Le danger d’une contamination par des infections urologiques devenues rares chez nous est plus grand pour ceux qui cherchent asile que pour la population du pays d’accueil. Néanmoins, en Europe, deux risques émergent : d’une part la population locale n’a pas été confrontée aux nouveaux pathogènes - principalement tropicaux - et n’a donc pas d’immunité vis à vis d’eux, et d’autre part, le personnel médical n’est pas (plus) formé pour être en mesure de reconnaître ces infections et leurs complications.
Le changement climatique conduit aussi à l’augmentation, pour les pathogènes tropicaux, de la possibilité de trouver un vecteur ou un substrat pour une colonisation sur le long terme en Europe.
L’exemple présenté dans l’étude de Mantica et ses collègues, s’est déroulé en 2013 en Corse : une variété de Schistosoma originaire d’Afrique se multipliait dans l’eau et aurait pu infester des centaines de personnes. Cet agent pathogène est vraisemblablement arrivé en Corse par les flux migratoires.
Le Schistosoma haemotobium est le pathogène déclencheur de la bilharziose. Il a besoin d’un escargot d’eau douce de type Bulinus pour se développer. En Corse, il a pu trouver un type d’escargot suffisamment ressemblant pour pouvoir s’y établir. Des escargots du même genre se retrouvent aussi au Portugal et en Espagne, ce qui, en principe, pourrait être le terreau fertile d’un réservoir endémique pour Schistosoma haemotobium en Europe du sud.
Dans les pays d’Afrique tropicale où la bilharziose existe depuis toujours, les médecins savent reconnaître les symptômes et la prendre en charge immédiatement. En Europe, cette maladie est peu connue des médecins, et les connaissances en maladies urologiques tropicales ne font pas toujours partie de l’enseignement de la discipline.
Cela devrait être modifié le plus rapidement possible, car chez nous les débuts d’une bilharziose sont souvent confondus avec une infection urinaire ou avec une tumeur. Le temps pour poser le diagnostic exact est donc plus long.
Un sondage auprès de 200 urologues européens quant à leurs connaissances des maladies tropicales a donné des résultats, selon les mots des auteurs de l’étude, « effrayants ». Dans ce petit QCM, des médecins d’Afrique du Sud ont posé des questions qui en Afrique sont destinées à des étudiants en médecine ou à des internes. Les médecins participants au test en Europe avaient, pour plus de 80 % d’entre eux, des connaissances insuffisantes sur ces sujets. Parmi eux, un participant sur 9 était un urologue ayant un cabinet. Les confrères et consœurs qui avaient travaillé en Afrique par contre, avaient eu de meilleurs résultats à ce test.
Les urologues européens ne sont que trop peu préparés et informés au sujet du diagnostic et de la prise en charge des maladies tropicales ayant des symptômes urologiques. Les flux migratoires conduiront pourtant, à brève ou moyenne échéance à l’apparition de ces maladies dans nos cabinets médicaux.
Les auteurs de cette étude suggèrent d’offrir davantage de séminaires en ligne et de formations afin de permettre à chaque urologue de se bâtir un socle de connaissances suffisant pour pouvoir identifier une infection tropicale individuelle.
Référence :
Mantica G et al., European Urology 2019; 76: 140-141