Si beaucoup d’études mettent en avant nombre de biomarqueurs sériques potentiels, il apparaît que seulement 3 nouveaux tests de biomarqueurs sont validés et approuvés chaque année aux États-Unis. Ceci est dû à un très fort manque de reproductibilité. En particulier, le sexe et le statut hormonal de la femme sont très souvent négligés dans les recherches de biomarqueurs, malgré une forte implication dans les processus biologiques telles que le système endocrine, nerveux, immunitaire, métabolique et cardio-vasculaire.
Pour appuyer l’importance de ces paramètres, une étude à paraître dans le journal Scientific Reports (DOI: 10.1038/srep26947) a investigué les effets du sexe, de la contraception orale, de la phase du cycle menstruel et du statut ménopausal sur l’abondance de 171 biomarqueurs sériques chez 1676 individus issus de l’étude néerlandaise sur la dépression et l’anxiété NESDA.
Les analyses montrent que le sexe et le statut hormonal des femmes sont associés à des différences significatives du niveau de 117 des 171 biomarqueurs étudiés (68%), à la fois sur la cohorte de découverte (347 individus sains) ou la cohorte de validation (1329 individus avec dépression et/ou anxiété). Après ajustement par les covariables (démographie, style de vie et santé) intervenant sur ces différences, 96 biomarqueurs se révèlent affectés par le sexe (43 augmentés chez les femmes et 53 chez les hommes). Parmi les femmes, le statut hormonal a un effet sur 66 biomarqueurs, particulièrement entre femmes prenant une contraception orale et femmes non ménopausées (55 biomarqueurs affectés), ainsi qu’entre femmes ménopausées sans traitement hormonal et femmes non ménopausées (26 biomarqueurs). Dans le dernier cas, il est intéressant de noter que les niveaux des biomarqueurs chez les femmes ménopausées tendent vers les niveaux mesurés chez les hommes. Enfin, 5 biomarqueurs voient leur niveaux affectés par la phase du cycle menstruel (4 augmentés en phase folliculaire et 1 en phase lutéale). De très nombreux processus cellulaires et physiologiques sont impliqués par les biomarqueurs ayant montré une différence quantitative, et en particulier 45 ont été associés à des patients schizophrènes, 23 vis-à-vis de troubles dépressifs majeurs, et 60 dans des cas de cancers.
Des simulations ont été conduites sur des études pour montrer des effets inexistants de la condition contrôle/pathologie sur le niveau de biomarqueurs. Ainsi, si le sexe n’est pas pris en considération, jusqu’à 39.6% des variations relevées sont estimées fausses. En ce qui concerne la proportion de femmes sous contraception orale, l’estimation de faux-positifs monte à 41.4%.
Grâce aux biomarqueurs analysés, les auteurs sont parvenus à mettre en place un outil de classification d’échantillons entre hommes, femmes ménopausées, femmes sous contraception orale et femmes non-ménopausées, avec une précision supérieure à 80% pour chaque sous-groupe. A partir des 10 biomarqueurs les plus influents, les mêmes précisions sont obtenues (précision globale de 91,4%).
En conclusion, cette étude démontre l’importance de distinguer les sources d’échantillons biologiques en terme de sexe et de statut hormonal pour la recherche de biomarqueurs sériques. En effet, ces variables révèlent des variations significatives du taux sérique de nombreux biomarqueurs, dont 10 suffisent à établir avec une grande précision le profil source d’un échantillon, selon ces paramètres. Une grande part des biomarqueurs étudiés ici, dont le niveau sérique dépend du sexe et/ou statut hormonal, ont été associés à des pathologies lors de précédentes études, mais ces associations peuvent être remises en causes, ce qui est traduit en pratique par la faible proportion d’utilisation clinique des biomarqueurs. Des paramètres aussi “simples” que le sexe doivent être pris en considération pour la recherche de biomarqueurs.
Texte : jd / esanum
Photo : Jarun Ontakrai / Shutterstock