Depuis 1980, plusieurs avancées scientifiques ont été réalisées en termes de traitement et de prévention du cancer colique. Les découvertes récentes concernant sa possible genèse bactérienne permettraient d’envisager de nouvelles pistes afin d’améliorer son dépistage et sa prévention.
Dans une étude menée par une équipe de chercheurs en immunothérapie contre le cancer de l’institut John Hopkins Kimmel Cancer Institute, deux espèces bactériennes ont été retrouvées chez les patients atteints de cancer colique dans sa forme héréditaire connue communément sous le nom de « polypose adénomateuse familiale » (PAF). Ces bactéries ont été également retrouvées dans les formes sporadiques. Une autre étude conduite sur des souris a mis en évidence le rôle de cette colonisation bactérienne dans l’activation du processus oncogène au niveau du colon via un mécanisme immunitaire.
La colonisation bactérienne serait à l’origine d’un envahissement de la muqueuse colique avec formation d’un bio film induisant une série de réactions inflammatoires. Cette inflammation colique chronique entraîne des dommages au niveau de l’ADN cellulaire. Les deux bactéries en cause ont été identifiées grâce à l’examen biopsique de pièces d’exérèse coliques chez des patients atteints de PAF. La bactérie Bacteroides Fragilis (ETBF) agit en produisant une toxine qui induit une réaction inflammatoire au niveau de la muqueuse colique. La cascade de réactions inflammatoires pourrait favoriser le processus oncogène via l’IL-17. Cette dernière active le complexe protéique NF KappaB engendrant le recrutement accru de nouvelles cellules immunitaires ayant un rôle dans le développement tumoral. La deuxième bactérie l’E. Coli serait à l’origine de la production d’une substance à action mutagène au niveau de l’ADN cellulaire. Cette double colonisation ayant une action simultanée et synergique favorise le processus de cancérisation colique. L’ETBF en dégradant la couche de mucus favorise l’adhésion de PKS+ E. Coli au niveau de la muqueuse du colon. La colonisation bactérienne se déroule généralement dans la période d’enfance.
Ces connaissances permettent d’envisager l’élaboration d’une nouvelle stratégie pour prévenir le cancer du côlon notamment chez les personnes atteintes de PAF.
La polypose adénomateuse familiale (PAF) est une affection héréditaire caractérisée par un risque accru de développement de cancer colique. Grâce à cette découverte récente, les patients atteints de PAF pourraient bénéficier d’une recherche de bios films induits par les bactéries dans le cadre du dépistage et leur éradication avant même l’apparition de polypes. Ceci permettrait ainsi d’éviter le recours à la chirurgie chez ces patients. Le dépistage chez les personnes porteuses de ces bactéries au niveau du colon pourrait aussi devenir plus fréquent. Enfin et vu le rôle bactérien dans la pathogenèse des néoplasies coliques, l’usage de médicaments destinés au traitement et à la prévention du cancer colique (pro biotiques, vaccins) pourrait s’avérer être une option intéressante dans le futur.
Références