Covid-19 : la newsletter du Pr Adnet (N°11 - 21 juillet)
De bonnes nouvelles cette semaine avec l'avancée d'un vaccin, dont les tests passent en phase 2, et le traitement par Tocilizumab qui semble réduire la mortalité chez les patients intubés. De moins bonnes aussi, avec une immunité humorale qui n'est que transitoire chez les anciens malades de la Covid-19 - même si aucun cas de réinfection n'a pour l'instant été rapporté -, et un syndrome post-Covid qui s'avère bien réel et surtout fréquent. Clap de fin pour l'hydroxychloroquine ? Les résultats de l'étude Recovery pourraient bien être l'enterrer un peu plus, vu l'absence d'efficacité malgré des doses de cheval...
Depuis le 12 mars, le Pr Frédéric Adnet - professeur agrégé de Médecine d'Urgence, chef des Urgences de l’Hôpital Avicenne et du SAMU 93 - fait régulièrement le point sur le Covid-19.
Après 46 numéros d'une FAQ quotidienne, il propose désormais une newsletter hebdomadaire. Nous la reproduisons ici avec son aimable autorisation.
INDEX et liste des FAQ / Newsletters
NEWSLETTER N°11 (21 juillet)
ÉPIDÉMIOLOGIE
Vaccin : ça avance !
Nous avons vu (newsletter #2) qu’un vaccin prometteur se préparait après la communication à la presse du laboratoire américain privé Moderna®.
C’est maintenant officiel ! Dans son dernier numéro, le NEJM publie les résultats de d’essai de phase 1 du vaccin mRNA-1273 (nucléoside RNA codant pour la protéine S du SARS-CoV-2) de ce laboratoire américain (NEJM, 14 juillet 2020).
- Ce vaccin cible la protéine S du SARS-CoV-2, responsable de l’arrimage du SARS-CoV-2 au récepteur ACE2 (qui est la porte d’entrée cellulaire pour l’invasion de ce vilain virus).
- La phase 1 est une phase en escalade de dose», c’est-à-dire que l’on recherche la dose la plus efficace «in vivo» et qui n’engendre pas de toxicité évidente.
- 45 adultes volontaires ont été testés avec des doses de 25µg, 100 µg et 250µg, avec deux injections à 28 jours d’intervalle.
- Une séroconversion a été obtenue chez tous les volontaires dès le 15e jour après la première injection.
- Le taux des anticorps augmentait avec l’escalade des doses.
- Ces anticorps étaient neutralisants (donc efficaces) pour le SARS-CoV-2 avec un maximum d’inhibition pour les concentrations vaccinales de 100 µg et de 250 µg.
- Des effets secondaires mineurs incluaient asthénie, céphalée, myalgie, frissons et douleur au site d’injection chez environ la moitié des patients.
- Des effets secondaires systémiques importants ont été observés pour la plus haute dose.
- Un essai de phase 2 (sécurité, réponse immunitaire) avec 600 patients a déjà commencé.
- L’essai de phase 3 (preuve de l’efficacité clinique) commencera fin juillet avec 30.000 patients (essai randomisé contre placebo).
Ça chauffe !
Durée de l’immunité humorale contre le SARS-CoV-2
On sait que l’infection au SARS-CoCV-2 entraine une immunité humorale efficace dans une grande majorité des cas. Le problème est de savoir si cette immunité est durable dans le temps. C’était l'objet du travail d’une équipe de chercheurs qui viennent de rendre publiques leurs résultats (medRxiv, pas encore reviewé, 11 juillet 2020).
- Ils ont analysé la réponse immunitaire humorale (IgG, IgA et IgM dirigés contre la protéine S du virus) de 65 patients infectés par le virus SARS-CoV-2.
- Le suivi a duré 94 jours après le début de l’infection.
- Les chercheurs ont mis en évidence que la réponse immunitaire humorale était d‘autant plus intense que la maladie était sévère (score de gravité 4-5) mais.
- Par ailleurs, les cinétiques de diminution de la concentration en anticorps étaient comparables quelle que soit la gravité.
- La diminution devenait sensible à partir du vingtième jour et les IgM et IgA retournaient à leurs niveaux de base au 94e jour.
- Les IgG restaient à un niveau largement détectable au 94ème jour.
- Ces résultats vont dans le sens d’une immunité humorale transitoire, mais on ne sait pas si le taux résiduel pourrait protéger des formes graves de réinfections au COVID-19.
- Seules des études cliniques de réinfections seraient concluantes.
- On observe quand même qu’au bout de plus de 8 mois de pandémie et 14 millions de cas déclarés, aucune réinfection prouvée au SARS-CoV-2 n’a été décrite, ce qui est plutôt rassurant.
CLINIQUE
Syndrome post-COVID : mythe ou réalité ?
On parle de plus en plus des signes cliniques persistants alors que la phase aigüe du COVID-19 est terminée. Un article italien publié dans le JAMA tente de faire le point en étudiant les symptômes persistants après la sortie de l’hôpital des patients COVID-19 et considérés comme guéris (JAMA, 9 juillet 2020).
- Les auteurs ont inclus 143 patients, l’âge moyen était 56,5 ans avec 37% de femmes.
- Les patients inclus dans le suivi avaient à la phase initiale une pneumopathie COVID-19 dans 73% des cas et 5% avaient été intubés.
- Le suivi a duré en moyenne 60 jours.
- De manière surprenante, seuls 18 patients (13%) étaient complètement asymptomatiques après leur guérison supposée : 32% avaient un ou deux symptômes et 55% plus de trois.
- Les symptômes les plus fréquents étaient une asthénie marquée (53%), une dyspnée (43%), des arthralgies (27%) et une douleur thoracique (22%).
Ce syndrome post-COVID semble donc être non seulement une réalité mais aussi associé à une fréquence importante.
TRAITEMENT
Hydroxychloroquine : fin de partie ?
ENFIN !
Nous savions que les grandes études randomisées avaient abandonné les bras hydroxychloroquine par manque d’efficacité mais aucune n’avait été publiée, alors que sortaient des études observationnelles aux résultats contrastés sur l’efficacité de cette molécule. C’est maintenant chose faite pour une grande étude : RECOVERY. Les auteurs ont rendu public les résultats sur un site de «preprint», c’est à dire que leur article n’a pas encore été relu par un comité de lecture (medRxiv, 15 juillet 2020).
- L’essai a inclus 1.561 patients hospitalisés pour COVID-19 qui recevaient, de manière randomisée, de l’hydroxychloroquine et 3.155 patients qui recevaient le traitement standard sans hydroxychloroquine.
- Le traitement consistait en 1.600 mg d’hydroxychloroquine les 12 premières heures puis 400 mg toutes les 12 heures pendant 9 jours (des doses de cheval !).
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La mortalité à 28 jours (critère principal) ne différait pas significativement entre les deux groupes : 26,8% pour le groupe traité et 25,0% pour le groupe contrôle.
- Par contre le critère composite comportant mortalité et mise sous ventilation mécanique était significativement plus fréquent dans le groupe hydroxychloroquine : 29,8% vs 26,5%.
- Il n’y eut pas de trouble du rythme cardiaque significativement plus important dans le groupe hydroxychloroquine (44,7% vs. 43,0%).
- Cette étude est à haut niveau de preuve et concerne tous les patients hospitalisés pour COVID-19 quelle que soit leur gravité à l’admission. Sa nature randomisée, prospective et multicentrique nous conduit raisonnablement à faire un lien de cause à effet entre l’administration de l’hydroxychloroquine et son manque d’efficacité.
- On peut quand même remarquer les doses non conventionnelles de l’hydroxychloroquine utilisées (les auteurs le justifient pour atteindre des concentrations antivirales les plus efficaces dans l’épithélium pulmonaire d’une part et par analogie avec le traitement de la polyarthrite rhumatoïde d’autre part) et l’absence de double-aveugle (probablement par manque de temps pour synthétiser un placebo).
Tocilizumab : un espoir ?
Le Tocilizumab est un inhibiteur de l’interleukine 6 (IL6), interleukine synthétisée pendant la phase inflammatoire de la maladie et qui a un potentiel cytotoxique important. C’est donc un traitement ciblant le fameux «orage cytokinique» responsable de la gravité de la maladie. Les résultats présentés sont le fruit d’un essai comparatif, observationnel et monocentrique chez des patients ventilés mécaniquement et intubés (Clinical Infectious Disease, 11 juillet 2020).
- Le critère principal était la mortalité.
- Le groupe traité (N=78) et le groupe contrôle (N=76) n’avaient pas les mêmes caractéristiques, et un ajustement a été pratiqué en utilisant un score de propension.
- La mortalité a été significativement diminuée (-45%) dans le groupe Tocilizumab par rapport au groupe contrôle (HR=0,55 ; CI95%[0,33- 0,90]).
- Les patients traités avaient une incidence de surinfection significativement plus importante (54% vs 26%).
- Étude à faible niveau de preuve car monocentrique, observationnelle (non randomisée) et groupe non comparable avant ajustement.
- Néanmoins, une sérieuse piste en attendant les résultats des études randomisées (en cours).
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