Covid-19 : à chaque jour ses réponses, par le Pr Adnet (FAQ N°1 à 5 - 12 au 19 mars)
Depuis le 12 mars, le Pr Frédéric Adnet - professeur agrégé de Médecine d'Urgence, chef des Urgences de l’Hôpital Avicenne et du SAMU 93 - fait régulièrement le point sur le Covid-19. Épidémiologie, études, clinique... Nous reproduisons ici, avec son aimable autorisation, les actualisations de cette «Foire aux questions».
Depuis le 12 mars, le Pr Frédéric Adnet - professeur agrégé de Médecine d'Urgence, chef des Urgences de l’Hôpital Avicenne et du SAMU 93 - fait régulièrement le point sur le Covid-19.
Épidémiologie, recherche, clinique, pratique...
Nous reproduisons ici, avec son aimable autorisation, les actualisations de cette «Foire aux questions».
INDEX et liste des FAQ
FAQ N°1 (12 mars)
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Monde : 127.749 cas confirmés (décès 4717, guérisons 68.347) dans 116 pays. Il s’agit donc d’une pandémie (épidémie mondiale).
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Chine : l’incidence de cette épidémie dans la région de Wuhan (la plus touchée) est de 1,1% de la population. La même incidence en France donnerait 660.000 cas confirmés.
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France : 2.284 cas confirmés, 48 décès, 12 guérisons.
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Italie : 12.462 cas confirmés, 827 décès, 1045 guérisons.
Les différentes formes de coronavirus
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7 espèces provoquent un rhume, dont : HCov229E, HCoVNL63, HCoVHKU1, HCoVOC43...
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2 sont responsables d’épidémies graves de type SARS-CoV : le SARS et le MERS-CoV
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La forme actuelle SARS-CoV2 donne la maladie Covid-19 (Corona Virus Disease 2019). C’est un virus animal avec une transmission originelle accidentelle vers l’homme. Il existe un risque de mutation lors des transmissions interhumaines avec une modification de sa virulence (plus grave ou moins grave) ou/et de son pouvoir de contagiosité.
Transmission
- Elle semble importante - supérieure au SARS et au MERS-CoV - avec :
- un R0 de 2,6 (nombre moyen de patients infectés par un sujet source),
- un taux d’attaque de 35% (pourcentage de patients infectés en cas de contact étroits en zone confinée).
- La moyenne d’incubation est de 5,2 jours avec un intervalle de confiance de 4,1-7,0 jours (durée maximum 14 jours). Il n’y a pas de transmission materno-foetale.
- Un patient est contaminant jusqu’à 24 heures avant l’apparition des signes cliniques.
- Les masques chirurgicaux et FFP2 ont la même efficacité. Le FFP2 apporte une plus- value lors de la pratique de gestes invasifs des voies aériennes (aspiration profonde, intubation…). Le masque chirurgical doit être porté par TOUS les soignants dans les services d’urgences, soins intensifs, radiologie.
- 80% du personnel soignant contaminé l’a été en dehors de l’hôpital (transport, famille, activités sociales).
Formes graves et réanimatoires / Mortalité
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Les formes graves représentent (15%) : ce sont des pneumopathies hypoxémiantes avec désaturation (SpO2 < 92%), PaO2/FiO2 < 30 mmHg, infiltrat à la radio de poumon > 50% du champs pulmonaire.
La mortalité des formes graves est de 15%.
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Les formes réanimatoires (mécaniquement ventilées) représentent environ 4-5%.
La mortalité est de 49%.
- La mortalité globale est de 3,7% des patients diagnostiqués (la mortalité réelle est forcément inférieure et estimé à 1% puisque les formes non diagnostiquées ne sont pas comptabilisées).
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Les facteurs de risques de la mortalité : âge > 80 ans et présence de comorbidités.
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Les taux de mortalité :
- patients > 80 ans 14,8%,
- patients 70-79 ans : 8,0%
- aucun enfant de moins de 9 ans n’est décédé.
FAQ N°2 (13 mars)
Données cliniques
- Facteurs associés aux formes sévères : âge > 50 ans, comorbidités.
- Facteurs associés à la mortalité : âge > 70 ans, cancer, obésité, diabète, HTA, BPCO.
- Âge moyen des contaminés : 47 ans [35-58],
- Sexe ratio : homme = 60%
- Soignants : 3,5% des COVID+.
- Passage à la forme grave : en deux temps, au bout de six jours du début des signes cliniques avec évolution très rapide vers un tableau de SDRA et détresse respiratoire.
- En cas de détresse respiratoire : pas de VNI ni d’Optiflow® (risque d’aérosol des virus) mais ventilation mécanique de première intention après masque à haute concentration.
FAQ N°3 (16 mars)
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Monde : 169.387 cas confirmés (décès 6.513, guérison 77.257) dans 148 pays.
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France : 5.437 cas confirmés, 127 décès, 12 guérisons.
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Italie : 24.747 cas confirmés, 1.809 décès, 2.335 guérisons.
Transmission
- Les patients paucisymptomatiques peuvent être très excréteurs (donc très contagieux) avec un phénomène de patient « hyper-spreader » : ils contaminent énormément de personnes comparées a une contamination «normale».
- La durée de contagiosité est de 14 jours après les les premiers signes cliniques.
- Le masque FFP2 est efficace pendant 4 heures.
- Italie : 10 à 15% des personnels soignants ont été infectés dans les quinze premiers jours de l’épidémie.
Recherche
- Plusieurs molécules sont testées : le remdesivir, le lopinavir, le ritonavir, l’hydroxychloroquine et les corticoïdes. L’essai le plus célèbre en cours (REACTing) compare le remdesivir vs. Lopinavir vs. Lopinavir + interferon ß vs. placebo.
- Un vaccin (mRNA-1273) est expérimenté en phase 1 aux USA pour tester la sécurité d’emploi.
Aspects clinques, radiologiques, biologiques
- Signes radiologiques : les opacités en verre dépolie observées au scanner sont volontiers périphériques et des formations kystiques apparaissent dans la pneumopathie. Un épanchement pleural est souvent associé.
- La virémie est très faible et n’est observée que dans 10-15% des patients les plus graves. Deux conséquences :
- on ne met pas en évidence le virus dans les prélèvements sanguins,
- ceux-ci peuvent être manipulés avec les précautions standards.
- La surinfection est en générale nosocomiale.
- La pneumopathie CODIV-19 est rarement surinfectée par des germes communautaires.
- Où se trouve le virus (SARS-CoV2) chez les personnes infectées ?
Alvéoles (93%), expectorations (72%), crottes de nez (63%), pharynx (32%), selles (29%), sang (1%), urine (0%).
- Temps médian entre le début de la dyspnée et l’intubation : 10 jours [5,0 ;12,5].
- Des valeurs élevées de ddimères à l’admission (> 1000) sont prédictives d’un mauvais pronostic.
- 97% d’une série de 32 patients chinois intubés et ventilés sont décédés (31/32).
FAQ N°4 (18 mars)
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Monde : 204.255 cas confirmés (décès 8.243, guérison 82.107) dans 157 pays.
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France : 7.696 cas confirmés en France, 148 décès,12 guérisons.
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Italie : 31.508 cas confirmés, 2.503 décès, 2.941 guérisons.
Contagiosité / incubation (évolutions depuis la FAQ N°1)
- La contagiosité serait en médiane de 20 jours [17-24] après le début des signes cliniques, avec un maximum de 37 jours selon une étude chinoise portant sur 191 patients.
- La période d’incubation a aussi été revue : elle serait en médiane de 2 jours avec des extrêmes entre 0 et 24 jours.
Hydroxychloroquine (Plaquenil®) et COVID-19
- Une publication (Raoult D et al.) sous-presse compare trois groupes :
1- prise d’hydroxychloroquine seul (200 mg x3/jour pendant 10 jours) (N=14),
2- idem mais associé avec de l’azithromycine (500 mg le premier jour et 250 mg les jours suivants) (N=6),
3- ou rien (N=16).
- Tous les patients étaient positifs a J0.
- À J6 :
- 100% du groupe hydroxychloroquine et azithromycine avaient une PCR négative,
- vs. 57% dans le groupe hydroxychloroquine seul,
- vs. 12% dans le groupe « rien ».
- Attention !
Ces résultats sont à prendre avec des pincettes : absence de randomisation, nombreux perdus de vue, groupes non comparables, et surtout effectifs ridiculement faibles qui rend les comparaisons très aléatoire.
Prudence… Mais des médecins commencent les prescriptions face au buzz…
Profils cliniques
- Chez le sujet âgé (série de 47 patients) : profil atypique : syndrome abdominal (diarrhée ou vomissements), lymphopénie isolée, confusion, fébricule transitoire, instabilité hémodynamique.
- Chez les enfants (série de 20 patients) : premiers symptômes fièvre (60%) et toux (65%).
- De manière surprenante, une co-infection est détectée chez 40% à la phase initiale (rare chez l’adulte).
- La symptomatologie est moins «bruyante» que chez l’adulte.
- La pro-calcitonine élevée semble plus informative que la CRP (à l’inverse de l’adulte). L’élévation est peut-être en rapport avec cette co-infection bactérienne.
- Les images de scanner sont superposables aux adultes.
Facteurs associés a la mortalité des patients intubés COVID-19
(Sur une série de 101 patients décédés)
- Âge > 70 ans,
- Existence d’une comorbidité : HTA (58%), diabète (22%).
- Le décès survenait à J4 [2-7].
- Le profil biologique des patients décédés révélait une élévation de la troponine, de l’urémie, de la PCT et de l’acide lactique.
- CD3 et CD8 étaient significativement abaissées.
Intubation d’un patient COVID-19
C’est une période à risque (pour le patient et l’opérateur).
- Intubation à séquence rapide.
- Utilisation préférentielle d’un vidéo-laryngoscope pour maintenir la tête de l’opérateur la plus éloignée possible de la bouche du patient.
- Filtre sur circuit expiratoire et inspiratoire, BAVU avec filtre.
- Technique orotrachéale la plus rapide possible.
- Si branchement ou débranchement du patient au respirateur, éteindre le respirateur avant le branchement ou le débranchement (évite pollution de l’air par le virus).
- Utilisation d’un circuit fermé.
- Opérateur habillé en protection complète (charlotte, lunette, masque, surblouse, gants).
Imagerie
- Pour les patients suspects de COVID-19 avec critères d’hospitalisation : si une imagerie est indiquée, il faut réaliser un scanner sans injection (pas de place pour la radiographie thoracique).
FAQ N°5 (19 mars)
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Monde : 227.310 cas confirmés (décès 9.311, guérison 84.532) dans 159 pays.
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France : 9.058 cas confirmés, 243 décès, 12 guérisons.
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Italie : 35.713 cas confirmés, 2.978 décès, 4.025 guérisons.
Essai thérapeutique
- Le premier grand essai thérapeutique est négatif : l’association lopinavir-ritonavir (antirétroviraux anti-VIH très prometteurs) administrée à la dose de 400mg/100 mg deux fois par jour pendant 14 jours n’a pas montré de différence significative dans l’amélioration clinique ni dans la mortalité : 19% dans le groupe traité (N=99) et 25% dans le groupe placebo (N=100).
- Il semble que les patients asymptomatiques peuvent être contaminants. La mesure de la charge virale des prélèvements naso-pharyngés de patients asymptomatiques ou pauci symptomatiques étaient du même ordre que celle des patients symptomatiques (N=17) dans une lettre récente du New England Journal of Medicine.
Stabilité du SARS-CoV2 en aérosol et sur des surfaces
- Inquiétant… Le SARSCoV2 est plus stable sur le plastique et sur l’acier inoxydable que sur le cuivre et le carton (Étude publiée dans une lettre du New England Journal of Medicine).
- Le virus viable a été détecté jusqu'à 72 heures après l'application sur ces surfaces (demie-vie sur plastique ou acier : 6 heures ; demie-vie de décroissance sur cuivre : 1 heure et sur carton : 3 heures).
- Il reste stable en aérosol pendant plus de 3 heures (demie-vie de décroissance : 1,1 heure).
- Les auteurs laissent entendre que la contamination par aérosol est possible…
Forme digestive
- Il existerait chez l’adulte presque 10% de formes cliniques de COVID uniquement digestives (diarrhée, nausée, vomissement).
COVID-19 et Inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (ACE)
- L’HTA et le diabète sont des facteurs de risque des formes graves et de la mortalité des patients COVID+.
- D’après une lettre au Lancet, le virus a besoin de l‘enzyme de conversion de l’angiotensine 2 (ACE2) pour pénétrer dans les cellules épithéliales. Hors cette enzyme membranaire est hyperexprimée chez les diabétiques et les patients hypertendus traités par ACE.
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Les auteurs suggèrent que les patients hypertendus à risque COVID changent de traitement en passant aux inhibiteurs calciques.
COVID-19 et AINS
- L'ANSM a déjà émis en 2019 un avertissement mettant en garde contre l’utilisation des AINS chez des patients fébriles en décrivant plusieurs cas de pneumopathies chez des sujets jeunes, dont certaines mortelles.
- La recommandation était d’éviter l’usage des AINS chez les patients fébriles (en particulier l’ibuprofène et le kétoproféne).
- Pour les patients COVID+, le mécanisme serait une augmentation de l’enzyme de conversion de l’angiotensine 2 (ACE2) par les AINS qui favoriserait l’adhésion des virus sur les cellules.
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On évite donc les AINS pour les patients à risque COVID.
Hospitalisation
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Les critères qui doivent guider l’hospitalisation en SAU des patients suspects de COVID (source : ARS) : syndrome grippal et SpO2 < 90 % en air ambiant ou FR ≥ 30 cycles/minutes ou FC >100/min ou signes de choc.
- Ces signes sont à pondérer avec la présence de facteurs de risques : âge > 65 ans, insuffisance respiratoire chronique, insuffisance cardiaque, dyalisés, diabète, cirrhose, immunodéprimés, obésité (IMC > 30), grossesse (3e trimestre).
Éviction
- Fin de l’éviction pour un professionnel de santé COVID+ (collégiale des infectiologues) : disparition des signes cliniques depuis plus de 48 heures après au moins 7 jours d’éviction.
- Port du masque chirurgical 7 jours après la reprise d’activité.
- Ces recommandations sont susceptibles d’évoluer +++