuls 29% des essais interventionnels utilisaient un placebo.
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En tout, seuls 24 essais (1,5% !) réunissaient tous les critères pour un niveau de preuve très élevé.
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La plupart incluaient moins de 500 patients laissant douter de la possibilité d’avoir la puissance nécessaire pour démontrer un effet sur un critère fort comme la mortalité.
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De plus, la nouvelle manie de publier en «preview» des articles non reviewés participe à la confusion ambiante.
Au total, une recherche désordonnée, massive mais plutôt à la quête d’un résultat rapide sans respecter le b.a.ba de la méthodologie de la recherche clinique de qualité. On n’est pas sorti de la confusion régnante dans les annonces de médicaments miracles !
CLINIQUE
Péricardite séquellaire post-COVID-19?
Beaucoup d’arguments plaident en faveur d’une réaction inflammatoire qui traÎne après la fin de la maladie COVID-19. En particulier, une part non négligeable de patients décrivent des douleurs thoraciques à distance de la maladie.
Des auteurs ont entrepris une étude observationnelle systématique par imagerie par résonnance magnétique (IRM) cardiaque chez 100 patients tirés au sort, 71 jours après la guérison clinique (JAMA Cardiology, 27 juillet 2020).
Ces patients ont été comparés à 50 volontaires sains et 57 volontaires ayant les mêmes facteurs de risques. Parmi les 100 patients post-COVID-19, 20% avaient des douleurs thoraciques et 10% une dyspnée d’effort.
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78% des IRM étaient anormales et 60% montraient des signes en faveur d’une péricardite, chiffres biensûr significativement supérieurs aux volontaires sains.
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La troponine était modérément élevée chez 71 patients.
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Des lésions de typesinflammatoires ont été retrouvées dans les prélèvements du péricardique des patients les plus sévères.
TRAITEMENT
Remdesivir : les indications mieux définies
Le remdesivir est un médicament qui suscite bien des espoirs, suite à une étude randomisée montrant qu’il réduit le temps nécessaire pour l’amélioration des symptômes chez les patients porteurs de la forme grave de la COVID-19. Rappelons que le remdesivir est un médicament antiviral initialement développé contre le virus Ebola et qui agit par inhibition de la RNA transcriptase. Son effet sur la mortalité n’est cependant pas clair, en tous les cas pas très important. Une mise au point récente du BMJ a permis de définir les indications pour ce médicament (BMJ, 30 juillet 2020).
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Il doit être administré aux patients en détresse respiratoire caractérisée par une fréquence respiratoire supérieure à 30 cycles par minute, une SpO2 < 94% en air ambiant ou ayant une indication à l’admission en réanimation.
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La posologie recommandée est de 100 mg IV par jour pendant 5 à 10 jours.
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Les contre- indications sont une insuffisance rénale (DFG < 30 mL/min.) ou hépatique définie par un taux d’ALAT > à 5N.
Cette recommandation est du type « faible niveau de preuve » et les auteurs insistent sur la nécessité d’autres études randomisées pour augmenter le niveau de preuve (ou bien infirmer cette recommandation).
Bref, pas très convaincant tout ça !
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