La majorité des patients s’informent à propos de la TF sur Internet. Difficile d’y trouver des informations médicales fiables. Si l’on tape dans un moteur de recherche « thérapie focale cancer de la prostate » il y a actuellement plus de 28 000 entrées ! La TF est devenue virale.
La plus grande crainte de nombreux hommes atteints du cancer de la prostate est la menace d'incontinence urinaire et de dysfonctionnement érectile, conséquences fréquentes d’une prostatectomie radicale. La TF promet de ne traiter que la tumeur, pas la glande entière, donc de réduire sensiblement le risque de tels effets secondaires. Le fait que la procédure est encore loin d'être une thérapie standard et n’est pour l’instant accessible qu'à un groupe restreint de patients strictement défini est souvent occulté par l'espoir qu’apporte cette technique.
Cette discussion sur la TF peut nuire gravement à la relation médecin-patient, lorsque le patient s'est mis en tête de recevoir une TF et que son médecin le refuse, car cela n’est pas médicalement justifié ou parce qu’il « ne pratique pas encore cette méthode ». C'est pourquoi je voudrais vous donner quelques détails sur la TF qui pourraient vous aider lors d’un entretien avec le patient.
Aujourd'hui, le concept de thérapie focale englobe toute une série d'approches thérapeutiques différentes (HIFU*, cryothérapie, thérapie photodynamique, thérapie au laser focal, RTUP, électroporation irréversible, etc.) qui ont toutes pour objectif commun de causer moins de morbidité qu'une thérapie des glandes complètes tout en étant efficaces.
Focal signifie que le traitement est localisé. La thérapie focale offre la possibilité de ne traiter qu'un seul foyer tumoral dans la prostate, en protégeant les tissus sains environnants ainsi que les vaisseaux, les nerfs et l’urètre. La zone traitée doit rester inférieure à la moitié de la glande.
Les plus grands défis de la TF sont la localisation des tumeurs et le fait que dans la majorité des cas les carcinomes de la prostate (CPa) ne croissent pas de manière uniforme mais multifocale. Statistiquement, environ un CPa sur cinq seulement est classé comme unifocal. Lorsqu’ils sont multifocaux, des études ont montré qu'en plus d'une tumeur plus grande - qui détermine l'indice pronostique - on peut trouver en moyenne jusqu'à 2,9 petites tumeurs qui l’accompagnent.
L'imagerie joue donc un rôle particulièrement important dans la décision d’opter pour la TF. L' IRM multiparamétrique PIRADS 2.0 (mpMRT) et la biopsie guidée par fusion IMR/échographie constituent actuellement les méthodes de diagnostic les plus précises.
Même si de nombreuses versions de la TF apparaissent comme aussi efficaces qu’une intervention chirurgicale, c’est encore loin d’être une réalité. Cette information doit toujours être communiquée clairement aux patients. La directive actuelle de l’European urology association (EAU) recommande l'utilisation de la TF comme procédure expérimentale uniquement dans le cadre d'études cliniques et non dans le cadre de soins standards !
En outre, seuls les patients répondant à ces critères peuvent être retenus comme « aptes à la TF » :
Il y a un consensus pour affirmer que les patients à très faible risque devraient plutôt être aiguillés vers une surveillance active. Dans leur cas, la TF pourrait être considérée comme un « sur-traitement ».
Actuellement, seules les HIFU et la cryothérapie sont présentés par la directive EAU comme des procédures potentiellement applicables. Une autre procédure appelée TOOKAD® a reçu un avis négatif des britanniques.
D'un point de vue scientifique, toutes les procédures actuelles de TF présentent des avantages et des inconvénients, qui dépendent souvent de la localisation et de la taille des tumeurs. À l'avenir, il pourrait devenir évident que selon les cas on envisage plusieurs méthodes qui pourraient être combinées. Par exemple, les lésions postérieures sont mieux traitées par HIFU, les tumeurs antérieures par cryothérapie et les lésions apicales par curiethérapie.
Une question importante, qui doit encore être clarifiée par les études, est celle des perspectives de succès de la TF. Le succès thérapeutique de la TF n'a pas encore été défini, de sorte que les patients doivent être suivis régulièrement. Le suivi comprend donc des IRM régulières et les biopsies de contrôle. En outre, la qualité de vie de vos patients doit retenir votre attention : vous pouvez utiliser des questionnaires tels que l'IPSS (International Prostate Symptom Score) ou l'IIEF (International Index of Erectile Function).
Si des lésions suspectes persistent ou si des tumeurs réapparaissent, elles doivent être biopsiées après l'IRM. Mais même si l’IRM ne décèle rien au moins une nouvelle biopsie ciblée est nécessaire après un an. Cette recommandation repose sur le fait que l'on ne sait toujours pas exactement à quoi ressemble, à l’IRM, la zone traitée avec succès.
Important : Comme pour la surveillance active, la zone traitée doit être ciblée et la prostate restante systématiquement biopsiée.
Chaque planification de traitement par TF inclut une stratégie alternative en cas d’échec, ou si des tissus tumoraux sont négligés.Les données ne sont pour l’instant pas très significatives, mais il semblerait que la radiothérapie soit réalisable après une TF infructueuse.
Dans le cas d'une prostatectomie « de sauvetage » après TF, cependant, les données ne sont pas aussi claires. Les quelques études disponibles montrent, par exemple, que TOOKAD® n'affecte pas négativement l'opérabilité d'une prostatectomie. Une autre étude, restreinte, a rapporté qu'après une TF infructueuse l’efficacité de l’intervention sur la tumeur et les résultats fonctionnels - sur la fonction érectile du patient - étaient limités
Lors du congrès 2019 de l'EAU, ce résultat médiocre d'une prostatectomie de sauvetage après une TF infructueuse a également été confirmé.
Important : Les patients doivent donc être informés du risque d'une issue plus défavorable dans le cas d’un traitement de sauvetage après l'échec de la TF.
Sources :
Congrès 2019 de l'EAU (Barcelone)
Ganzer R et al., Urologe 2017; 56:1335–1346
Interdisziplinäre Leitlinie der Qualität S3 zur Früherkennung, Diagnose und Therapie der verschiedenen Stadien des Prostatakarzinoms, AWMF-Registernummer 043-022OL (Stand: 01.04.2018)
Mottet N et al., EAU Guidelines on Prostate Cancer 2018
Schostak M, Urologe 2019; https://doi.org/10.1007/s00120-019-0862-0
* HIFU : traitement par ultrasons focalisés de haute intensité