L’aspirine ou acide acétylsalicylique est un anti-inflammatoire non stéroïdien aux propriétés antalgiques, antipyrétiques, anti-inflammatoires et antiagrégant plaquettaire. Il agit en inhibant la production de prostaglandines et de thromboxanes en bloquant les enzymes COX-1 et COX-2 de manière irréversible.
De nombreux scientifiques se sont intéressés aux autres effets potentiels de cette molécule, qui, prise à une dose modérée, aurait des effets anticancéreux. Le principe serait le suivant : l’aspirine inhibe la COX-2 (ou enzyme PTGS2) qui catalyse la conversion de l’acide arachidonique en prostaglandine H2, elle-même à l’origine de la prostaglandine E2 (PGE2). Et cette PGE2 contribue à la formation de tumeurs intestinales.
Néanmoins, tout le monde ne semble bénéficier des mêmes propriétés anticancéreuses de l’aspirine. Le facteur mise en cause pourrait être l’expression de la 15-HPGD (15-hydroxy-prostaglandine-déshydrogénase, ou 15-PGDH), une enzyme antagoniste de la COX-2 qui catalyse les prostaglandines. L’expression de la 15-HPGD est limitée lors du développement d’un cancer colorectal. Pour résumer, seuls les individus ayant un profil génétique permettant de produire de la 15-HPGD à niveaux élevés pourraient tirer parti des vertus anticancéreuses de l’aspirine.
Selon une étude d’octobre 2010 publiée dans The Lancet, 500 mg d’aspirine en prise quotidienne pourrait réduire l’incidence du cancer colorectal à long terme. Une étude danoise d’août 2015 (publiée dans Annals of Internal Medicine) suggère que la prise pendant au moins cinq ans d’AINS sans interruption (comme l’aspirine) réduirait de 27% le risque de développer un cancer. La dose quotidienne était comprise entre 75 et 150 mg. Une autre étude américaine, publiée dans Annals of Oncology, affirme qu’une prise de 75 à 100 mg d’aspirine sur dix ans diminue de 35% le risque du cancer du colon, de l’oesophage et de l’estomac.
Une étude publiée dans Science Translational Medicine d’avril 2014 permet de cibler les personnes dont l’aspirine réduirait le risque de cancer. Ils concluent que les patients avec un faible niveau de 15-HPGD ne bénéficient quasiment pas des effets. D’autres chercheurs se sont servis de deux grandes études américaines (Nurses Health Study et Health Professionals Follow-Up Study, qui suivaient presque 136 000 professionnels de santé). Ils concluent également dans un article dans JAMA Oncologie de mars 2016 à une réduction modeste mais significative du risque de cancers (particulièrement colorectaux) lors de la prise d’aspirine à long terme, et de manière régulière.
Des effets indésirables à prendre en compte
L’aspirine peut cependant créer des risques d’hémorragies gastriques et intestinaux et d’ulcères. C’est pourquoi elle n’est pas recommandée à l‘heure actuelle pour la prévention des cancers. L’objectif serait de mettre au point une méthode qui déterminerait les taux de 15-HPGD chez les patients à risque de développer un cancer colorectal (facteurs génétiques notamment). Ainsi, on pourrait cibler la population à qui donner de l’aspirine en prévention.
Il faudrait donc mesurer le rapport bénéfice-risque avant de l’indiquer à certains patients. En France, 40 000 cas de cancer colorectal sont dépistés chaque année. C’est la deuxième cause de mortalité par cancer.
Texte : sb / esanum
Photo : MaraZe / Shutterstock