Covid-19 : la newsletter du Pr Adnet (N°5 - 09 juin)
Cette semaine, le Pr Adnet nous propose un point sur la performance diagnostique aux urgences (quels éléments sont les plus performants ?), deux articles sur le risque élevé d'embolies pulmonaires et une étude sur l'efficacité de la VNI. Côté traitements, focus sur la sérothérapie (administration de plasma de patients convalescents) et un nouvel épisode de «Faut-il donner de l'hydroxychloroquine en préventif ?».
Depuis le 12 mars, le Pr Frédéric Adnet - professeur agrégé de Médecine d'Urgence, chef des Urgences de l’Hôpital Avicenne et du SAMU 93 - fait régulièrement le point sur le Covid-19.
Après 46 numéros d'une FAQ quotidienne, il propose désormais une newsletter hebdomadaire. Nous la reproduisons ici avec son aimable autorisation.
INDEX et liste des FAQ / Newsletters
NEWSLETTER N°5 (09 juin)
ÉPIDÉMIOLOGIE
Performance diagnostique aux urgences
Une équipe française a cherché les éléments pouvant avoir une performance diagnostique pour le COVID-19, dans une étude observationnelle prospective monocentrique (Annals of Emergency Medicine, sous presse).
- Ils ont inclus 391 patients dont 225 étaient COVID-19 confirmés.
- La probabilité clinique de diagnostic du COVID-19 était basée sur l’examen physique, la réalisation d‘une échographie thoracique et d’une radio thoracique.
- Les éléments les plus performants pour le diagnostic positif étaient la présence de lignes B bilatérales à l’échographie thoracique associée à une anosmie avec un rapport de vraisemblance positif de 7,58 (ce qui signifie que ces signes sont 7,58 fois plus présents lorsque la personne est malade par rapport à une personne non malade).
- L’absence de ces signes est associée à un rapport de vraisemblance négatif de 0,33 (ce qui signifie que l’absence de ces signes est 3 fois plus présente lorsque le patient n’est pas malade par rapport à un patient malade).
CLINIQUE
Importance de la maladie thromboembolique
On sait que la réaction inflammatoire du COVID-19 entraine une hyper-coagulabilité et expose ainsi le patient à des risques d’accidents thromboemboliques. Deux articles récents soulignent ce risque très important.
- Le premier rapporte une série de 34 patients consécutifs COVID-19+ graves ventilés mécaniquement (JAMA Network, 29 mai 2020).
- Une thrombose profonde a été retrouvée chez 27 patients (79%).
- Parmi ceux-ci 18 (53%) avaient une thrombose bilatérale des membres inférieurs et 9 (26%) une thrombose proximale.
- Un autre article rapporte des autopsies de morts subites inexpliquées chez des patients COVID-19 suspects (European Journal of Heart Failure, sous presse).
- Les auteurs ont comparé 64 patients COVID-19 suspects à un groupe contrôle (N=70) de patients victimes d’une mort subite inexpliquée.
- Les résultats ont montré 15 embolies pulmonaires proximales (17%) dans le groupe COVID-19 alors qu’il y en avait que 5 (7%) dans le groupe contrôle.
- Le taux de thrombose des membres inférieurs était aussi plus important dans le groupe COVID-19 suspect.
- Au total, la hausse des arrêts cardiaques inexpliqués retrouvés pendant la pandémie pourrait être expliquée par une fréquence plus importante d’embolies pulmonaires.
TRAITEMENTS
Ventilation non invasive
Au début de l’épidémie, les patients présentant une insuffisance respiratoire aigüe étaient rapidement intubés. L’indication d’une ventilation non invasive (VNI) ou de l’oxygène à haut débit n’était pas encouragée du fait d’un risque théorique de diffusion du virus par aérosol.
Progressivement, devant la mortalité des patients intubés (près de 50%), les recommandations ont changé et les techniques non invasives ont été de nouveau encouragées pour éviter l’intubation. Dans une étude monocentrique rétrospective, des auteurs français ont comparé deux groupes de patients dans une méthodologie de type «avant-après» (European Respiratory Journal, sous presse).
- Dans le groupe «historique» (11 mars - 23 mars ; N=14), les patients ne bénéficiaient pas de VNI.
- Dans la groupe «après» (24 mars - 8 avril ; N=38), les patients bénéficiaient d’une VNI en mode CPAP avant une éventuelle intubation.
- Résultats : il existait une baisse significative du critère composite «décès ou intubation» dans le groupe «après» bénéficiant de la CPAP.
- Ce résultat va dans le sens de l’utilisation d’une ventilation non invasive afin de passer un «cap» pour retarder au maximum l’intubation.
- Résultats encourageants mais étude associée à un faible niveau de preuve, et monocentrique.
À ce sujet... VNI : casque vs masque
Sérothérapie : fin de partie ?
Le traitement des patients COVID-19+ avec une forme grave par l’administration de plasma de patients convalescents avait suscité beaucoup d’espoirs. Il y a eu plusieurs publications décrivant des succès en petits nombres puis quelques séries comparatives avec des résultats contrastés. Les résultats préliminaires (l’étude a été stoppée avant la fin du recrutement par défaut de malades) d’une étude chinoise multicentrique randomisée viennent d’être publiés (JAMA, 3 juin 2020).
- 103 malades ont été inclus sur les 200 initialement prévus.
- Un groupe bénéficiait d’une administration de plasma (N=52) et l’autre groupe n’avait que les soins standards (N=51).
- Le critère principal de jugement était une baisse de plus de 2 points d’un score clinique comportant 6 points et qui variait de 1 (sorti de l’hôpital) à 6 (décès).
- Ce critère était atteint chez 52% des patients du groupe plasma vs 43% dans le groupe contrôle. Cette différence n’atteignait pas la significativité.
- La mortalité à 28 jours n’était pas non plus significativement différente (16% dans le groupe traité vs 24%).
- Une analyse en sous-groupes a montré que les patients requérant une oxygénation non invasive constituaient le sous-groupe qui pouvait avoir un avantage par l’administration de ce traitement.
- Il est ici encore difficile de conclure puisque l’étude a été conçue pour inclure 200 patients. Les différences observées, non négligeables, auraient pu avoir un vrai impact significatif avec la puissance initialement prévue par le plan d’analyse statistique.
Prophylaxie : suite de la saga hydroxychloroquine
Dans un essai randomisé, en double aveugle, réalisé au Canada, les auteurs ont comparé un traitement préventif à base d’hydroxychloroquine (800 mg puis 600 mg après 6-8 heures, puis 600 mg/j pendant 4 jours) vs. placebo chez des personnes exposées au SARSCoV-2 (NEJM, 3 juin 2020).
- Ces personnes devaient être en contact avec des malades confirmés à moins de 2 mètres et plus de 10 minutes sans tenue de protection.
- Le critère d’évaluation était la survenue de signes cliniques du COVID-19 ou d’une PCR positive dans les 14 jours après exposition.
- Dans cette étude, 821 patients ont été inclus. Parmi eux 245 ont déclaré être exposés dans le cadre de la cellule familiale, 545 comme soignants et 31dans le cadre professionnel.
- Seuls moins de 3% des patients dans chaque groupe ont eu une confirmation de la maladie COVID-19.
- Le résultat a montré qu’il n’y a pas de différence significative de la survenue de la maladie entre le groupe traité 12% (49/414) et le groupe placebo 14% (58/407).
- Il y a eu 2 hospitalisations et aucun décès.
- Il y a eu plus d’effets indésirables mineurs dans le groupe traité.
- Essai bien conduit réunissant tous les critères du haut niveau de preuve.
- Les limites résident dans le peu de diagnostics certains dans les deux groupes, et la nature déclarative des expositions au virus.
- Néanmoins, Il semble clair que l’hydroxychloroquine n’a aucune action préventive sur la survenue du COVID-19 chez les personnes à risque.
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