Le paludisme est une maladie parasitaire, due au protozoaire Plasmodium. Cette maladie menace 40% de la population mondiale et est installée dans les régions tropicales et subtropicales. On dénombre de 300 à 500 millions de cas par an, avec 580 000 décès pour l’année 2014, dont 91% en Afrique subsaharienne. Malgré le recul important de la maladie ces dernières années, un enfant meurt encore du paludisme toutes les trente secondes, selon une déclaration de l’UNICEF en avril 2007.
Le parasite Plasmodium est transmis à l’hôte (l’homme) par un vecteur : le moustique femelle Anopheles stephensi. Une fois pénétré chez l’homme, le parasite se transforme suivant son cycle de vie, échappant ainsi au système immunitaire. C’est alors qu’il commence à attaquer les globules rouges, puis des organes vitaux, entraînant potentiellement la mort du malade. C’est aussi à ce stade que la maladie est transmissible à un autre moustique anophèle qui viendra piquer la personne infectée. Le cycle du parasite reprend dans ce moustique et la contamination continue.
Les symptômes sont d’abord infectieux et miment un fort état grippal, puis ils touchent d’autres organes comme le foie ou le cerveau. Il n’existe pas aujourd’hui de vaccins, bien que des essais soient en cours. Les médicaments anti-paludiques se heurtent de plus en plus à des résistances. La lutte se focalise donc surtout sur la prévention, via les moustiquaires et les insecticides.
L’idée des chercheurs est de modifier le génome des moustiques afin qu’il exprime des gènes anti-paludisme. On obtient des moustiques résistants au Plasmodium afin d’enrayer l’épidémie. On modifie le génome sur les deux copies du gène pour modifier les deux chromosomes et ainsi être sûr que la modification se transmette à la génération suivante.
Les scientifiques ont utilisé le système CISPR-Casp. On modifie la séquence de l’ADN en introduisant un ARN guide, qui vise l’ADN ciblé. La cellule reconnaît la séquence et coupe l’ADN en cet endroit. On a donc besoin de créer un ARN correspondant à la protéine à couper, qu’on couple avec la protéine bactérienne Casp. Cette dernière est une enzyme qui va permettre de couper l’ADN. L’ARN guide sert à cibler spécifiquement la partie de l’ADN qui nous intéresse. On introduit cet ARN dans l’embryon de moustique et on y insère des gènes d’anticorps anti-paludisme (que l’on aura obtenu sur des souris de laboraoire).
La lignée germinale du moustique est ainsi modifiée (afin que cette mutation puisse se transmettre), et le parasite Plasmodium ne peut plus s’y installer. Pour vérifier le bon déroulement de la transmission, une protéine qui rend les yeux du moustiques rouges fluorescents est également insérée. Ainsi, le taux de transmission de cette mutation a pu être vérifié, il serait de 99,5% selon l’Académie Nationale Américaine des Sciences (PNAS) qui a publié le rapport de cette étude. Ce score est excellent et marque une véritable première !
Très prometteuse, cette technique ne suffira cependant pas à éradiquer totalement l’épidémie. Néanmoins elle signe beaucoup d’espoir et se présente comme un rôle majeur dans le combat contre la progression de la maladie.
Le taux de mortalité du paludisme a déjà baissé de 60% en quinze ans ce qui est encourageant, mais reste insuffisant. L’OMS a mis en place en mai 2015 une action mondiale de stratégie de lutte contre le paludisme (2016 – 2030), qui a comme objectif, entre autres, de réduire de 90% l’incidence et le taux de mortalité palustre. Ce programme repose sur trois piliers fondamentaux : « garantir l’accès universel à la prévention, au diagnostic et au traitement du paludisme », « accélérer les efforts vers l’élimination et vers l’obtention du statut exempt de paludisme » et « faire de la surveillance du paludisme une intervention de base ». Espérons que cette nouvelle technique puisse y contribuer.
Texte : esanum / sb
Photo : smuay / Shutterstock