Covid-19 : la newsletter du Pr Adnet<br>(N°57 - 24 août)
Les vaccins 3e génération pourraient nous protéger contre tous les coronavirus. N'en déplaise aux antivax, ni la pression vaccinale ni les mesures de confinement ne favorisent les mutations du virus ! Des myocardites et péricardites probablement reliées à la vaccination. Anticoagulation préventive vs curative. Bonne nouvelle, une combinaison d’anticorps monoclonaux semble efficace en préventif. Remdesivir et Hydroxychloroquine, aucun effet sur l’évolution de la charge virale des patients...
Frédéric Adnet est professeur agrégé de Médecine d'Urgence et chef des Urgences de l’Hôpital Avicenne et du SAMU 93. À la fois chercheur et médecin, il fait régulièrement le point sur la Covid-19. Après 46 numéros d'une Foire Aux Questions (FAQ) quotidienne, il publie désormais une newsletter. Nous la reproduisons ici avec son aimable autorisation.
Sa FAQ a connu un succès phénoménal. À l'origine destinée aux professionnels de son service, elle est maintenant traduite en plusieurs langues. Dans son interview, Frédéric Adnet revient sur ce succès et explique son attachement à l'Evidence-based medicine.
Frédéric Adnet est également l'auteur de l'ouvrage Les Fantassins de la République - Urgence COVID, un printemps en enfer, paru en octobre 2020.
INDEX et liste des FAQ / Newsletters
NEWSLETTER N°57 (24 août 2021)
VACCINS
Vers un vaccin de troisième génération ?
De nouvelles épidémies dues aux coronavirus risquent de survenir car cette famille de virus, d’origine animale, pourrait de nouveau infecter les humains. Pour l’instant, nous avons connu trois épidémies de coronavirus échappés du réservoir animal et responsables d’une mortalité significative :
- le MERS-CoV (responsable du Middle East Respiratory Syndrom),
- le SARS-CoV-1 (responsable du Syndrome Respiratoire Aigu Sévère ou SRAS)
- et enfin notre célèbre SARS-CoV-2 (cf. newsletters n°30 et n°31).
Ces coronavirus sont du genre des betacoronavirus, et du sous-genre des sarbecovirus pour les SARS-CoV-1 et SARS-CoV-2. Cette famille de virus infecte couramment les chauve-souris ou les pangolins. Se pose donc la question de produire des vaccins «préventifs» ciblant l’ensemble de ces virus pour anticiper de nouvelles pandémies.
Des chercheurs ont constaté que les taux d’anticorps de patients ayant contracté le SARS-CoV-1 étaient toujours détectables 17 ans après la maladie. Ils ont voulu tester le pouvoir neutralisant d’un vaccin ARNm (Pfizer-BioNTech®) administré chez des patients ayant développé la maladie du SRAS, et donc ayant des anticorps contre le SARS-CoV-1 (NEJM, 18 août 2021).
En testant le sérum de ces patients vaccinés, les chercheurs ont eu la surprise de trouver un effet majeur et massif sur tous les coronavirus du sous-genre sarbecovirus, incluant même les virus strictement animaux. Cette découverte laisse entrevoir la possibilité d’une immunité croisée et forte par une vaccination ciblant par exemple le SARS-CoV-1 puis le SARS-CoV-2 (ou inversement).
Bref, cette recherche est prometteuse compte tenu de ces premiers résultats in vitro.
[Merci au Dr Axel Ellrodt]
Mutation et pression vaccinale
Nous appréhendons l’apparition et la diffusion d’un nouveau variant du coronavirus, avec une contagiosité et une virulence plus fortes que le variant «Delta» mondial. Nous pouvons ainsi nous demander si la vaccination ou les mesures de confinement sont susceptibles de favoriser ou de réduire la probabilité d’un tel scénario.
Des chercheurs ont comparé la fréquence des mutations mineures dans la souche du SARS-CoV-2 de type Delta, en fonction de la couverture vaccinale ou encore des mesures de confinement, et ce dans une vingtaine de pays (medRxiv non encore reviewé, 10 août 2021).
- Ils ont analysé ces génomes à partir de la base GISAID, qui répertorie toutes les mutations du SARS-CoV-2.
-
Le résultat de cette recherche va à l’encontre de certains discours «antivax» puisqu’il montre une corrélation négative entre la fréquence de mutations et la couverture vaccinale (ou la mise en place d’un un confinement strict).
-
Ces mesures, en diminuant la circulation virale, diminueraient la probabilité d’apparition d’un mutant plus agressif.
- Par contre, la mise en évidence d’un mutant dans la population vaccinée est prédictive de la diffusion de ce nouveau variant dans la population générale.
Corrélation entre la fréquence de mutation du variant Delta et la couverture vaccinale dans 20 pays : Australie (AUS), France (FRA), Allemagne (GER), Indonésie (IDA), Inde (IND), Irlande (IRL), Israël (ISR), Italie (ITA), Japon (JPN), Mexique (MEX), Pays-Bas (NED), Norvège ( NOR), Portugal (POR), Singapour (SGP), Espagne (ESP), Suisse (SUI), Suède (SWE), Turquie (TUR), États-Unis (USA)... and the Angleterre (UK).
La courbe (trait plein) représente une régression logistique avec son intervalle de confiance (lignes pointillées).
CLINIQUE
Myocardites post-vaccin : une très probable relation
On signale des atteintes inflammatoires myocardiques possiblement reliées à la vaccination contre la Covid-19. Des chercheurs ont voulu déterminer après la campagne de vaccination massive s’il y avait une augmentation de l’incidence des myocardites (ou des péricardites) qui pourrait être associée à ces vaccinations (JAMA, 04 août 2021).
-
Parmi les 2.000.287 patients vaccinés (en majorité par le vaccin à ARNm), les auteurs ont observé 20 myocardites (incidence 1/100.000, IC95%[0,61-1,54]) et 37 péricardites (incidence 1,8/100.000, IC95%[1,30-2,55]).
-
Ces effets indésirables sont probablement reliés aux vaccins puisque les auteurs ont observé une augmentation significative de l’incidence de ces maladies suite aux campagnes de vaccination.
- En effet, les incidences mensuelles des myocardites ou péricardites passaient respectivement de 16,9 à 27,3 et de 49,1 à 78,8 en période de vaccination.
-
Ces maladies avaient toutes une évolution favorable.
- Les myocardites étaient diagnostiquées en médiane 3,5 jours après l’administration du vaccin tandis que les péricardites étaient évoquées après 20 jours suivant l’injection du vaccin.
-
Les patients étaient plus jeunes dans le groupe «myocardite» (36 ans vs 59 ans).
TRAITEMENTS
Anticoagulants : on commence à y voir plus clair !
La Covid-19 semble associée à un risque accru de thromboses. Cette constatation a fait multiplier les protocoles d’anticoagulation, sans qu’aucun effet bénéfique ne se soit réellement dégagé, et ce malgré un nombre impressionnant de publications. Bref, la situation est confuse (cf. newsletters n°19, n°43, n°50 et n°53). Deux articles dans le New England Journal of Medicine permettent de se faire une idée un peu plus précise.
1- Le premier essai clinique propose de tester une anticoagulation curative (versus anticoagulation préventive) chez des patients Covid-19+ non réanimatoires (NEJM, 04 août 2021).
- Le critère d’évaluation principal était le nombre de jours sans support hémodynamique ou respiratoire (comptabilisé à J21) et la mortalité.
-
Cet essai pragmatique avec une méthodologie bayésienne a été interrompu devant un résultat d’efficacité net lorsque 2.219 patients ont été analysés.
- La probabilité pour que l’anticoagulation curative initiale augmente le nombre de jours sans support hémodynamique ou respiratoire était de 98,6% (aOR=1,27 ; ICr95%[1,03-1,58]).
- La mortalité dans le groupe intervention était de 7,3% comparé à 8,2% (probabilité d’un effet de l’anticoagulation = 87,1%).
- Le taux d’hémorragies graves était augmenté dans le groupe anticoagulation curative (1,9% vs 0,9%).
2- L’autre recherche comparaît aussi une anticoagulation curative et une prophylactique, mais elle s’intéressait quant à elle aux patients Covid-19+ réanimatoires (NEJM, 04 août 2021).
- La méthodologie était la même, ainsi que le critère d’évaluation principal.
-
L’étude s’est aussi arrêtée devant le manque d’efficacité du groupe intervention, les deux groupes ne différant pas après l’analyse de 1.098 patients.
- Le nombre médian de jours sans support était de 1 dans le groupe intervention et de 4 dans le groupe anticoagulation préventive (aOR=0,83 ; ICr95%[0,67-1,03]) soit une probabilité de futilité de 99,9%.
- Il n’y avait pas de différence de mortalité dans les deux groupes (37,3% vs. 35,5%).
Que penser ? Bon, les stratégies systématiques anticoagulation ne semblent pas jouer un rôle fondamental dans le pronostic des patients Covid-19+. Il apparaît que, contrairement à ce que l’on croyait, une stratégie d’anticoagulation curative pour les patients les moins graves serait plus efficace, au prix d’une augmentation du risque hémorragique. On va peut-être arrêter de s’exciter sur les protocoles d’anticoagulation systématique dans la Covid-19 !
Proportion de patients en fonction de la stratégie d’anticoagulation (préventive vs curative) rapportée au nombre de jours sans support hémodynamique ou ventilatoire. En haut (A), les patients Covid-19+ non réanimatoires et en bas (B) les patients Covid-19+ réanimatoires.
Combinaison d’anticorps monoclonaux : ça a l’air de fonctionner...
Nous avions annoncé les résultats préliminaires encourageants de l’association casirivimab et imdevimab (REGEN-COV®) dans les newsletters n°48 et n°54. Ce sont des anticorps monoclonaux anti-protéine S du SARS-CoV-2. Les résultats définitifs de l’étude d’un traitement préventif de cette combinaison d’anticorps chez des patients à haut risque définis comme des patients «contacts» avec une personne infectée dans la cellule familiale ont été publiés (NEJM, 04 août 2021).
- Les patients inclus n’étaient pas atteints de la Covid-19 au moment de la randomisation.
- Le groupe expérimental (N=753) recevait 1200mg de REGEN-COV® en injection sous-cutanée tandis que le groupe contrôle recevait le placebo (N=752).
-
Le nombre de maladies Covid-19 symptomatiques était significativement diminué dans le groupe recevant les anticorps monoclonaux (1,5% vs 7,8%), mesuré à J28 (schéma).
-
Parmi les patients Covid-19+ symptomatiques, le temps de guérison était significativement plus court dans le groupe traité (1,2 semaines vs 3,2 semaines).
-
En outre, la charge virale diminuait plus rapidement dans le groupe traité.
- Il n’y a pas eu d’effets secondaires notables dans cette étude.
Bon, il semble donc que la combinaison d’anticorps monoclonaux pour la prévention de la Covid-19 chez les patients à risque soit une stratégie valable.
Incidence de la Covid-19 symptomatique dans le groupe de patients traités par REGEN-COV® (trait rouge) comparée à celle dans le groupe placebo (trait bleu). On observe une diminution significative de cette incidence dans le groupe traité.
Remdesivir et Hydroxychloroquine, même combat !
On savait que ces deux médicaments n’avaient aucun effet sur la mortalité des patients Covid-19+ depuis la publication des résultats de l'étude SOLIDARITY (cf. newsletter n°24 et n°31). Pourtant, l’une de ces molécules est toujours soutenue par un grand laboratoire, et l’autre plutôt par les réseaux sociaux !
Le groupe de chercheurs de SOLIDARITY a publié, dans le même essai, les résultats de ces molécules sur les charges virales (Annals of Internal Medicine, 13 juillet 2021).
C’est sans surprise que ces deux molécules n’ont montré aucun effet sur l’évolution de la charge virale des patients inclus dans cette étude (181 résultats analysés). Ce n’est pas parce qu’une molécule est bon marché qu’elle est plus efficace !
À gauche : évolution de la charge virale entre des patients Covid-19+ traités par remdesivir et comparée au traitement standard (SoC).
À droite, évolution de la charge virale entre les patients traités par l’hydroxychloroquine (HCQ) et le traitement standard. Aucune différence significative n’est constatée.
Ne manquez pas les newsletters du Pr Adnet ! Retrouvez-nous sur LinkedIn et Facebook.
Vous êtes médecin ?
Pour recevoir une sélection de nos articles ou les commenter sur le site, il vous suffit de vous inscrire.