Frédéric Adnet est professeur agrégé de Médecine d'Urgence et chef des Urgences de l’Hôpital Avicenne et du SAMU 93. À la fois chercheur et médecin, il fait régulièrement le point sur la Covid-19. Après 46 numéros d'une Foire Aux Questions (FAQ) quotidienne, il publie désormais une newsletter hebdomadaire. Nous la reproduisons ici avec son aimable autorisation.
Sa FAQ a connu un succès phénoménal. À l'origine destinée aux professionnels de son service, elle est maintenant traduite en plusieurs langues. Dans son interview, Frédéric Adnet revient sur ce succès et explique son attachement à l'Evidence-based medicine.
Frédéric Adnet est également l'auteur de l'ouvrage Les Fantassins de la République - Urgence COVID, un printemps en enfer, paru en octobre 2020.
INDEX et liste des FAQ / Newsletters
Il existe une certaine confusion avec les noms des variants du SARS-CoV-2. Par exemple le variant apparu en Angleterre peut être appelé :
L’OMS a donc décidé d’ajouter une nouvelle classification, censée tout simplifier. Tous les variants ayant un impact potentiel en termes de santé publique seront désignés selon la suite logique «Alpha, Béta, Gamma...» (Santé Publique France, 4 juin 2021). Le variant anglais est ainsi baptisé «Alpha», le sud-africain «Béta», le brésilien «Gamma» et l’indien «Delta».
Espérons que les 24 lettres de l’alphabet grec suffiront !
Le bamlanivimab, anticorps monoclonal reconnaissant la protéine S du SARS-CoV-2 de la souche « historique », avait reçu une autorisation d’utilisation conditionnelle sur la base d’effets positifs communiqués par le laboratoire.
Récemment, face au danger de sélectionner des variants avec une administration en monothérapie et en raison de son inefficacité contre les variants (en particulier le variant indien), l’autorisation a été donnée seulement pour l’association bamlanivimab et etesevimab pour des patients au début de leur maladie Covid-19 et à haut risque d’aggravation (cf. newsletters n°38, n°41, n°43 et n°45).
Les résultats de la principale étude sur le bamlanivimab viennent d’être publiés dans le JAMA (JAMA, 3 juin 2021). Dans un essai randomisé, en double aveugle, les auteurs ont inclus des soignants et résidents de dispensaires de soins où il existait au moins un cas de Covid-19 au sein de l’établissement. Il s’agissait de tester l’efficacité d’un traitement préventif grâce à cet anticorps.
Qu’en penser ?
Cette étude réunit les standards des hauts niveaux de preuve. On ne peut s’empêcher de la comparer aux études qui ne montraient qu’un effet plutôt faible des anticorps monoclonaux du même type (cf. newsletter n°34). Un rôle dans la prévention ? C’est ce que proposent nos autorités sanitaires en accordant une autorisation mais seulement en association.
En tous les cas, ce n’est pas le médicament miracle !
La sérothérapie consiste à administrer du sérum de patients convalescents de la Covid-19 qui contient des anticorps naturels contre cette maladie. Au début de la pandémie cette technique avait suscité des espoirs dans des petites séries non contrôlées, mais les études comparatives ont été en général très décevantes (cf. newsletters n°5, n°16, n°30 et n°42). Les résultats de l’essai RECOVERY vont dans le même sens (Lancet, 14 mai 2021).
Hé bien… Aucune différence !
Bon, je crois que nous avons assez de niveaux de preuve pour enterrer cette approche…
Il est maintenant établi que, chez les malades Covid-19+ avec une pneumopathie oxygéno-requérante, l’administration de la dexaméthasone – un corticoïde puissant – avait permis de faire baisser significativement la mortalité (cf. newsletters n°8 et n°21).
C’est même le seul médicament dont on est à peu près sûr qu’il soit efficace. Mais est-ce le bon corticoïde ? Des chercheurs iraniens ont comparé dans un essai randomisé la dexaméthasone avec la méthylprednisolone (un autre corticoïde) chez des patients Covid-19+ hospitalisés (BMC Infectious Diseases, 10 avril 2021).
Que penser ?
Méthodologie correcte mais avec un effectif ultra-faible et monocentrique.
L’effet paraît tellement spectaculaire qu’il doit nécessiter une étude plus ambitieuse pour changer nos habitudes !
La Covid-19 serait associée à un risque thromboembolique élevé. Dès les premiers malades, les protocoles thérapeutiques ont logiquement et largement intégré des traitements anticoagulants préventifs, renforcés ou curatifs chez les patients hospitalisés.
Certains protocoles ont même intégré même une anticoagulation préventive en ambulatoire chez les patients Covid-19+ avec facteurs de risque. Nous avons vu que les résultats semblent mitigés en ce qui concerne l’anticoagulation préventive dans ce contexte précis (cf.newsletters n°19, n°43, et n°50). Une large étude multicentrique sur registres semble remettre les pendules à l’heure (Crit Care Med, 1er juin 2021).
Le message semble clair : il faut réserver l’anticoagulation à ceux qui en ont vraiment besoin (les patients les plus graves ou ceux ayant une preuve de maladie thromboembolique).
Plusieurs hypothèses ont été avancées quant au rôle protecteur de la vitamine D contre la Covid-19 (cf. newsletter n°19, n°30 et n°40). Des auteurs ont analysé rétrospectivement une population de patients ayant eu un dosage du taux sanguin de vitamine D (N=18.148) et ont pu mesurer l’incidence de la Covid-19 en fonction de ce taux (JAMA Network Open, 19 mai 2021).
Une autre approche statistique, utilisant un score de propension, n’a pas non plus isolé le faible taux de vitamine D comme étant associé de manière indépendante à la survenue de la maladie.
Bon, la vitamine D contre la Covid-19… On abandonne !
Nous avons vu que le traitement par l’aspirine avait suscité quelques espoirs (cf. newsletters n°40 et n°48). Hé bien c’est raté ! Les auteurs de RECOVERY annoncent que l’essai randomisé s’est avéré négatif (communiqué de presse, 8 juin 2021).
Au suivant !