Frédéric Adnet est professeur agrégé de Médecine d'Urgence et chef des Urgences de l’Hôpital Avicenne et du SAMU 93. À la fois chercheur et médecin, il fait régulièrement le point sur la Covid-19. Après 46 numéros d'une Foire Aux Questions (FAQ) quotidienne, il publie désormais une newsletter. Nous la reproduisons ici avec son aimable autorisation.
Sa FAQ a connu un succès phénoménal. À l'origine destinée aux professionnels de son service, elle est maintenant traduite en plusieurs langues. Dans son interview, Frédéric Adnet revient sur ce succès et explique son attachement à l'Evidence-based medicine.
Frédéric Adnet est également l'auteur de l'ouvrage Les Fantassins de la République - Urgence COVID, un printemps en enfer, paru en octobre 2020.
INDEX et liste des FAQ / Newsletters
Nous savons que l’immunité adaptative possède deux composantes. La première, facile à mesurer, est caractérisée par les taux d’anticorps neutralisants. L’autre, plus difficile à quantifier, est représentée par les lymphocytes T (CD4 et CD8). Ils sont spécifiques et gardent en mémoire l’agent pathogène. Lors d’une infection, ces lymphocytes se mobilisent en détruisant directement les cellules infectées ou en recrutant les acteurs de l’inflammation. Cette immunité «cellulaire» a été testée pour le variant Omicron, dont on sait qu’il contient de nombreuses mutations rendant problématique sa reconnaissance (cf. newsletters n°65 et n°66). Est-elle toujours efficace avec les vaccinations actuelles ?
Des chercheurs ont comparé les sérums de personnes ayant reçu la vaccination Janssen® (N=20) ou la vaccination Pfizer-BioNTech® (N=15) et celui de patients convalescents de la Covid-19 (N=15) [medRxiv non encore reviewé, 28 décembre 2021]. Eh bien, nous sommes rassurés : plus de 80% des sérums de vaccinés ont montré une réponse cellulaire satisfaisante pour la protéine S de l’Omicron, comparée à la protéine S du virus original de Wuhan (pour laquelle a été conçue les vaccins). Simplement, les réponses étaient un peu inférieures pour la protéine de l’Omicron (14% à 25% moins importante).
De manière spectaculaire, l’immunité cellulaire était conservée chez les convalescents quel que soit le variant à l’origine de la maladie : l’original, le Beta, le Delta et l’Omicron, suggérant une immunité croisée efficiente. Intéressant !
[Merci au Dr Axel Ellrodt]
Nous savons que l’immunité naturelle induite par des virus plus anciens est moins efficace contre un nouveau variant. Ainsi, les anticorps neutralisants présents après une infection par le variant Delta sont moins efficaces contre l’Omicron (cf. newsletter n°65). Ceci semble logique.
Actuellement, ces deux variants existent simultanément. Des biologistes se sont donc posés la question de savoir si un patient convalescent du variant Omicron était protégé contre le Delta, bénéficiant en quelque sorte d’une immunité croisée inversée !
Les chercheurs ont testé l’activité de neutralisation des anticorps des patients vaccinés et non vaccinés puis infectés par le variant Omicron (PCR positive) [medRxiv non encore reviewé, 27 décembre 2021]. Après avoir isolé les anticorps – à l’inclusion des patients (N=14) puis environ 14 jours après l’infection – ils ont testé leurs efficacité contre les variants Delta et Omicron sur ce laps de temps.
L’immunité contre l’Omicron a augmenté d’un facteur 14 (ça on s’y attendait) mais le pouvoir neutralisant ce ces anticorps était aussi augmenté d’un facteur 4,4 contre le Delta ! Si on est infecté par l’Omicron, on est protégé contre le Delta (plus grave). Mais bon... Il n’y en a presque plus !
[Merci au Dr Axel Ellrodt]
Un sujet qui anime les réseaux sociaux ! Il y aurait un impact majeur de la vaccination sur la durée des cycles menstruels et des règles, voire une modification de la périodicité – ou même une disparition – de ces cycles. Nous disposons de beaucoup de témoignages mais de peu d’études. En voici une qui semble sérieuse.
Dans un registre prospectif, les chercheurs ont comparé un groupe de femmes de 18-45 ans, vaccinées ou non, sans antécédents d’anomalie des cycles. Elles ont été suivies pendant 6 cycles (Obstetrics & Gynecology, 5 janvier 2022).
Encore un mythe qui tombe !
Nous avions déjà parlé du NVX-CoV2373 ou Novavax®, vaccin très prometteur avec des études positives de phase 2/3 (cf newsletter n°51) et de sa potentielle utilisation avec le vaccin de la grippe (cf.newsletter n°55).
En bref, il s’agit de présenter au système immunitaire du patient la protéine S du SARS-CoV-2 (souche historique) diluée dans un solvant contenant un «booster» de l’immunité : la protéine Matrix-M® (cf.newsletter n°51). Ce vaccin vient d’obtenir l’AMM en France et les résultats de phase 3 ont été publiés (NEJM, 15 décembre 2021).
L’étude a commencé avant l’arrivée du Delta et de l’Omicron, ne permettant pas de se faire une idée de l’efficacité clinique de ce vaccin sur ces deux variants. Les premières études sur l’efficacité de ce vaccin sur les variants Delta et Omicron sont néanmoins encourageantes. Elles montrent un effet «booster» des immunoglobulines anti-Delta et anti-Omicron après un schéma comportant deux doses associées à une troisième dose administrée à J217 (medRxiv non encore reviewé, 25 décembre 2021).
Bon pour le service !
Maintenant que presque toute la population française est vaccinée, il est intéressant de savoir si le profil des vaccinés-infectés est différent des patients non-vaccinés et infectés. En particulier, de savoir si les facteurs de risque ont changé.
C’est ce qu’a cherché à savoir une équipe de cliniciens aux États-Unis. Ils ont analysé les caractéristiques de 1.228.664 personnes vaccinées avec un schéma vaccinal complet, mais majoritairement sans «booster» (Morbidity and Mortality Weekly Report, 7 janvier 2022). Parmi elles, il y eut 2.246 cas de Covid-19 (18/10.000 vaccinés) dont 189 de formes sévères (1,5/10.000 vaccinés) et 36 décès (0,3/10.000).
Le principal facteur de risque apparaît bien d’être non-vacciné !