Suspicion d'embolie pulmonaire et grossesse... Enfin du nouveau (et moins de scanners inutiles à la clé)
Journal Club n°2<br>Comment exclure le diagnostic d'embolie pulmonaire chez une femme enceinte ? L'algorithme YEARS permet de réduire le recours à l'imagerie, donc aux radiations.
Nous publions ici, avec son accord, le Journal Club que le Pr Nicolas Peschanski * propose à ses étudiant.e.s afin de leur présenter certaines études relatives à sa spécialité. Nous l'en remercions chaleureusement.
Journal Club n°2
L’étude
Pregnancy-Adapted YEARS Algorithm for Diagnosis of Suspected Pulmonary Embolism 1
L'algorithme YEARS adapté au risque d'embolie pulmonaire (EP) chez la femme enceinte a exclu de manière sensible et spécifique l'EP chez les femmes enceintes et a réduit le taux d'angioscanner et ceci à tous les stades de la grossesse.
Pourquoi est-ce important ?
L'EP est l'une des principales causes de décès maternel pendant la grossesse. Cependant, il peut être difficile d'établir un diagnostic. En outre, le dosage des d-dimères associé à un algorithme utilisant le score de Wells ou de Genève modifié perd de sa spécificité et de sa sensibilité pendant la grossesse.
Comme les modalités d'imagerie telles que l'angioscanner et même la scintigraphie de ventilation-perfusion (VQ) exposent le fœtus et la mère à des radiations, il n'est pas toujours évident d'exclure ou de confirmer le diagnostic. La question à laquelle tente de répondre cet article est de proposer une règle de décision clinique permettant d'exclure sans risque l'EP chez les patientes enceintes et de réduire le taux d'imagerie.
Nous attendons cet algorithme depuis des ANNÉES. Il s'agit d'une étude prospective multicentrique internationale portant sur 498 femmes enceintes dont on soupçonnait l'EP. L'algorithme YEARS (figure ci-dessous) a été utilisé pour guider les tests de diagnostic et la prise en charge.
Des résultats probants
- Grâce à ce protocole, l'EP a été diagnostiquée chez 4% des patientes.
- L'angioscanner a pu être évité chez 39% d’entre elles (N=195).
- Une seule patiente n'ayant pas été initialement diagnostiquée a présenté une TVP au cours du suivi à trois mois.
- Aucune autre patiente n'a été diagnostiquée pour une MTEV au cours du suivi.
- L'efficience de l'algorithme était plus élevée au cours du premier trimestre (lorsque les radiations sont potentiellement les plus préjudiciables au fœtus en développement) et plus faible au cours du troisième trimestre.
- Au total, l'angioscanner a pu être évité chez 65% des patientes au cours du premier trimestre, 46% au cours du deuxième et 32% au cours du troisième.
Conclusion
L'algorithme YEARS semble être un outil de décision clinique fiable et utilisable au quotidien pour exclure l'EP chez les patientes enceintes et réduire sans risque l'utilisation de l'angioscanner.
Retrouvez tous nos articles sur Twitter, LinkedIn et Facebook.
Vous êtes médecin ?
Pour recevoir une sélection de nos articles ou les commenter sur le site, il vous suffit de vous inscrire.
Référence :
Pregnancy-Adapted YEARS Algorithm for Diagnosis of Suspected Pulmonary Embolism
March 21, 2019 – N Engl J Med 2019; 380:1139-1149
DOI: 10.1056/NEJMoa1813865
* Nicolas Peschanski est professeur de médecine d'urgence et praticien hospitalier au CHU de Rennes. Membre actif de longue date de la SFMU – avec six années passées au sein de la commission scientifique – il siège depuis 2020 à la commission des référentiels.
Le parcours international du Pr Peschanski, notamment aux USA, lui a permis de devenir membre de la Commission Internationale de l'American College of Emergency Physicians ainsi que du comité de pilotage de l'EMCREG-International (Emergency Medicine Cardiac Research and Education Group). Il fait également partie de l'Eusem (European Society for Emergency Medicine) et plus particulièrement de son comité «Web & social media».
Le Pr Peschanski est très attaché au principe de la FOAMed (Free Open Access Meducation - Partage en libre accès des ressources éducatives médicales). Il utilise les réseaux sociaux (@DocNikko) à des fins pédagogiques et de partage des connaissances en médecine d’urgence.
Liens d'intérêts
Le professeur Peschanski déclare les liens d'intérêts suivants :
- sur les trois dernières années : Vygon SA (consultant), Fisher&Paykel (symposium), AstraZeneca (symposium)
- sur les vingt dernières années :
Symposiums : Fisher&Paykel Healthcare , AstraZeneca, Lilly, Sanofi, Daiichi-Sankyo, HeartScape, The Medicine Company, Thermofisher, Roche Diagnostics
Boards : Bayer, AstraZeneca, Vygon SA, Portola USA, Sanofi, Boehringer Ingelheim
Congrès : Lilly, Sanofi, Vygon SA, Portola, Roche Diagnostics, Thermofisher
Fonds de recherche (non personnels) : Servier, Boehringer Ingelheim