Des cellules souches, par définition, sont des cellules capables à la fois de s’autorenouveleret de se différencier en fonction de leur environnement, de leur milieu de croissance. Les cellules souches embryonnaires dites « totipotentes » peuvent se différencier en tout type de cellule qui nous constitue et peuvent engendrer un organisme entier, tandis que les cellules souches dites « pluripotentes » sont plus spécialisées : elles peuvent se différencier en cellules de l’un des trois feuillets embryonnaires (ecto-, méso-, ou endoderme), en cellule du trophoderme ou en cellule germinale, elles peuvent donc aussi aboutir à la formation de tous les tissus qui nous constituent, mais pas à un organisme entier.
Or, grâce aux recherches du Pr. Yamanaka entre autres, il est possible de reprogrammer une cellule adulte différenciée par manipulation génétique. Pour cela, il faut ré-induire l’expression de quatre gènes clés : Oct3/4, Sox2, c-Myc et Klf4, surexprimés dans les cellules souches embryonnaires. Ces derniers vont réactiver les signaux d’immaturité et de prolifération caractéristiques de cette cellule. Pour leur intégration on utilise aujourd’hui le virus Sendaï ou des plasmides, qui sont des vecteurs non intégratifs, contrairement aux vecteurs viraux employés auparavant.
Ainsi en théorie, toutes les cellules adultes qui prolifèrent pourraient être reprogrammées ; en pratique, on se sert principalement des fibroblastes cutanés, faciles d’accès. De cette façon, on pourrait greffer à un patient ses propres cellules reprogrammées : il s’agit alors d’une greffe autologue, ce qui évite une réaction de rejet. Ces techniques de thérapie cellulaire sont envisagées sérieusement pour le traitement myocarde post-infarctus, pour des pansements cutanés en cas d’ulcère chez les patients atteints de drépanocytose, ou encore pour régénérer la rétine en cas de DMLA. Ainsi, un premier essai utilisant des cellules iPS pour régénérer la rétine des patients atteints de DMLA a été lancé en 2013, et une première patiente a pu bénéficier d’une intervention chirurgicale en septembre dernier, au Japon.
La DMLA (dégénérescence maculaire liée à l’âge”) est une atteinte oculaire rétinienne concernant une très importante partie de la population (jusqu’à 30 % des plus de 75 ans), entraînant une perte de la vision centrale. On en distingue deux formes :
-La DMLA sèche, atrophique, caractérisée par la disparition progressive des cellules de l’épithélium pigmentaire de la rétine. Cette forme évolue lentement, elle est la plus fréquente, et il n’en existe encore aucun traitement aujourd’hui.
-La DMLA humide, exsudative, où la dégénérescence se traduit par la formation de néovaisseaux sous la rétine. Son évolution peut être très rapide (quelques semaines), et quelques traitement efficaces existent depuis quelques années.
La patiente opérée au Japon, une dame âgée de 70 ans, souffre de la forme humide de la DMLA. L’intervention, durant laquelle on lui a greffé une feuille de cellules souches reprogrammées autologues (provenant de son propre avant bras), dans l’espace sous-rétinien, après avoir retiré les tissus endommagés n’a duré que 2 heures. Le succès de l’intervention va maintenant être évalué par un suivi régulier de la patiente durant les trois prochaines années, l’objectif étant d’éviter une future perte de vue en ayant protégé la rétine. Pour l’instant, l’intervention n’a en tout cas pas entraîné de complications.
La prochaine étape des chercheurs est maintenant de transformer de façon sûre pour la thérapeutique les cellules iPS en cellules photosensibles, précurseurs des photorécepteurs (qui constituent les cellules rétiniennes avec les cellules épithéliales pigmentées et les cellules ganglionnaires), ce qui permettrait même d’améliorer la vue des patients !