Jean-Dominique Journet, aujourd’hui âgé de 59 ans est désormais président de la Fédération Nationale des Aphasiques de France (présentation en vidéo ici). Comme lui, 300 000 personnes en France souffrent d’aphasie.
Quelle qu’en soit la cause - AVC, traumatisme crânien, tumeur cérébrale bénigne ou maligne, maladie neurodégénérative, plus rarement des causes infectieuses ou inflammatoires - l’aphasie se traduit par la perte totale ou partielle de la capacité de parler ou de comprendre un message oral ou écrit.
Le quotidien des personnes atteintes de ce trouble - dont les deux tiers récupèreront complètement ou de manière satisfaisante par le biais d’une prise en charge orthophonique - devient alors un parcours du combattant.
Le simple fait de commander un café devient un problème. La plupart des personnes aphasiques ont des difficultés à trouver leurs mots, à nommer un objet, bien que dans leur tête elles savent exactement ce qu’elles veulent dire.
Lire n’est plus possible, comprendre les informations à la télévision devient un vrai casse-tête. Quant à rédiger une lettre, écrire une carte postale, remplir un formulaire ou communiquer avec les institutions, cela devient un tel problème que le recours aux proches devient nécessaire.
Pour les moins chanceux, les conséquences sont la perte totale de la parole, de la lecture, de l’écriture et du déchiffrement. Leur seul moyen de communiquer est alors d’utiliser des pictogrammes.
Accueillir en consultation un patient atteint d’aphasie totale ou partielle peut se révéler déconcertant. Le médecin peut vite enchaîner les bourdes et fragiliser encore davantage une personne déjà très vulnérable.
« L’aphasique conserve toute sa sensibilité et son intelligence. Il n’est pas sourd, n’a pas de problème de voix et ses difficultés de langage sont différentes de celles des enfants.
C’est seulement une personne privée de communication » résume Jean-Dominique Journet, qui a lui-même fait les frais d’un comportement blessant. « Un jour, à la suite d’une chute dans ma chambre, un ophtalmologue est venu me faire un fond d’œil. À aucun moment il n’a cherché à me parler. Il n’a pas eu un geste réconfortant envers moi, rien… Cela m’a heurté et énervé qu’un médecin me traite comme un animal. »
Intervenant volontiers à la demande dans les facultés de médecine pour (in)former les étudiants en médecine, il distille des conseils utiles pour améliorer la relation avec le patient : « Ayez bien en tête que la personne aphasique sait ce qu’elle veut dire mais qu’elle ne peut pas l’exprimer en paroles ou qu’elle bute sur les mots.
Soyez disponible et donnez-lui du temps pour s’exprimer et vous comprendre, même si cela provoque des ' blancs ' dans l’échange. Ne terminez pas ses phrases à sa place et ne vous adressez pas à la personne qui l’accompagne. Faites des phrases simples et courtes, marquez des pauses et posez des questions fermées. Soyez aussi réceptif à tous les modes de communication (gestes, mimiques, sourires…). Habituellement plus de 50 % des informations échangées passent par d’autres moyens que la parole. »
Outil bien utile, les fiches SantéBD * décrivent sous forme de dessins les consultations médicales, dentaires, paramédicales et hospitalières, ou encore des situations liées aux soins. Ce support est utilisable par la personne aphasique ou le soignant.
Jean-Dominique Journet se souvient s’être senti lui-même « comme dans une sorte de brouillard » et s’effondrait en larmes « quand des amis venaient me voir et que je ne parvenais pas à exprimer ma souffrance ». Il reconnaît qu’il faut beaucoup de motivation pour s’en sortir. Une motivation qu’un soignant compréhensif et patient pourra consolider.
* À personnaliser et télécharger sur www.santebd.org (app aussi disponible pour IOS et Android).
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