En Allemagne, la mortalité liée aux AVC a été réduite de moitié au cours des quinze dernières années. Des résultats encourageant mais insuffisants pour le professeur Matthias Endres (Hôpital universitaire de la Charité, Berlin). Pour optimiser encore leur prise en charge, il recommande de traiter les patients encore plus rapidement, dans la fameuse «heure d'or».
250.000 allemands sont victimes chaque année d’un accident vasculaire cérébral chaque année. Sans traitement, un tiers de ces personnes mourront, un autre tiers resteront lourdement handicapées. «Nous pouvons briser cette "règle des tiers" avec une thérapie aiguë» estime le Pr Endres. Pour lui, le succès déjà remporté repose sur la création d'unités de traitement des AVC dans tout le pays et sur les nouvelles options de traitement. Il est aussi désormais possible de traiter les patients admis à l'hôpital après l'expiration du délai de 4,5 heures pour la thrombolyse.
D'après l'étude WAKE-UP1, dans 14 à 27% des AVC le moment de l'apparition des symptômes n'est pas connu, souvent parce que les symptômes de l’AVC sont constatés par le patient à son réveil. Ces patients sont généralement exclus d’emblée du traitement par alteplase intraveineux. Pourtant, l’AVC peut s’être produit durant les dernières heures avant le réveil, c’est-à-dire dans la fenêtre temporelle approuvée pour l'utilisation de la thrombolyse intraveineuse. En outre, en cas d'occlusion des grandes artères cérébrales, le caillot peut être retiré par thrombectomie interventionnelle, notamment en cas d'AVC grave. Dans certains cas cette intervention est encore possible plusieurs heures après l'apparition des premiers symptômes.
WAKE-UP, menée par l'hôpital universitaire neurologique de Hambourg, a montré qu'il est possible d'utiliser les technologies récentes d'imagerie pour identifier les patients se trouvant encore dans un moment ou le traitement à l'alteplase peut améliorer le résultat fonctionnel. Les chercheurs se sont basés sur une éventuelle discordance entre les résultats de deux examens de neuroimagerie :
Cette étude portait sur 503 patients : 254 choisis au hasard pour recevoir de l'alteplase et 249 pour recevoir un placebo.
L’étude donc concluait qu’à 90 jours, chez des patients victimes d'un AVC aigu dont le moment de l'apparition est inconnu, l'alteplase intraveineuse guidée par la discordance entre les techniques d’imagerie donnait un résultat fonctionnel nettement meilleur mais davantage d'hémorragies intracrâniennes.
Pour le Pr Endres, l’enjeu consiste à rendre ces technologies accessibles plus rapidement, au plus grand nombre : «Pour pouvoir offrir aux patients un traitement optimal, une clinique doit disposer d'une équipe d'urgence et de la technologie appropriée, disponible 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 : neurologue et neuroradiologue interventionnel, imagerie de perfusion et unité de soins intensif. Tous les hôpitaux n’en disposent pas. Ce qui nous occupe actuellement, nous les neurologues, c'est de savoir comment faire entrer cette thérapie spécialisée dans les soins courants.»
L'importance du facteur temps est illustrée par le projet pilote berlinois STEMO (STroke Einsatz-Mobile ou Stroke Emergency Mobile). Ces trois ambulances spécialement conçues sont équipées d'un CT-scan et d'un minilab. Elles ne sont utilisées que dans la capitale.
(Crédits : Center for Stroke Research Berlin)
Une première évaluation a montré que leur mise en œuvre a permis d'augmenter de 40% le nombre de patients pouvant encore recevoir une thrombolyse dans le délai de 4,5 heures. Par ailleurs, le Pr Endres rappelle que les STEMO permettent de «faire entrer toute une série de patients dans le délai que l'on appelle "l'heure d'or", c'est-à-dire que nous sommes en mesure de les traiter dans l'heure qui suit l'apparition des symptômes. Ces patients ont alors de grandes chances de survivre à l'attaque sans aucune séquelle.»
Cette «heure d'or» est un délai normalement quasi impossible à respecter : même si le patient compose le 112 rapidement après l'apparition des symptômes, il s'écoule généralement 20 à 30 minutes avant que l'ambulance n'atteigne la clinique. Or les STEMO permettent de commencer l'examen complet du patient par imagerie et la thrombolyse par alteplase dans le véhicule.
Le professeur Endres rapporte les conclusions d’une vaste étude récemment été réalisée à Berlin. B_PROUD 2 (Berlin Prehospital Or Usual Delivery) a comparé les résultats de l’utilisation des STEMO à ceux du traitement habituel. L’état de santé des patients a été évalué à trois mois, avec le score de Rankin modifié (0 point = aucune plainte, 6 points = décès ; un bon résultat après un AVC est de 0 et 1). Les premières conclusions de cette étude ont été présentées lors de l’International Stroke Conference 2020.3
L'essai B_PROUD a porté sur 749 patients pris en charge par une STEMO (moyenne d’âge 73 ans, 46 % de femmes. Ils ont été comparés à 794 patients (moyenne d’âge 74 ans, 48 % de femmes) qui ont reçu des soins conventionnels.
Lors de la présentation de l’étude, son auteur principal, le professeur Heinrich Audebert, s’est déclaré «stupéfait par l'ampleur de ce bénéfice.» Pour le professeur Endres, l’utilisation des STEMO devrait donc être répliquée sur l’ensemble du territoire allemand.
Références :
1- WAKE-UP
2- B_PROUD
3- Fast treatment via mobile stroke unit reduced survivor disability