Covid-19 : la newsletter du Pr Adnet (N°7 - 23 juin)
Une 7e newsletter riche en données mondiales, avec une estimation des populations à risque à travers le monde et un essai de corrélation entre la pandémie et des données météorologiques. À lire aussi, la présentation d'un essai thérapeutique prometteur avec un anticorps monoclonal, une étude sur l'efficacité du port du masque aux USA, un point sur la susceptibilité génétique aux formes graves (le groupe sanguin O protège !) et un score prédictif de l’évolution défavorable de la maladie.
Depuis le 12 mars, le Pr Frédéric Adnet - professeur agrégé de Médecine d'Urgence, chef des Urgences de l’Hôpital Avicenne et du SAMU 93 - fait régulièrement le point sur le Covid-19.
Après 46 numéros d'une FAQ quotidienne, il propose désormais une newsletter hebdomadaire. Nous la reproduisons ici avec son aimable autorisation.
INDEX et liste des FAQ / Newsletters
NEWSLETTER N°7 (23 juin)
ÉPIDÉMIOLOGIE
Influence de l’humidité et de la température sur la pandémie
Des auteurs ont examiné l’influence du climat sur la répartition de la pandémie dans le monde (JAMA Network, 11 juin 2020). En comparant les villes et pays ayant été largement impactés par la pandémie entre novembre 2018 et mars 2019, les auteurs ont remarqué que les populations les plus affectées par cette pandémie se situaient dans une bande de largeur étroite définie par les latitudes comprises entre les 30e et 50e parallèles de l’hémisphère Nord.
- Dans cette bande les températures oscillent entre 5 et 11°C avec un degré d’humidité bas (3-6 g/kg).
- Ainsi le maximum de transmission surviendrait dans les régions tempérées et plutôt froides avec une faible humidité.
- Ces résultats vont dans le sens d’une saisonnalité du virus SARS-CoV-2.
Sur cette carte, on observe la distribution moyenne des températures mondiales entre novembre 2018 et mars 2019. Les villes les plus impactées par la pandémie COVID-19 lors de cette période sont concentrées dans la bande de couleur verte où les températures oscillent entre 5 et 11°C.
Où se trouvent les populations à risque de COVID-19 grave ?
Un travail s’est attaché à retrouver l’incidence des populations à risque de COVID-19 grave (patients nécessitant une hospitalisation) à travers le monde (JAMA, 15 juin 2020).
- Une personne à risque était définie comme une personne ayant au moins un facteur de risque (cardiopathie, insuffisance rénale, diabète, BPCO, obésité etc.) et une personne à «haut risque» comme un patient ayant une indication d’hospitalisation si elle était infectée.
- Ces incidences étaient déterminées par tranche d’âge et en fonction du sexe pour 188 pays.
- Les résultats montrèrent une estimation à 1,7 [1,0-2,4] milliards de personnes à risque de COVID-19 grave (22% de la population mondiale) et à 349 [186-787] millions de personnes à haut risque (4% de la population mondiale).
- Les hommes étaient associés à un «haut risque» avec une fréquence de 6% [3-12] et les femmes à 3% [2-7].
- Les régions les plus touchées étaient les régions où la population est plus âgée, les populations africaines où l’incidence du HIV est importante et les îles avec une forte prévalence de diabète.
On devrait tous porter un masque !
Des auteurs ont évalué l’influence de l’obligation du port de masque dans les lieux publics aux États-Unis.
- Les chercheurs ont analysé dans 15 états l’évolution du nombre de nouveaux cas dans des périodes de 5 jours après l’obligation de porter un masque dans les lieux publics comparée à une période de référence.
- Ils ont trouvé des décroissances significatives de nouveaux cas de COVID-19 avec une intensité de 0,9% ; 1,1% ; 1,4% ; 1,7% et 2,0% dans les périodes de 1-5 jours, 6-10 jours, 11-15 jours et 16-20 jours après la promulgation du décret (Health Affairs, 16 juin 2020).
- Ces mesures ont permis d’éviter entre 230.000 et 450.000 nouveaux cas de COVID-19.
[Merci au Dr. Axel Ellrodt]
RECHERCHE
Confirmation : le groupe sanguin O protège du COVID-19 grave !
On se doutait qu’il existait un déterminisme génétique pour développer les formes graves du COVID-19 et en particulier chez les sujets jeunes (<65 ans) et sans antécédents. Des équipes de généticiens ont effectué une recherche systématique pour savoir s’il existait des gènes associés aux formes graves du COVID-19 définis par les formes avec détresse respiratoire (NEJM, 17 juin 2020).
L’article est un peu ardu à lire (je me suis replongé dans la génétique à cette occasion !) ; je vais essayer d’être simple…
- Il faut savoir que 99,9% de l’ADN du génome entre deux humains est identique. Les 0,1% restant représentent la variabilité (polymorphisme) entre individus dont la forme la plus commune réside dans le SNP (Single Nucleotide Polymorphisme).
- C’est une variation qui concerne un seul nucléotide (et donc une seule paire de bases azotées).
- Ces variations sont associées à la diversité entre individus, à la différence de sensibilité à des maladies ou à la réponse individuelle aux médicaments.
- Dans ce travail, les généticiens ont passé en revue 8.582.968 polymorphismes de nucléotides (SNP) chez 1.610 patients COVID-19+ graves comparés à 2.205 patients témoins.
- Deux SNP ont été identifiés comme associés aux formes graves : le rs11385942 et le rs657152 (OR= 1,77 ; IC95%[1,48-2,11] et 1,32 ; IC95%[1,20-1,47] respectivement).
- Ces deux SNP correspondent à deux régions distinctes de nos chromosomes (locus 3p21.31 du chromosome 3 et locus 9q34.2 du chromosome 9). Les gènes de ces régions sont les SLC6A20, LZTFL1, CCR9, FYCO1, CXCR6 and XCR1 pour le 3p21.31 et le groupe ABO pour la région 9Q34.2.
- Les auteurs ont trouvé que l’allèle correspondant au rs11385942 était associé à une surexpression des gènes LZTFL1 et SLC6A20 dans le parenchyme pulmonaire.
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En étudiant le deuxième locus (groupe ABO), les auteurs retrouvèrent un sur- risque pour les porteurs du groupe sanguin A et un effet protecteur pour le groupe O.
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Ce résultat confirme la fiabilité de cette étude car cette association avait déjà été retrouvée dans des études cliniques.
CLINIQUE
Score prédictif des formes graves
Détecter précocement les patients COVID-19+ qui sont associés à une haute probabilité de développer une forme grave est une problématique importante pour l’orientation hospitalière des patients.
- Une équipe chinoise a développé un score prédictif basé sur une dizaine d’items : le score COVID-GRAM.
- Ce score a été construit à partir d’une banque de données de 1.590 patients provenant de 575 hôpitaux (JAMA Internal Medicine, 12 mai 2020). La validation interne a été obtenue avec une cohorte de 172 patients.
- Les variables sélectionnées étaient une radiographie anormale, la présence d’une hémoptysie, l’âge, la présence d’une dyspnée, la présence d’un trouble de la conscience, le nombre de comorbidités, la présence d’un cancer, le taux de lymphocytes, le LDH et la bilirubinémie.
- Ce sore est calculé rapidement sur un site internet.
Il ne manque plus qu’une validation externe !
TRAITEMENTS
Mavrilimumab
Les résultats d’un petit essai thérapeutique encourageant viennent d’être publiés (Lancet Rhumatology, 16 juin 2020). Les auteurs ont testé le mavrilimumab chez des patients COVID-19+ graves, avec pneumopathie et oxygèno-requérant qui avaient, de plus, des marqueurs de l’orage cytokinique (CRP ou LDH ou ferritine élevée). Les patients avec une ventilation mécanique étaient exclus de l’essai.
Le mavrilimumab est un anticorps monoclonal humain dirigé contre le récepteur α du facteur stimulant les colonies de macrophages, GM-CSF (Granulocyte Macrophage Colony Stimulating Factor). Il est utilisé dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde.
- Le groupe de patients traités (N=13) recevait 6 mg/kg du médicament en dose unique IV.
- Ce groupe était comparé à une cohorte contemporaine de patients ne recevant pas ce médicament (N=26).
- Le critère principal était le délai pour une amélioration clinique définie par une diminution de plus de 2 points d’un score allant de 0 (sorti vivant de l’hôpital) à 6 (décédé).
- Les résultats ont montré une amélioration clinique significativement plus rapide dans le groupe traité (8 jours vs. 19 jours).
- La mortalité était nulle dans le groupe traité alors qu’elle atteignait 27% dans le groupe contrôle.
- Résultats spectaculaires mais à prendre avec les réserves de sa méthodologie : un seul centre, pas de randomisation, pas d’aveugle donc encourageant mais à confirmer par un essai randomisé.
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