La médecine de demain se construit dès aujourd’hui grâce à l’enseignement facultaire. Pendant de nombreuses années, l’enseignement de la médecine se résumait à l’alternance de cours magistraux et de stages hospitaliers.
Traditionnellement, les cours magistraux permettaient l’apprentissage de connaissances (savoir théorique) et les stages hospitaliers abordaient les compétences techniques (savoir faire : gestes sémiologiques, médicaux, chirurgicaux, etc.) et non techniques (savoir être : leadership, relation médecin-patient, gestion de l’urgence, etc.).
In fine, ce trépied de savoirs permet l’acquisition d’un raisonnement clinique : l’étudiant devient expert et le savoir… expertise.
Au cours des 10 dernières années, cet enseignement a été bouleversé par l’arrivée de nouvelles technologies. À tel point que certaines facultés perdaient le monopole de la transmission des savoirs. Les connaissances médicales sont désormais en accès libre et gratuit (Google, Pubmed, etc.) mais l'acquisition de compétences techniques et non-techniques reste le pré carré de l’université. Encore faut-il que les facultés de médecine sachent s’emparer d’outils innovants.
C’est ainsi que sont apparus en un court laps de temps les centres de simulation, les enseignements facultaires en ligne, les cas cliniques interactifs, le développement de l’adaptative learning (ou apprentissage adaptatif *) et celui de nouveaux médias.
En France, de nombreux projets portés par des médecins universitaires de tous âges ont permis de métamorphoser le paysage de l’enseignement de la médecine. Désormais, les étudiants passent leurs examens sur tablette numérique, s’évaluent et regardent des cours en ligne, s’entraînent à des gestes sur des mannequins de simulation. Ce changement de paradigme était indispensable.
Année universitaire 2019-2020 : les étudiants en PACES sont nés en 2001…
Les fameux « post-milléniaux » d’une génération « Z » encore nommée « génération C » : Communication, Collaboration, Connexion et Créativité.
Une génération bercée par l’internet, les smartphones et les réseaux sociaux qui succède à la « génération Y » déjà accro au web.
Mettez-vous à leur place une seule seconde…
Vous n’avez pas encore 20 ans.
Le numérique ? Vous jouez avec depuis toujours.
Vous jonglez avec les nouvelles technologies. D’ailleurs, elles n’ont plus rien de « nouvelles » pour vous.
Vous entamez une dizaine d’année d’études.
Quel est votre horizon ?
Une faculté poussiéreuse ?
Des vieux livres et des polycopiés ?
De sempiternels cours magistraux sans support informatique ni accès à l’internet ?
Le plan « Hôpital 2022 » prévoit une modernisation des infrastructures médicales, l’irruption des intelligences artificielles, l’avènement de l’ère des big data…
Privera-t-on nos jeunes protégés de technologies d’enseignement tout simplement modernes ?
Friand de nouvelles technologies et conscient de leurs impacts sur l’enseignement, j’ai imaginé dès mon internat de développer une plateforme d’enseignement pour les compétences techniques.
Je suis formateur en simulation depuis déjà 5 ans, et je me suis rendu à l’évidence : l’accès aux plateformes est disparate en France, et complexe à organiser. Mais je conserve l’espoir que cela s’améliorera dans les années à venir. Quant aux stages hospitaliers… La réalisation des gestes et la validation par un médecin senior est dépendante des lieux de stage.
Au début de mon clinicat à Paris (Hôpital Tenon - Médecine interne), j’ai eu la chance de rencontrer les Prs Olivier Steichen et Gilles Grateau. Tous deux considérés comme des sommités de la sémiologie à Paris, ils sont responsables de son enseignement à la faculté de médecine Sorbonne Université.
«Taper» les réflexes ostéo-tendineux, chercher les signes d’insuffisances cardiaques…
Une étude réalisée dans notre service (article soumis, pas encore publié) a montré que les étudiants - même en 6e année, même bien classés au concours de l’ECNi - n’exécutent pas correctement ces gestes sémiologiques de base...
Il m’est venu cette idée de créer avec l’aide de mes deux pairs des vidéos didactiques « à la première personne » (l’apprenant se retrouve à la place du médecin) pour enseigner ces gestes.
Nous utilisons une caméra GoPro, et diffusons gratuitement les vidéos sur YouTube et via les réseaux sociaux. À terme, nous souhaitons créer une plateforme dédiée.
Ce projet est le fruit de la fusion de deux idées :
Nous avons réalisé une première vidéo en novembre 2017. Elle portait sur l’apprentissage des réflexes ostéo-tendineux. J’ai utilisé ma GoPro personnelle (celle qui me suit en vacances) et fait l'acquisition d’un support frontal pour la fixer sur le front du Pr Steichen. Son expertise m’a paru indispensable pour assurer la qualité du contenu pédagogique. Le tournage a duré 15 minutes, le montage - grâce à iMovie - 10 de plus.
Le succès est sans appel : la vidéo compte presque 20 000 vues, 354 likes et des commentaires très positifs.
Cette première expérience n’a validé que le premier niveau l’échelle de Kirkpatrick.
Pour rappel :
niveau 1 : la satisfaction
niveau 2 : l’apprentissage
niveau 3 : le changement de comportement en situation professionnelle
niveau 4 : l’impact positif direct sur le patient
Pour valider la valeur pédagogique de cet outil d’enseignement ne manquent que des études prospectives. Pour cela, j’aurai besoin d’aide, de moyens et de temps !
Nous en sommes aux balbutiements. L’objectif à terme est de proposer une plateforme en ligne, gratuite, open access avec des vidéos de qualité (j’insiste sur ce point : la qualité est cruciale). Les thèmes ? Les gestes sémiologiques, mais également médicaux et chirurgicaux (ponctions, sutures, opérations, etc.).
Avec une caméra 360 ° les étudiants pourront même visualiser la scène entière d’une ponction lombaire par exemple (grâce au système Occulus Rift). Une immersion totale et ludique qui permettra une excellente mémorisation.
J’ai eu la chance de rencontrer des soutiens de taille :
Je suis certain que ce projet obtiendra l’aval des comités pédagogiques en vue d’un déploiement national.
J’espère qu’il attirera l’attention des facultés et celle de médecins motivés pour m’accompagner.
N’hésitez pas à me contacter si ce projet vous séduit !
* L’apprentissage adaptatif utilise l’ordinateur pour adapter la présentation du contenu d’apprentissage aux besoins de l’apprenant, à son niveau de compréhension et sa façon d’apprendre. Il utilise les traces laissées sur le système lorsque l’apprenant répond à des questions, réalise des tâches ou des expériences. Cette technologie est donc à al croisée de l’informatique, l’éducation, la psychologie et les sciences cognitives.