Covid-19 : la newsletter du Pr Adnet (N°50 - 04 mai)

Variant indien : sa progression n'est pas fulgurante, il semble sensible à l'immunité acquise. Bonne nouvelle pour les convalescents vaccinés, particulièrement protégés. Vaccins toujours : les versions ARNm fonctionnent bien chez les personnes âgées. Vaccins encore : causent-ils des paralysies faciales ? Surpoids et pronostic, un seuil de sur-risque ramené à 23 kg/m2. Anticoagulants : dose «efficace» ou «préventive» ? Mais aussi quelques nouvelles de nos amies les mouches...


Frédéric Adnet est professeur agrégé de Médecine d'Urgence et chef des Urgences de l’Hôpital Avicenne et du SAMU 93. À la fois chercheur et médecin, il fait régulièrement le point sur la Covid-19. Après 46 numéros d'une Foire Aux Questions (FAQ) quotidienne, il publie désormais une newsletter hebdomadaire. Nous la reproduisons ici avec son aimable autorisation. 

Sa FAQ a connu un succès phénoménal. À l'origine destinée aux professionnels de son service, elle est maintenant traduite en plusieurs langues. Dans son interview, Frédéric Adnet revient sur ce succès et explique son attachement à l'Evidence-based medicine. 

Frédéric Adnet est également l'auteur de l'ouvrage Les Fantassins de la République - Urgence COVID, un printemps en enfer, paru en octobre 2020.


INDEX et liste des FAQ / Newsletters


NEWSLETTER N°50 (04 mai 2021)



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ÉPIDÉMIOLOGIE



Les mouches, vecteurs du SARS-CoV-2 ?

Plus rigolo que réellement inquiétant, des chercheurs ont montré que les simples mouches pouvaient déposer du virus autour d’elles ! On sait que la transmission du SARS- CoV-2 est majoritairement due à la voie aérienne soit par postillons soit par aérosol. La transmission par surfaces infectées est beaucoup moins documentée bien que l’on sache que le virus peut rester vivant plusieurs heures sur une variété de surfaces (fomites). 

Voici une curieuse expérience qu’ont tenté des chercheurs en mettant en contact des mouches pendant 24 heures avec du lait infesté de SARS-CoV-2 (Parasites & Vectors, 20 avril 2021). Les chercheurs ont examiné les mouches et constaté qu’elles pouvaient s’enduire de virus, car toutes les mouches analysées portaient de l’ARN viral et même du virus vivant infectieux. 

Dans une seconde expérience, les mouches exposées au SARS-CoV-2 étaient placées dans un nouveau récipient cylindrique tout propre pendant 4 ou 24 heures. L’analyse (PCR et cultures virales) des parois relevait la présence de l’ARN du SARS-CoV-2 mais pas de virus vivant infectieux. 


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À gauche : on fait incuber des mouches au contact de lait rempli de virus SARS-CoV-2. Ces mouches s’enduisent de virus mis en évidence par culture et PCR.
À droite : les mouches porteuses sont ensuite mises dans un récipient «propre». L’analyse des parois révèle la présence d’ARN viral mais pas de virus vivant infectieux.



La preuve est donc faite que les mouches peuvent transporter le virus mais la contamination du milieu extérieur semble très faible voire anecdotique pour représenter un danger de transmission vers l’humain. Ouf ! 

[Merci au Dr Axel Ellrodt]


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VACCINS



Méga-super immunité chez les convalescents vaccinés !

Recette inattendue pour acquérir une super immunité contre tous les variants connus : avoir été infecté par le SARS-CoV-2 de la souche historique (première vague) et se faire vacciner ensuite par un vaccin ARNm ! C’est ce qu’ont découvert des chercheurs et relaté dans un article de la célèbre revue Science (Science, 30 avril 2021). 

Nous avions vu que la réponse immunitaire était «boostée» après une première dose de vaccin chez des patients convalescents du SARS-CoV-2 (cf. newsletters n°38 et n°42). Des chercheurs ont testé l’immunité humorale et cellulaire médiée par les lymphocytes T et B de patients vaccinés par une dose du vaccin ARNm Pfizer-BioNTech®. Ils ont comparé la réponse immunitaire en fonction d’un antécédent d’infection au SARS-CoV-2 de la souche historique provenant de la première vague. 

Pour aboutir à ce résultat, les auteurs ont effectué un suivi de cohortes :

Résultats :

Bref, le vaccin chez les patients convalescents confère une immunité qui semble très robuste contre les variants actuellement répandus et c’est la confirmation qu’une dose suffit !



Paralysies faciales : effets indésirables des vaccins ARNm ?

Souvenez-vous… On avait soupçonné que quelques paralysies faciales survenues au cours des phases III des essais sur les vaccins ARNm (Pfizer-BioNTech® et Moderna®) étaient des effets indésirables de la vaccination (cf. newsletter n°33). 

Une équipe française, en utilisant les données de pharmacovigilance issues de l’OMS, a pu comparer la fréquence de cette pathologie entre les patients inclus dans les essais du vaccin ARNm et la population vaccinée avec un autre vaccin ou vaccinée spécifiquement contre la grippe (JAMA Internal Medicine, 27 avril 2021). Ils ont utilisé un modèle bayésien de comparaison. 

Conclusion des auteurs : la survenue d’une paralysie faciale n’apparaît pas être un effet secondaire et rattachée spécifiquement aux vaccins ARNm contre la Covid-19, quelque soit sa définition, par rapport à une population vaccinée contre un autre virus.

Bon, nous sommes rassurés et rappelons-nous tout de même que cette pathologie est le plus souvent réversible… 

[Merci au Dr Jean-Luc Cracowski]



Vaccin chez les personnes âgées : moins efficace ?

On se demandait si le vaccin chez les personnes âgées conservait son efficacité. Nous sommes rassurés par une enquête «dans la vraie vie» grâce à des patients hospitalisés et vaccinés par un vaccin à ARNm (Morbidity and Mortality Weekly Report, 28 avril 2021).

- 19 (10%) avaient reçu au moins 1 dose du vaccin plus de 14 jours avant le début de la maladie,
- 18 étaient partiellement vaccinés (une dose),
- 1 était entièrement vacciné (deux doses).

- 62 (27%) étaient vaccinés : 44 partiellement (une dose) et 18 entièrement (deux doses). 

L’efficacité a été ainsi calculée à 94% (IC95%[49-99]). Elle est donc comparable aux résultats annoncés en phase III de ces vaccins. 

Donc tout va bien !

 

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RECHERCHE



Variant indien : pas si méchant que ça ?

Le variant indien (B.1.617, cf. newsletter n°49) n’est pas responsable de l’explosion épidémique que vit l’Inde aujourd’hui puisque c’est le variant anglais (B.1.1.7 ou 20I/501Y.V1) qui est toujours largement majoritaire. La progression du B.1.617 ne semble pas fulgurante : il représente environ 15 à 20% des échantillons testés en Inde (Santé Publique France, 29 avril 2021). D’autre part, il est sensible à l’immunité acquise ! 

Des chercheurs (bioRxiv non encore reviewé, 29 avril 2021) ont expérimenté le pouvoir neutralisant des anticorps anti-Covid-19 provenant :

Ouf ! Le pouvoir neutralisant des patients vaccinés ou des patients convalescents était significatif : les titres moyens de neutralisation (GMT) étaient équivalents : 88,48 (IC95%[62,02-126,2) pour le sérum des patients vaccinés et 86,85 (IC95%[52,04-144,9]) pour les sérums des patients convalescents. Lorsque l’on comparait ces sérums (convalescents ou vaccinés) aux sérums de patients convalescents du variant indien, les pouvoirs de neutralisation étaient comparables.

Nous sommes un peu rassurés mais à surveiller quand même, en tous les cas il faut limiter l’hystérie médiatique autour de ce variant ! 

[Merci au Dr Michel Baer]
 



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CLINIQUE



Surpoids et pronostic : nouveaux seuils !

On considère que l’obésité est un facteur de risque pour la Covid-19 grave et de sa mortalité. Le seuil communément admis était un BMI > 30 kg/m2. Dans un travail observationnel et prospectif des chercheurs ont pu déterminer le risque d’être hospitalisé en réanimation et le risque de mortalité chez des patients Covid-19+ en fonction de leur BMI (Lancet Diabetes Endocrinol, 28 avril 2021). 

Bon je viens de calculer mon BMI… 24,53. Mince !

 



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TRAITEMENTS



Anticoagulation : toujours le flou sur le mode d’emploi !

 On sait que la Covid-19 est associée à un risque accru d’accidents thrombotiques (embolies pulmonaires, thrombose de la microcirculation), probablement lié à des phénomènes inflammatoires (cf.newsletter n°3). Néanmoins les modalités pratiques d‘un traitement anticoagulant ne sont toujours pas clairement établies (cf. newsletter n°43). On hésite toujours entre anticoagulation «efficace» ou «préventive». 

Dans cet essai clinique (JAMA, 18 mars 2021), les auteurs ont testé une modalité intermédiaire dit de «dose intermédiaire» qui se situe entre une stratégie préventive et un traitement anticoagulant efficace chez des patients atteints de Covid-19 graves hospitalisés en réanimation.
 

Bref on n’avance pas dans les modalités de l’anticoagulation systématique des patients atteints de la Covid-19 grave !



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