Les smartphones ont déjà fait leurs preuves pour déceler une fibrillation atriale1 ou pour faire le diagnostic différentiel d’une affection respiratoire pédiatrique à partir de l'analyse du son de la toux.2
Ils pourront bientôt permettre d’identifier en temps réel les symptômes d'un accident vasculaire cérébral, cinquième cause de décès aux États-Unis. Les résultats des recherches préliminaires portant sur l'application FAST.AI sont actuellement présentés à Dallas, à l’occasion de l'International Stroke Conference 2023.
«Notre objectif est très simple. Nous voulons détecter l'AVC dès son apparition» a déclaré Radoslav I. Raychev, auteur principal de l'étude sur FAST.AI et neurologue vasculaire à l'Université de Californie à Los Angeles.
En cas d'AVC ischémique (87% des cas aux États-Unis), 1.9 million de cellules cérébrales meurent chaque minute. Le traitement thrombolytique comme l'alteplase IV r-tPA doit être administré dans les 4,5 heures. Des recherches antérieures ont montré que les victimes d'un AVC traitées dans les 90 minutes suivant l'apparition des premiers symptômes ont presque trois fois plus de chances de se rétablir avec peu ou pas de séquelles.
Or, lorsque les signes sont légers, il est difficile même pour un professionnel de santé de déterminer si une personne est victime d'un AVC. A fortiori pour la victime elle-même ou ses proches, qui hésitent souvent à contacter les services d'urgence.
FAST.AI est une application pour smartphone entièrement automatisée, qui utilise des algorithmes d'apprentissage automatique pour reconnaître l'asymétrie du visage, la faiblesse des membres et les difficultés d'élocution. Son seuil de détection des symptômes est particulièrement bas.
Le nom de l'application provient de l’acronyme utilisé pour rappeler aux secouristes l’examen à mener en cas de suspicion d’AVC :
FAST.AI utilise la caméra du smartphone pour analyser le visage du patient, en examinant 68 repères faciaux. Des capteurs spécifiques mesurent le mouvement et l'orientation des bras. Enfin, un microphone est utilisé pour détecter les troubles de la parole. Les informations recueillies sont ensuite envoyées à une base de données pour être analysées.
Les chercheurs ont validé les performances de FAST.AI en la testant sur près de 270 patients (41% de femmes ; âge moyen de 71 ans) chez qui un AVC aigu avait été diagnostiqué. Les neurologues ont ensuite comparé les résultats avec leurs propres constatations cliniques.
Ces tests ont été effectués dans les 72 heures suivant l’admission des patients dans les services spécialisés de de quatre hôpitaux universitaires bulgares. L’étude a été menée entre juillet 2021 et juillet 2022.
1- L’application a détecté avec précision l'asymétrie faciale associée à l'AVC chez 97% des patients.
2- L'application a détecté avec précision la faiblesse d’un bras dans 72% des cas.
3- Bien que le module d'analyse de la parole ne soit pas entièrement validé et testé, des analyses préliminaires ont confirmé qu'il pourrait être en mesure de détecter de manière fiable les troubles de l’élocution associés aux AVC.
Une limite de l'étude est que ce sont des neurologues, et non des proches ou les patients eux-mêmes, qui ont utilisé l’application et ont expliqué aux patients son fonctionnement.
Depuis cette phase initiale de recherche, l'application a été testée sur plusieurs centaines de patients supplémentaires. L’étude se poursuit et l'application est toujours en développement. Elle n'est donc pas encore disponible pour le public.
Selon M. Raychev, l'application pourra être installée sur d'autres supports qu’un smartphone. «Lorsque quelqu'un est en conversation vidéo, ou lorsqu'il parle à un assistant virtuel comme Alexa, ou encore lorsqu'il conduit son véhicule autonome, nous souhaitons pouvoir disposer de cette surveillance passive afin de déceler les symptômes dès que l'AVC se produit».
Certains médecins experts sont prudents. Ils estiment qu’une telle application devrait être utilisée non pas comme outil de diagnostic mais uniquement pour faire connaître aux utilisateurs les symptômes de l’AVC, et pour les inciter à contacter le service d’urgence. Leur crainte ? Qu'un résultat faussement négatif dissuade la victime de s’adresser aux Urgences, avec des conséquences dévastatrices.
Pour Andrew Russman, directeur médical du Comprehensive Stroke Center de la Cleveland Clinic, «en aucun cas [cette application] ne doit être considérée comme une méthodologie pour décider d'appeler le 911, ou pour décider si quelqu'un présente définitivement des symptômes d'AVC. C'est juste une possibilité d’information qui semble intéressante pour le moment mais qui n'a pas encore d'application réelle.»
Notes :
1- Rizas, K.D., Freyer, L., Sappler, N. et al. Smartphone-based screening for atrial fibrillation: a pragmatic randomized clinical trial. Nat Med 28, 1823–1830 (2022).
https://doi.org/10.1038/s41591-022-01979-w
2- Porter, P., Abeyratne, U., Swarnkar, V. et al. A prospective multicentre study testing the diagnostic accuracy of an automated cough sound centred analytic system for the identification of common respiratory disorders in children. Respir Res 20, 81 (2019).
https://doi.org/10.1186/s12931-019-1046-6