"Glamis thou art, and Cawdor, and shalt be
What thou art promis'd. Yet do I fear thy nature,
It is too full o' th' milk of human kindness
To catch the nearest way."
Je vous laisse méditer sur ces vers de Shakespeare (Mac beth – acte I, scène V).
En attendant, une autre belle soirée commence au royaume de la régulation. Le temps d’une merveilleuse contribution à ce journal club pour discuter de la bataille qui fait rage entre l’habitude (propofol) et la nouveauté cocktail (kétofol). Voici donc mon humble contribution. J'espère que mes collègues apporteront la leur !
Ketamine-propofol combination (kétofol) vs propofol for procedural sedation and analgesia: systematic review and meta-analysis 1
Cet article est une revue systématique et une méta-analyse, publiée dans l'American Journal of Emergency Medicine. Les auteurs ont examiné l'efficacité de l’analgésie et les effets secondaires du kétofol. Il s’agit d’une combinaison de kétamine et de propofol, dans la même seringue ou non, et dans des proportions différentes (je vous renvoie si besoin au blog EMCrit 2 de Scott Weingart).
Oui, il s’agissait d’examiner la littérature existante et de réaliser une méta-analyse pour comparer les effets analgésiques et les effets secondaires du kétofol par rapport au propofol, pour la sédation et l'analgésie procédurale.
Oui. Tous les essais randomisés comparant les deux agents ont été retrouvés, quels que soient l'âge, le sexe, le lieu, l'année de publication et la langue du patient.
Je dirais même que c'est plutôt large et c'est plutôt cool car c'est ce que vous voulez dans une revue systématique et/ou une méta-analyse. Mais cela pose quelques problèmes, nous y viendrons plus loin.
Les objectifs secondaires indiqués sont la satisfaction des patients et des prestataires de soins, le temps de sortie et le rappel des patients. D'autres points plus délicats, mais toujours pertinents pour notre pratique.
Oui, et c'est important dans toute méta-analyse !
Certains affirment qu'il n'existe pas de méta-analyse parfaite car on s'attend toujours à un certain degré d'hétérogénéité dans le processus de combinaison des études sélectionnées. Les auteurs ont utilisé le Cochrane Q et I2 pour étudier et décrire l'hétérogénéité des essais inclus.
L'hétérogénéité globale des essais a été considérée comme faible à modérée (scores I2 de 0-66% pour différentes complications, ce qui est probablement acceptable pour passer à une méta-analyse).
Je n'ai pas détaillé le reste des résultats car j'ai estimé que les résultats ci-dessus sont les plus pertinents pour notre pratique quotidienne.
Avertissement :
Je dois signaler que je suis fortement influencé en ce qui concerne la combinaison des deux drogues kétamine et propofol (mais une dans chaque main !) pour la sédation. C’est en effet ma pratique depuis quelques années.
Le profil de sécurité de cette combinaison analgésique-sédatif, dont je suis un grand fan, ne doit pas faire oublier qu'il est important de déclarer au début de la discussion que nos convictions antérieures influencent la façon dont nous pensons et partageons les nouvelles évidences. J'avais de grands espoirs dans cet article pour qu’il réponde à certaines de nos interrogations. Il touche en effet à un domaine de notre pratique qui est très valorisant et que j'aime beaucoup aborder et enseigner : la sédation procédurale.
Dans ma pratique, je n'utilise pas le mélange (comme du kétofol) tel que décrit dans cet article. J'utilise une dose analgésique de kétamine quelques minutes avant de commencer la sédation – avec de petites doses de propofol – jusqu'à ce que j'atteigne un niveau de sédation adéquat. Ceci n'est sans doute pas du tout du kétofol (mes collègues qui utilisent le kétofol mélangent les drogues à 50/50 comme dans cet article).
J'ai appris cette méthode il y a quelques années auprès de mon mentor. C'est un point important car les complications peuvent être influencées par la façon dont les médicaments sont utilisés. Dans le présent document, les essais portent sur des doses et des modes d'administration des médicaments très différents. C'est peut-être la raison pour laquelle je pense que les taux de complication globaux dans ces études sont plus élevés que ceux que nous pouvons rencontrer.
Dans l'ensemble, l'article semble bien construit et la recherche documentaire est adéquate. En effet, les articles sélectionnés présentent étonnamment peu d'hétérogénéité statistique dans les essais récupérés par les auteurs. Il reste cependant des défauts...
Peut-être est-ce le moment de mentionner qu'il n'y a pas de résultats sur la question de savoir si la sédation a été un succès !
S'il est vraiment important de connaître les complications, je veux aussi connaître le taux de succès, tant du point de vue du patient que du clinicien.
Il existe des articles qui examinent les résultats appropriés. Le plus important d’entre eux, celui de Gary Andolfatto3 a examiné les résultats cliniquement pertinents. Rappelons-nous qu'ils n'ont montré que peu ou pas de différence cliniquement importante.
Cet article a tenté d'aborder une question très importante et pertinente pour la pratique aux urgences. Cependant, il ne traite pas de la question de savoir si le kétofol est meilleur comme agent de sédation procédurale que le propofol seul.
Les auteurs ont conclu que leur étude soutient l'utilisation de la kétamine-propofol comme combinaison efficace et la substitution au propofol uniquement sur la base de l'incidence des complications.
Malgré les statistiques qu'ils ont présentées et qui semblent soutenir cette affirmation, je ne suis pas sûr que cette conclusion soit suffisante pour modifier absolument votre pratique en raison de la complexité inhérente à l'hétérogénéité telle que discutée ci-dessus.
En outre, le manque de données sur l'efficacité de la sédation pour les cliniciens ou les patients signifie que certaines questions restent sans réponse dans ce débat. Il existe bien sûr de nombreuses autres options de sédation aux urgences et le choix de l'agent approprié dépend plutôt de ce que vous essayez d'obtenir. Nous essayerons de discuter plus tard de ce concept de sédation équilibrée !
Pour finir... Il est important que nous formulions nos propres opinions sur la base de ce que nous avons lu. Opinions suivies d'une évaluation critique. Alors... Qu'en pensez-vous ?
Notes :
1- Mohammad Jalili, Maryam Bahreini, Amin Doosti-Irani, Rasoul Masoomi, Mona Arbab, Hadi Mirfazaelian (2015)
Ketamine-propofol combination (kétofol) vs propofol for procedural sedation and analgesia: systematic review and meta-analysis
The American Journal of Emergency Medicine – Volume 34, Issue 3, March 2016, Pages 558-569
doi.org/10.1016/j.ajem.2015.12.074
2- EMCrit Podcast 29 – Procedural Sedation, Part II
3- Gary Andolfatto, Riyad B. Abu-Laban, Peter J. Zed, Sherry Stackhouse, Susanne Moadebi, Elaine Willman (2012)
Ketamine-propofol combination (ketofol) versus propofol alone for emergency department procedural sedation and analgesia: a randomized double-blind trial
Annals of Emergency Medicine – March 2012
doi.org/10.1016/j.annemergmed.2012.01.017
Liens d'intérêts
Le professeur Peschanski déclare les liens d'intérêts suivants :
- sur les trois dernières années : Vygon SA (consultant), Fisher&Paykel (symposium), AstraZeneca (symposium)
- sur les vingt dernières années :
Symposiums : Fisher&Paykel Healthcare , AstraZeneca, Lilly, Sanofi, Daiichi-Sankyo, HeartScape, The Medicine Company, Thermofisher, Roche Diagnostics
Boards : Bayer, AstraZeneca, Vygon SA, Portola USA, Sanofi, Boehringer Ingelheim
Congrès : Lilly, Sanofi, Vygon SA, Portola, Roche Diagnostics, Thermofisher
Fonds de recherche (non personnels) : Servier, Boehringer Ingelheim