En 2014, Médecins du Monde a effectué 40.790 consultations médicales et plus de 22.000 consultations sociales dans ses 20 centres d’accueil, d’orientation et de soin (Caso), où plus de 95% des patients sont étrangers (principalement d’Afrique subsaharienne, du Maghreb et de l’Union européenne), précise le rapport rendu public jeudi, à deux jours de la Journée mondiale du refus de la misère.
L’association a également réalisé 31.000 contacts dans ses “actions mobiles” envers les plus exclus (SDF, prostituées, migrants, personnes en bidonville).
“Nos Caso ont énormément de patients, mais ce qui a encore plus augmenté, ce sont nos consultations frontalières, à Vintimille et à Calais”, a expliqué à l’AFP le docteur Françoise Sivignon, présidente de Médecins du Monde.
A Calais, “symbole de l’insuffisance des pouvoirs publics” selon l’association, MDM a réalisé en 2014 plus de 2.000 consultations médicales, et 3.200 depuis début 2015. “On a dû mettre en place un dispositif d’urgence habituellement utilisé sur les terrains de conflit”, a rappelé Mme Sivignon, déplorant que la France ait “créé sur place de véritables bidonvilles”.
“La responsabilité de l’Etat, c’est de prendre en charge sanitairement ces personnes”, en “très grande souffrance psychique”, insiste-t-elle.
Si à Calais se trouvent de nombreux femmes et enfants, la population des centres d’accueil est en majorité jeune et masculine (62% d’hommes, 33 ans de moyenne d’âge).
MDM note une augmentation des mineurs étrangers isolés (517 accueillis en 2014, un chiffre multiplié par huit depuis 2011), soumis par l’Etat à “des tests de maturation osseuse absolument pas fiables”, dénonce Mme Sivignon, pour déterminer leur âge et savoir s’ils peuvent être pris en charge par l’aide sociale à l’enfance.
Au Caso Parmentier, au coeur de Paris, un jeune mineur vient d’arriver. Perdu et frigorifié, il a passé la nuit dehors et s’exprime avec difficulté. Les responsables du centre le laissent se réchauffer et s’assoupir contre un radiateur, avant qu’une équipe spécialisée ne le prenne en charge.
Autour, des dizaines de personnes attendent une consultation. Victor, Péruvien de 57 ans, vient pour des problèmes de cholestérol, de “poumons” et des malaises récurrents qui l’inquiètent. Hébergé par un ami, il est “sans document” et “sans argent”.
Tout comme Alain, Camerounais de 32 ans, “en galère”, car il souffre de “gros problèmes de peau” et “ne peut pas acheter des médicaments”.
Dans ces centres, “les précarités se sont aggravées”, insiste Mme Sivignon.
La quasi totalité (97,7%) des patients vit en dessous du seuil de pauvreté (dont 35,5% sans aucune ressource), et plus de 90% sont en logement précaire (chez un tiers, dans un squat, un bidonville, un centre d’hébergement d’urgence) ou à la rue.
Une majorité est en situation irrégulière (67,3%). Près de 7% sont demandeurs d’asile. Parmi eux, un tiers est à la rue, et seuls 25% sont hébergés par un organisme, alors qu’ils devraient théoriquement tous l’être.
Une précarité qui a des conséquences sanitaires: les pathologies sont souvent respiratoires, digestives, ostéoarticulaires et dermatologiques. Et près de six patients sur 10 souffrent de pathologie chronique, comme le diabète ou l’hypertension.
Près de 87% des patients n’ont aucune couverture maladie, alors que les trois quarts pourraient en bénéficier, via l’Aide médicale d’Etat (AME, qui prend en charge les soins des étrangers sans papiers et sans ressource), souligne Médecins du Monde, réfutant les accusations faites aux migrants d’abuser du dispositif.
“Les barrières à l’accès aux soins persistent”, souligne Mme Sivignon, citant notamment le problème de la langue et la complexité administrative. Conséquences: 40% ont retardé leurs soins, et un patient sur cinq a renoncé à se soigner au cours des douze derniers mois.
Source et crédit photos : AFP