(Par la Dre Annabelle Eckert)
La chronique d'aujourd'hui porte sur un article scientifique1 porteur d’espoir pour les patients ayant subi un traumatisme du nerf optique. Focus sur la régénération axonale.
Jusqu'à présent, la régénération des structures axonales était limitée par les facteurs d'inhibition du système nerveux central. Les facteurs d'inhibition impliqués déclenchent une cascade de signalisation entraînant l'activation de la kinase 5 dépendante de la cycline (CDK5) et de la glycogène synthase kinase 3 beta (GSK3beta).
Les deux enzymes entrainent la phosphorylation de la protéine 2 (CRMP2), médiatrice de la réponse à la collapsine. La phosphorylation par CDK5 inactive la CRMP2 à l'étape suivante, et entraîne la redoutable déstabilisation des microtubules responsable d’une dégénérescence axonale. S'il y avait un moyen d'inhiber cette cascade de signalisation, le nerf optique et avec lui la faculté visuelle pourraient être sauvés2.
Nous découvrons aujourd'hui les résultats des recherches de Kondo S. et de son équipe. Ils ont utilisé une souche de souris CRMP2 knock-in pour étudier comment la régénération axonale peut être rendue possible. Tout ophtalmologue rêve d’une possibilité de traitement des patients après un traumatisme optique ou une neuropathie optique glaucomateuse1.
Chez les souris CRMP2 knock-in, la phosphorylation CRMP2 sur Ser522 est inhibée. Il est intéressant de noter que ces souris spéciales ont montré une augmentation de la régénération axonale après une lésion de la moelle épinière. Le groupe de recherche a voulu utiliser son modèle expérimental pour déterminer si cette augmentation de la régénération axonale chez les souris CRMP2 knock-in se produit également après un traumatisme du nerf optique. Les résultats de leurs recherches récemment publiés sont révolutionnaires puisqu'ils sont les premiers à signaler la suppression de la dépolymérisation des microtubules après un traumatisme optique chez des souris CRMP2 knock-in.
Les souris CRMP2 knock-in ont également montré une perte de cellules rétiniennes plus faible après un traumatisme optique que les souris de type sauvage. Le groupe de recherche a validé ses résultats en déterminant le marqueur de régénération axonale GAP43. Comparativement au groupe de souris de type sauvage, les souris CRMP2 knock-in ont montré un niveau de GAP43 beaucoup plus élevé 4 semaines après un traumatisme optique. Le groupe de recherche a conclu que l'inhibition de la phosphorylation du CRMP2 ne se contente pas de prévenir la dégénérescence axonale, mais favorise également la régénaration.
Dans le modèle expérimental de Kondo S. et ses collègues, l'inhibition de la phosphorylation du CRMP2 est associée à un effet neuro-protecteur. Ces résultats de recherche nous montrent le rythme rapide auquel des concepts thérapeutiques d'apparence futuriste pourraient prochainement bouleverser, et de manière positive, notre spécialité.
1. Genetic inhibition of CRMP2 phosphorylation at serine 522 promotes axonal regeneration after optic nerve injury.
Kondo S. et al. (2019) - Scientific Reports.