Détecter en amont un dysfonctionnement de l’hémostase. Une information précieuse en prévision d’une intervention chirurgicale, qu’un dispositif encore à l’étude devrait prochainement fournir.
Un dysfonctionnement de l’hémostase, d’origine génétique ou non, peut provoquer des hémorragies ou des thromboses notamment au décours d’une intervention chirurgicale. Des chercheurs de l’Université de Genève (UNIGE), de l’Université de Franche-Comté (UFC) et de l’Etablissement français du Sang (Bourgogne Franche Comté), en partenariat avec les Hôpitaux universitaires de Genève et les CHU de Dijon et Besançon ont mis au point un appareil - BlooDe - qui permet d’étudier l’efficience des plaquettes.
Thomas Lecompte, professeur à la Faculté de médecine de l’UNIGE rappelle que « connaître la capacité hémostatique d’un patient est primordial avant une intervention médicale à risque d’hémorragie ». En effet, un traitement médicamenteux peut modifier cette aptitude soit en la ralentissant, soit en l’augmentant.
BlooDe permet de tester l’efficacité des plaquettes du patient en moins d’une heure, en n’utilisant que quelques millilitres de sang. Pour cela, il reproduit artificiellement la circulation sanguine ainsi que des brèches dans les parois des vaisseaux. Un système de pompe fait circuler le sang à analyser dans des microcanaux, façonnés à l’intérieur de cartouches jetables insérées dans le dispositif. Le sang circule alors dans un équivalent artificiel de paroi vasculaire lésée et les plaquettes entrent en jeu.
« Il nous faut ensuite observer le temps qu’il faut aux plaquettes pour s’accumuler à cet endroit en quantité suffisante pour arrêter le saignement » explique le Pr Lecompte. Si cinq minutes suffisent chez une personne qui ne présente aucun trouble du système hémostatique, « au-delà de 10 minutes, il y a un réel souci qu’il faudra prendre en compte lors du traitement de ce patient.»
« Il nous fallait recréer un système qui non seulement reproduit le mouvement du sang liquide, mais aussi des brèches dans la paroi des vaisseaux » précise Wilfrid Boireau, directeur du Département de Micro Nano Sciences et Systèmes au sein de l’UFC. En effet, lorsque le sang quitte le vaisseau sanguin, il rencontre de nouveaux éléments qui déclenchent un « système d’alarme », permettant aux plaquettes d’intervenir pour colmater la brèche.
BlooDe remplit ainsi deux fonctions principales. Il permet d’identifier, en cas de défaillance du système hémostatique, l’origine du mauvais fonctionnement des plaquettes dans leur environnement naturel. Il permet aussi de déterminer la capacité hémostatique d’une personne qui va se faire opérer, afin d’ajuster le traitement médicamenteux pour minimiser les risques.
Le prototype de BlooDe a passé avec succès les premiers tests en laboratoire. Les chercheurs travaillent désormais sur l’amélioration de certains de ses composants, dont les cartouches, afin d’envisager une validation clinique à grande échelle et une commercialisation. « Notre objectif est d’obtenir le relais d’ici 2021 d’une industrie spécialisée dans les appareils in vivo, afin de pouvoir commercialiser BlooDe » conclut Thomas Lecompte.
Les scientifiques de l’UNIGE et de l’UFC Franche-Comté ont pu s’associer pour mettre au point cet appareil grâce à un financement d’un montant de 445 000 euros obtenu dans le cadre du programme Interreg Suisse-France 2014-2020.