Covid-19 : la newsletter du Pr Adnet<br>(N°56 - 05 août)
Personnes vaccinées et infectées : qui sont-elles ? Que sait-on de leur charge virale ? Quel est le profil vaccinal des patients hospitalisés en France ? Quelle efficacité des vaccins contre le variant Delta ? Un point aussi sur l'ivermectine, avec la fameuse étude sur les hamsters, et d'autre part la très sérieuse revue Cochrane qui conclut à l’absence de preuve d’efficacité.
Frédéric Adnet est professeur agrégé de Médecine d'Urgence et chef des Urgences de l’Hôpital Avicenne et du SAMU 93. À la fois chercheur et médecin, il fait régulièrement le point sur la Covid-19. Après 46 numéros d'une Foire Aux Questions (FAQ) quotidienne, il publie désormais une newsletter. Nous la reproduisons ici avec son aimable autorisation.
Sa FAQ a connu un succès phénoménal. À l'origine destinée aux professionnels de son service, elle est maintenant traduite en plusieurs langues. Dans son interview, Frédéric Adnet revient sur ce succès et explique son attachement à l'Evidence-based medicine.
Frédéric Adnet est également l'auteur de l'ouvrage Les Fantassins de la République - Urgence COVID, un printemps en enfer, paru en octobre 2020.
INDEX et liste des FAQ / Newsletters
NEWSLETTER N°56 (05 août 2021)
VACCINS
Efficacité des vaccins contre le variant Delta
Une équipe de chercheurs anglais a fait le point sur l’efficacité dans la «vraie vie» des vaccins – soit à ARNm (BNT162b2 ou Pfizer-BioNTech®) soit vectorisés par un adénovirus (ChadOx1 nCoV-19 ou Astra-Zeneca®) – sur les patients présentant une Covid-19 symptomatique.
Ils ont suivi :
- 19.109 patients adultes Covid-19+ atteints du variant Alpha (B.1.1.7) ou Delta (B.1.167.2),
- une cohorte contrôle de 103.684 patients non vaccinés (NEJM, 21 juillet 2021).
Résultats :
- Il y a eu 7.313 (7,6%) patients Covid-19+ symptomatiques dans la cohorte des patients non vaccinés (groupe contrôle).
- Contre le variant Alpha, l’efficacité de la vaccination complète (deux doses) du vaccin Pfizer-BioNTEch® était de 93,7% (IC95%[91,6-95,3]). Celle du vaccin Astra-Zeneca® était de 74,5% (IC95%[68,4-79,4]).
- Contre le variant Delta, l’efficacité était un peu plus faible : 88,0% pour le Pfizer-BioNTech® et 67,0% pour l’Astra-Zeneca®.
- L’efficacité était beaucoup plus faible avec une vaccination incomplète (une seule dose).
Conclusion : l’efficacité des vaccins semble toujours importante contre les formes symptomatiques de la Covid-19.
Efficacité vaccinale pour les formes symptomatiques de la Covid-19 en fonction du nombre de doses pour le variant Alpha (carrés bleus) et pour le variant Delta (carrés violets).
Charge virale chez les vaccinés infectés
Nous savons qu’actuellement la vaccination protège essentiellement contre les formes graves de la Covid-19. La possibilité d’une contamination et d’une transmission semble réelle même chez les personnes complètement vaccinées mais avec une probabilité de survenue qui serait plus faible par rapport aux personnes non vaccinées.
Une équipe de chercheurs a étudié l’évolution de la charge virale chez les patients infectés et vaccinés (medRxiv non encore reviewé, 31 juillet 2021). Dans ce travail multicentrique et rétrospectif, les auteurs ont suivi :
- 71 patients infectés par le variant Delta (B.1.617.2) et vaccinés par le vaccin Pfizer-BioNTech®,
- 130 patients non vaccinés.
Les auteurs ont trouvé significativement moins de formes sévères (patients oxygèno-dépendants) chez les personnes vaccinées, comparé aux non vaccinées : 2% vs. 27% (aOR=0,07 ; IC95%[0,015-0,335]).
Les charges virales moyennes (Ct) initiales ne différaient pas entre les deux groupes (Ct=21,87 vs. 19,2) mais la décroissance de celles-ci était significativement plus rapide chez les personnes vaccinées (schéma).
Cette étude :
- va dans le sens d’une diminution de la sévérité de la maladie chez les patients vaccinés,
- révèle que chez ceux-ci le risque de transmission est possible, même s’il pourrait durer moins longtemps que chez les personnes non vaccinées.
Évolution de la charge virale chez des patients infectés par le variant Delta en fonction du statut vaccinal (vert : vaccinés / rouge : non vaccinés).
On observe une décroissance significativement plus rapide de la charge virale chez les patients vaccinés.
Patients vaccinés infectés : qui sont-ils ?
Nous savons que la probabilité que des patients vaccinés développent une Covid-19 sévère est beaucoup plus faible par rapport aux personnes non vaccinées (l’efficacité du vaccin n’atteint pas les 100%). Une étude multicentrique israélienne a pu faire le portrait de ces patients (vaccinés-infectés), dans une étude de cohorte portant sur 17 hôpitaux (Clinical Microbiology and Infection, 7 juillet 2021).
- Les auteurs ont rassemblé une série de 152 patients vaccinés par le vaccin à ARNm Pfizer-BioNTech® et infectés.
- Ces patients (âge moyen 71 ans, 70% d’hommes) se caractérisaient par une présence très fréquente d’au moins une comorbidité (96% des patients !).
- Ces comorbidités (diabète, HTA, insuffisance cardiaque, obésité, insuffisance rénale, BPCO, cancer) avaient une incidence plus élevée comparée à celle des cohortes de patients Covid-19+ non vaccinés.
- 40% de ces patients présentaient une immunodépression.
- 38 patients (25%) ont évolué vers une forme sévère (ventilation mécanique ou décès). Il y eu 34 décès (22%).
- Un charge virale importante, un taux d’anticorps bas et une immunodépression sont apparus comme des facteurs de risque pour une évolution défavorable (ventilation mécanique ou décès).
Cette étude nous apprend que, parmi cette minorité de patients complètement vaccinés et infectés qui développent la maladie, il y a surtout des patients à très haut risque de forme sévère.
Taux d’anticorps anti-S du SARS-CoV-2 en fonction de l’évolution défavorable (bleu) ou favorable (rouge) d’une cohorte de patients vaccinés et malades de la Covid-19. Les enveloppes représentent les effectifs dans les deux groupes.
Un taux bas semble associé à une évolution défavorable sans que la différence n’atteigne la significativité (évolution défavorable = décès ou ventilation mécanique).
CLINIQUE
Profil des patients Covid-19 hospitalisés en France
Une enquête de la DREES (Direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques) réalisée du 31 mai au 11 juillet 2021 a pu déterminer le profil des patients Covid-19+ hospitalisés dans des unités conventionnelles (N=6.700) ou en réanimation (N=1.700), en fonction de leur statut vaccinal (DREES, 11 juillet 2021).
Grâce à l’appariement de trois bases de données (SIVIC, SIDEP, VACSI), les auteurs ont identifié des patients hospitalisés ayant effectué un test RT-PCR 21 jours avant l’hospitalisation et 21 jours après celle-ci.
Résultats :
- Il y eut 900 décès pendant la période d’observation.
- Parmi les patients hospitalisés :
- les patients non vaccinés représentaient près de 85% (deux fois plus que la population générale).
- les patients ayant une couverture vaccinale complète représentaient 7% (la couverture était d’environ 35% dans la population générale durant cette période d’observation, soit cinq fois plus).
- 78% des décès à l’hôpital de patients Covid-19+ concernaient des personnes non vaccinées, alors que 11% concernaient des personnes complètement vaccinées.
- Parmi les personnes entrant en réanimation, durant la semaine du 5 au 11 juillet, le ratio était d'environ, en moyenne, de 15 non vaccinées contre une seule complètement vaccinée.
Il faut donc se faire vacciner !
Pourcentage des hospitalisations de patients Covid-19+ en fonction du statut vaccinal.
Bleu : non vaccinés (personnes n’ayant jamais reçu d’injection de vaccin contre le SARS-Cov-2 ou primo dose récente.
Orange : personnes ayant reçu une première dose depuis 14 jours ou moins, primo dose efficace.
Gris : personnes ayant reçu une première dose depuis plus de 14 jours ou ayant reçu une deuxième dose depuis 7 jours ou moins.
Jaune : vaccination complète (personnes ayant reçu une deuxième dose depuis plus de 7 jours).
Les pourcentages sont donnés par tranche d’âge (10 ans).
Les rectangles représentent les pourcentages de patients hospitalisés, les courbes représentent le pourcentage des patients en fonction du statut vaccinal dans la population générale.
On constate que le pourcentage de patients vaccinés hospitalisés est très inférieur au pourcentage de ces patients vaccinés dans la population générale.
TRAITEMENTS
Ivermectine : le consensus
Nous savons que l’ivermectine est une molécule antiparasitaire, qui a été proposée dans le traitement de la Covid-19 à cause d’un effet antiviral démontré in vitro. Les études cliniques ne permettent pas de conclure (cf. newsletters n°37 et n°42), mais cette molécule fait toujours débat. Une revue Cochrane (qui est LA référence en termes de consensus scientifique) s’est intéressée à cette problématique (Cochrane Library, 28 juillet 2021).
- Les auteurs ont examiné 14 essais éligibles, rassemblant au total 1.678 patients.
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Ils ont conclu à l’absence de preuve d’efficacité de l’ivermectine, évaluée à 28 jours de l’inclusion des patients, sur :
- la mortalité (RR=0,60 ; IC95%[0,14-2,51]),
- l’aggravation clinique (RR=0,55 ; IC95%[0,11-2,59]),
- la diminution de la charge virale (RR=1,82 ; IC95%[0,51-6,48]),
que ce soit pour des patients hospitalisés ou ambulatoires, en traitement curatif ou en préventif.
Les auteurs ont insisté sur le fait que la littérature existante conduit à de très faibles niveaux de preuves. Enfin, cette conférence espère que les études en cours pourront répondre à la question de l’efficacité – ou non ! – de cette molécule.
En conclusion, cette revue ne conseillait pas l’utilisation de l’ivermectine pour le traitement ou la prévention de la Covid-19 en dehors d’essais cliniques de haute qualité.
Ivermectine et hamsters femelles
L’ivermectine pourrait avoir un intérêt dans un modèle animal de hamsters infectés par le SARS-CoV-2. Un article en provenance de l’institut Pasteur de Lille vient d’annoncer (un peu bruyamment) des résultats encourageants (EMBO Molecular Medicine, 12 juillet 2021). Après avoir infecté nos pauvres hamsters avec le SARS-CoV-2 par voie nasale, les animaux ont reçu en même temps soit 400 µg/kg d’ivermectine par voie sous-cutané (N=18) soit un placebo (N=18).
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Les auteurs ont observé une baisse significative de l’incidence d’anosmie chez les animaux traités : 22% vs. 67%. Cette baisse était plus marquée chez les hamsters femelles.
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Il n’y avait pas de différence entre les animaux traités et non traités concernant la charge virale, ou la perte de poids.
- Par contre, la réponse inflammatoire de l’épithélium pulmonaire semblait être atténuée chez les hamsters traités, avec une baisse du rapport IL-6/IL-10.
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Les auteurs ont conclu en un effet positif de l’ivermectine comme modulateur inflammatoire mais sans effet sur la réplication virale.
Qu’en penser ?
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Ce sont des expérimentations animales, avec un très faible effectif et une dispersion des valeurs importantes (voir schéma). L’analyse par sexe pose le problème de sa pertinence.
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Les auteurs ne précisent pas si l’évaluation a été faite en aveugle du traitement administré.
- Il faut noter que cette étude est apparue le 20 novembre 2020 sur le site bioRxiv, et publiée seulement le 12 juillet 2021. Ceci indique que l’article a dû avoir du mal à trouver preneur dans sa version initiale. Il est à noter aussi que la définition du score clinique diffère entre les deux versions.
Bref, s’il existe un signal, il semble être de faible intensité. Mais ces résultats doivent permettre de poursuivre des études en recherche clinique (plusieurs essais sont en cours).
Évolution clinique quantifiée par un score en 4 points (animal ébouriffé, diminution des mouvements, apathie, absence d’activité d’exploration de l’animal).
Le test d’olfaction consiste à chronométrer le temps mis par l’animal pour trouver sa nourriture enfouie dans la cage.
En bleu, les hamsters sous placebo. En rouge, les hamsters traités par ivermectine.
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