Covid-19 : la newsletter du Pr Adnet (N°12 - 28 juillet)
Dans cette newsletter, un nouveau vaccin et l’enterrement de première classe de l’hydroxychloroquine associée ou non à l’azithromycine dans le traitement de la COVID-19. Le rôle de l’interféron et son utilisation comme nouvelle cible sont aussi discutés. Pour finir, un point sur les formes pédiatriques et les AVC dans la COVID-19.
Depuis le 12 mars, le Pr Frédéric Adnet - professeur agrégé de Médecine d'Urgence, chef des Urgences de l’Hôpital Avicenne et du SAMU 93 - fait régulièrement le point sur le Covid-19.
Après 46 numéros d'une FAQ quotidienne, il propose désormais une newsletter hebdomadaire. Nous la reproduisons ici avec son aimable autorisation.
INDEX et liste des FAQ / Newsletters
NEWSLETTER N°12 (28 juillet)
RECHERCHE
Vaccin : un deuxième candidat valable !
Les résultats des premiers essais de tests de vaccins en phase 1 et 2 tombent. Le Lancet publie les résultats d’un vaccin (ChadOx1nCoV-19) vectorisé par un adénovirus et ciblant la protéine S du SARS-CoV-2 (Lancet, 20 juillet 2020).
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Ce vaccin a été testé, de manière randomisée, sur 1.077 volontaires.
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Le groupe vaccin comportait une injection IM et le groupe contrôle une injection d’un vaccin contre le méningocoque.
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Il y eut 10 volontaires pour une deuxième injection à J28.
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Les réponses immunitaires humorales et cellulaires étaient satisfaisantes dans le groupe expérimental (100% des volontaires) avec une concentration d’immunoglobuline comparable au sérum de patients convalescents à J28.
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La réponse cellulaire était largement détectable à J14 (100%).
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La réponse humorale était efficace à J56 dans le groupe avec deux injections.
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Les effets secondaires mineurs ont été décrits : fièvre, frissons, douleurs au site d’injection, myalgies, céphalées, malaises. Pas d’évènements indésirables graves.
Candidat sérieux. La phase trois va débuter (efficacité clinique).
Rôle de l’interféron
Une équipe française a publié un article très intéressant dans la revue célébrissime Science (Science, 13 juillet 2020).
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Devant l’hétérogénéité des formes cliniques de la COVID-19, les auteurs se sont intéressés aux divers profils biologiques (phénotypes) des patients atteints de la forme grave.
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Ils ont trouvé qu’un profil unique était associé à l’existence de formes sévères du COVID-19 dans une étude systématique de 50 patients COVID-19+ et de 18 patients contrôle.
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Ces formes étaient caractérisées par un taux très bas d’interféron de type α et ß.
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Cette absence de réponse de l’interféron coïncidait avec une forte charge virale sanguine et une réponse inflammatoire exacerbée (orage cytokinique) caractérisée par une haute concentration d’interleukine 6 et de TNFα.
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Les auteurs stipulèrent que l’absence de réponse de l’interféron pourrait être la cause de la morbi-mortalité du COVID-19.
Les personnes âgées et celles avec des comorbidités se caractérisant par une faible réponse en interféron, cette découverte pourrait expliquer la surmortalité observée chez ces catégories de patients. L’interféron de type 1 est une protéine clé dans la réponse immunitaire antivirale. C’est une molécule, qui se conduit comme un véritable chef d’orchestre de la réponse immunitaire adaptée et elle est, par ailleurs, un porteur de l’alerte ; elle «prévient» les autres cellules du danger de l’infection virale.
Les auteurs suggèrent donc que des essais thérapeutiques soient menés en administrant de l’interféron aux patients sévères pour suppléer à cette défaillance. Attention tout de même, beaucoup de théories séduisantes physiopathologiques se sont avérées être des échecs cuisants en application thérapeutique.
Interféron : un traitement prometteur annonceé en conférence de presse
Du mécanisme physiopathologique (voir supra) à l’essai thérapeutique !
Le laboratoire Synairgen® a communiqué les premiers résultats d’un essai clinique sur le traitement par interféron ß (SNG001) de patients COVID-19+ (lire à ce sujet notre article Inhalation d’interféron contre la Covid-19 : enthousiasme et interrogations).
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Cet essai, non encore publié ou rendu public, est de type randomisé et en double aveugle. Il a testé l’administration en inhalation de l’interféron ß.
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Le critère d’évaluation principal était le décès ou le recours à une ventilation mécanique dans les 16 jours.
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Ce critère était diminué de 79% dans le groupe traité (OR = 0,21 ; IC95%[0,04-0,97]).
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Le taux de guérison était aussi significativement augmenté dans le groupe traité.
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Il a testé l’administration en inhalation de l’interféron ß.
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Le critère d’évaluation principal était le décès ou le recours à une ventilation mécanique dans les 16 jours.
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Ce critère était diminué de 79% dans le groupe traité (OR = 0,21 ; IC95%[0,04-0,97]).
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Le taux de guérison était aussi significativement augmenté dans le groupe traité.
Cette communication est à prendre avec des pincettes, puisqu'il entre dans le cadre d’une action marketing évidente, néanmoins ils ne peuvent pas dire n’importe quoi. La publication officielle de ces résultats ne devrait pas trop tarder !
CLINIQUE
Le point sur les formes pédiatriques
Au cours d’un travail sur les clusters familiaux, des auteurs se sont intéressés à la description des enfants en contact avec la cellule familiale ayant été contaminés (Pediatrics, 2 août 2020). Un certain nombre de notions peuvent être confortées dans ce travail intéressant.
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Le nombre de cas pédiatriques (<16 ans) est faible. Généralement estimé à moins de 2%, il a été trouvé dans ce travail à 0,9% (40/4310).
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La présentation clinique révèle surtout des formes mineures (toux, fièvre, céphalées, rhinorrhées). Les formes asymptomatiques représentaient 15 % chez les adultes 57% chez les enfants. Pas de mortalité ou de formes ayant nécessité un séjour en réanimation chez les enfants.
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La contamination se fait surtout de l’adulte vers l’enfant (79%) et non l’inverse (8%).
AVC et COVID-19
On sait que les formes graves de COVID-19 constituent un facteur de risque pour faire un AVC ischémique (rôle de l’hyper-coagulation probable). Une étude s’est intéressée à la gravité de ces AVC comparée à une population victime d’AVC en dehors du COVID-19 grâce à un score de propension (Stroke , 11 juillet 2020).
Ils ont comparé 330 AVC dans la population non-COVID-19 avec 336 AVC chez des patients malades du COVID-19. Les résultats sont sans appels : les AVC chez les patients COVID-19 sont beaucoup plus graves et la mortalité liée à l’AVC beaucoup plus élevée (OR=4,3 ; IC95% [2,22-8,30]).
TRAITEMENT
Hydroxychloroquine : fin de partie - Acte 2 ?
Une nouvelle étude négative ! Une étude randomisée, prospective contre placebo (double aveugle) a comparé 244 patients avec un traitement par l’hydroxychloroquine (800 mg puis 600 mg toutes les 8 heures puis 600 mg par jour pendant 4 jours) contre 247 patients avec un placebo (Ann Int Med, 16 juillet 2020).
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Les critères d’inclusion étaient des patients ambulatoires, COVID-19+ ou hautement suspects (notion contact ou symptômes évocateurs).
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Le critère principal était une régression des symptômes au cours d’un suivi de 14 jours.
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La sévérité des symptômes (toux, dyspnée, fièvre) était auto-évaluée par le patient par une échelle visuelle de 10 points.
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Les résultats ne montrèrent aucune différence statistique dans l’évolution des symptômes entre les deux groupes.
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Il y eut 8 hospitalisations liées à la COVID-19 et un décès dans le groupe placebo, et 4 hospitalisations et un décès dans le groupe hydroxychloroquine.
Cette étude est de haut niveau de preuve, les faiblesses sont :
- le changement de design au cours de l’inclusion des patients (en effet, montrer un effet sur la mortalité - critère d’origine - aurait comme effet d’inclure plus de 6.000 patients),
- et un critère d’évaluation un peu faible.
Néanmoins, cela commence à faire beaucoup pour payer sa cotisation au fan-club de Didier Raoult !
[merci aux docteurs Axel Ellrodt et Benoit Papon]
Hydroxychloroquine et azithromycine : KO technique !
Les résultats d’un essai brésilien viennent d‘être publiés NEJM (NEJM, 23 juillet 2020). Les auteurs comparaient de manière randomisée, prospective mais sans aveugle trois groupes de patients :
- un groupe traité par hydroxychloroquine seul (N=159), 400 mg deux fois par jour;
- un groupe (N=172) avec le même traitement associé à l’azithromycine (500 mg/j) pendant 7 jours;
- un groupe contrôle (N=173) sans ces traitements.
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Les patients étaient inclus s’ils étaient hospitalisés pour COVID-19 confirmé sans critères de gravité (pas d’oxygène au dessus de 4 L/min).
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Le critère d’évaluation était un score de gravité allant de 1 (sorti vivant de l’hôpital) à 7 (décédé) évalué à 15 jours après l’inclusion.
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Les résultats ont montré qu’il n’y avait aucune différence dans ces scores cliniques à 15 jours entre les trois groupes et que l’évolution de ce score était similaire dans les trois groupes. La mortalité ne différait pas non plus.
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La présence d’une augmentation de la durée du QTc et les effets secondaires étaient plus fréquents dans les deux groupes traités par hydroxychloroquine.
Étude à haut niveau de preuve. On regrette l’absence du double aveugle probablement par manque de temps pour fabriquer un placebo dans les normes. On peut, à l’heure actuelle, avec trois études à haut niveau de preuve (correspondant à un grade A de l’Evidence Based Medicine) affirmer raisonnablement l’absence d’efficacité de l’hydroxychloroquine associée ou non à l’azithromycine dans le traitement du COVID-19.
Rideau ?