«Cindynique». Le terme vient du grec ancien κίνδυνος (kindunos) qui signifie «danger.» Cette discipline est née officiellement à La Sorbonne le 8 décembre 1987, lors d’un colloque sur la maitrise des risques technologiques réunissant des industriels, médecins, sociologues, assureurs, etc. Son inventeur, Georges-Yves Kervern, était un ingénieur polytechnicien qui par la suite s’est impliqué dans le monde des assurances.
La cindynique comprend l’ensemble des sciences et techniques qui étudient les dangers, les risques associés et leurs préventions. C’est une démarche systémique qui s’appuie sur des disciplines très éloignées - sciences humaines et naturelles : sociologie, économie, chimie, etc. - pour permettre la cartographie du contexte global d’une situation.
Outre les aspects techniques, il s'agit d'explorer le jeu des interactions entre les différents acteurs de ces situations. Ces interactions sont très souvent à l’origine de dangers impensables. Le but est d'évaluer la propension de survenue d’une catastrophe naturelle, technologique voire informatique afin de la prévenir. En exploitant des signaux faibles, les Cindyniques évaluent et hiérarchisent les conséquences probables et les actions de prévention. Ce type d’analyse permet aussi de comprendre a posteriori les lacunes responsables d’une catastrophe (comme celle de Bhopal en 1984). La cindynique postule que le danger réside essentiellement dans des déficits culturels, organisationnels ou managériaux.
Le Dr Hansen est expert en médecine de catastrophe et spécialiste de la cindynique. Il nous en explique l’apport dans la crise actuelle liée au coronavirus 2019-nCoV.
« On possède très peu d’informations sur les caractéristiques de ce virus (tropisme, virulence, contagiosité) et ses conséquences cliniques à court, moyen et long terme. Pourtant les responsables doivent prendre des décisions stratégiques pour assurer le meilleur équilibre possible entre la protection sanitaire de la population et la préservation de l'activité socio-économique. Or ce sont ses caractéristiques qui permettent de modéliser le comportement d'une espèce donnée de coronavirus.
Les 900 cas confirmés d’infection par le 2019-nCoV (au 25 janvier) sont majoritairement situés en Chine dans la ville de Wuhan. Des cas apparemment isolés sont retrouvés dans d'autre villes chinoises et dans une dizaine de pays (Thaïlande, Singapour, Japon, République de Corée, Vietnam, Taïwan, États-Unis, Mexique, France, etc.).
À ce stade, la modélisation du comportement du virus n'a pas été partagée. Il semble que la détermination de son taux de reproduction (RT) - nombre de cas secondaires engendrés à partir d’un individu contagieux - n'a pas encore été fixé avec certitude. Si la valeur de Rt est supérieure à 1, alors chaque personne contaminée est susceptible de contaminer plusieurs personnes. Sinon l'épidémie va s'épuiser. Cette valeur RT varie au cours du temps, en fonction des mesures prises par les autorités ou du statut immunitaire de la population touchée. Celle de la grippe varie de 4 à 5 selon les épisodes.
Le tropisme de 2019-nCoV n'est pas non plus parfaitement défini. Quelles sont les espèces animales qui, avec l'homme, sont contaminées ? Quels sont les organes touchés ? Quelles sont les cellules cibles ? Pour y répondre il conviendrait d'étudier les marquages immuno-histochimiques de prélèvements post-mortem sur les animaux et les victimes décédées présentes sur le Huanan South China Seafood Market.
La question de la létalité n'est pas mieux déterminée. Il semble qu'elle se situe pour l'instant entre 2 et 3 % des cas symptomatiques. Mais le recul n'est pas suffisant pour être certain que cette statistique est fiable. Enfin, il n'existe pas à ce jour (25 janvier) de cas de contamination inter-humaine à partir des cas "importés" donc pas de foyer secondaire autonomes en dehors de la Chine. Qu'en sera-t-il dans le futur ?
Les cindyniques étudient les évolutions des situations dans le but d’apprécier leur propension à se diriger vers une zone plus ou moins dangereuse. Ils ne se contentent pas de calculer une probabilité ou la gravité supposée d’une situation, mais ils en évaluent le caractère « térébrant » (qui perce, qui perfore). Pour cela, ils invitent les décideurs, publics ou privés, à évaluer leurs décisions à travers 5 questionnements :
Dans le cas du coronavirus 2019-nCoV, voici des éléments basiques à prendre en considération.
Le Dr Hansen a publié un article détaillé sur le site de la Société française de médecine de catastrophe.