Frédéric Adnet est professeur agrégé de Médecine d'Urgence et chef des Urgences de l’Hôpital Avicenne et du SAMU 93. À la fois chercheur et médecin, il fait régulièrement le point sur la Covid-19. Après 46 numéros d'une Foire Aux Questions (FAQ) quotidienne, il publie désormais une newsletter hebdomadaire. Nous la reproduisons ici avec son aimable autorisation.
Sa FAQ a connu un succès phénoménal. À l'origine destinée aux professionnels de son service, elle est maintenant traduite en plusieurs langues. Dans son interview, Frédéric Adnet revient sur ce succès et explique son attachement à l'Evidence-based medicine.
Frédéric Adnet est également l'auteur de l'ouvrage Les Fantassins de la République - Urgence COVID, un printemps en enfer, paru en octobre 2020.
INDEX et liste des FAQ / Newsletters
Les parturientes avaient été exclues des phases III pour la validation des différents vaccins. Nous savons par ailleurs que la Covid-19 chez les parturientes étant beaucoup plus sévère, ces femmes auraient un bénéfice important à se faire vacciner (cf. newsletter n°45). Les premiers résultats sur la sécurité de la vaccination chez les parturientes sont tombés. Un registre américain a recensé 3.958 parturientes qui ont été vaccinées avec un vaccin à ARNm (NEJM, 21 avril 2021). Globalement les effets secondaires étaient moins fréquents (à part la douleur au site d’injection) que pour la population générale.
Au total, la vaccination par vaccin à ARNm paraît sûre chez les parturientes et ceci devrait lever les derniers doutes qui subsistaient.
Nous avons vu que la vaccination était efficace chez les soignants (cf. newsletter n°45) mais il manquait une grande étude systématique. C’est fait avec un article du Lancet : les auteurs ont suivi une cohorte de 23.324 soignants de 104 hôpitaux en Angleterre et en Irlande (Lancet, 23 avril 2021).
Ainsi, la vaccination semble protéger les soignants des formes symptomatiques et asymptomatiques de la Covid-19. Sachant que la grande majorité des infections était due au variant anglais B.1.1.7, nous pouvons être rassurés en France !
Nous vous avions présenté les résultats de la phase III du vaccin Janssen® (Johnson & Johnson®) dans la newsletter n°43. Ils sont maintenant officiellement publiés dans le New England Journal of Medicine (NEJM, 21 avril 2021).
Pour rappel, il s’agit d’un vaccin à adénovirus qui nécessite une seule injection. Dans l’essai contre placebo de phase III, il y avait 19.630 patients vaccinés et 19.691 dans le groupe placebo.
Il est bon pour le service mais une méfiance de la population est prévisible par analogie avec le vaccin Astra-Zeneca®.
Les quatre vaccins actuellement sur le marché français ont une très bonne efficacité. Ceci dit, l’analyse des courbes montre qu’une infection est toujours possible – plus particulièrement à cause de l’émergence des variants. Il est prouvé, in vitro, qu’ils possèdent une résistance plus importante à l’efficacité de l’immunité vaccinale.
Dans un article récent du New England Journal of Medicine (NEJM, 21 avril 2021), des auteurs ont suivi une cohorte de 417 patients parfaitement vaccinés avec un vaccin ARNm (Pfizer- BioNTech® ou Moderna®).
Ce travail souligne l’importance de l’émergence de nouveaux variants échappant à l’immunité vaccinale ; même efficace in vitro, elle n’empêche pas la maladie. Les réinfections semblent donc être plutôt en rapport avec de nouvelles mutations qu’avec une absence d’immunité. Il devient ainsi de plus en plus probable que de nouveaux vaccins ciblant les variants les plus dangereux puissent voir le jour prochainement, les laboratoires y travaillant déjà !
La réponse immunitaire humorale contre l’infection au SARS-CoV-2 (ou liée à la vaccination) comporte la production d’anticorps neutralisants par les lymphocytes B, dirigés en particulier contre la protéine S du virus. Cette réponse est efficace, mais une dysfonction inflammatoire mal comprise fait évoluer la maladie vers sa forme sévère et est responsable de sa morbi-mortalité. À côté des explications plus ou moins controversées comme la responsabilité du fameux «orage cytokinique» figure probablement un degré d’auto-immunité, c'est-à-dire que les anticorps produits se retourneraient contre notre propre organisme.
Cette production a été mise en évidence dans le sérum de 101 patients atteints d’une Covid sévère parmi 987 testés (Science, 24 septembre 2020). La présence, au cours de la Covid-19, des autoanticorps anti-phospholipides, anti-annexin A2, anti-interféron semble corrélée à la gravité et la mortalité de la maladie.
Un article récent nous met en garde contre cette production d’autoanticorps générée par la synthèse d’anticorps de type immunoglobulines G dérivant des lignées IGHV3-53 et IGHV3-66 caractérisant la partie variable des chaines lourdes (IGHV) (J Exp Med, 25 avril 2021).
Ces anticorps constituent plus de 10% de la réponse humorale post-vaccin alors qu’elle ne constitue qu’entre 0,5% et 2,6% de la réponse humorale naturelle après la maladie. Ces immunoglobulines ont une efficacité diminuée par les mutations (E484K et K417N) de la protéine S des variants sud-africain (20H/501HY.V2) et brésilien (20J/501H.V3).
L’autre problème c’est que les immunoglobulines IGHV3-53 et IGHV3-66 semblent associées à la formation d’autoanticorps. Les auteurs concluent en préconisant, pour la nouvelle génération de vaccins à venir, d’éviter de cibler une réponse immunitaire produisant ces lignées d’immunoglobulines.
La piste des auto anticorps est aussi évoquée dans la genèse des complications thrombotiques des vaccins (cf. newsletter n°47), c’est donc une piste extrêmement sérieuse à explorer dans la pathogénèse des Covid-19 graves.
On avance !
[Merci au Dr Axel Ellrodt]
La durée de l’intervalle QT mesurée par l’électrocardiogramme (ou du QTc qui est la durée du QT corrigé de la fréquence cardiaque) définit la conduction cardiaque au cours d’un cycle. Son allongement expose à un risque de trouble de rythme grave voire d’arrêt cardiaque. La première cause de son allongement est d’ordre iatrogène avec des médicaments qui peuvent avoir ce type de toxicité. Nous avons vu que l’hydroxychloroquine et l'azithromycine avaient cette toxicité. Des chercheurs ont voulu savoir si la maladie Covid-19 elle-même pouvait allonger ce fameux QT s’il existe une atteinte cardiaque inflammatoire lors de cette infection.
En suivant une cohorte de 965 patients ayant subi le test de détection du SARS-CoV-2, les auteurs ont réalisé plusieurs électrocardiogrammes. Ils ont pu ainsi mesurer le QTc à J0, J2 et J5 (JAMA Network Open, 23 avril 2021).
Les auteurs ont conclu en l’augmentation spécifique du QTc par l’infection au SARS-CoV-2. Ce fait souligne le danger potentiel et peut-être la surmortalité observée par les traitements cardiotoxiques chez les patients présentant une Covid-19.
Nous avons vu que l’ECMO (ExtraCorporeal Membrane Oxygenation) constituait le traitement très invasif et de dernier recours en réanimation des patients les plus graves (cf. newsletter n°21). Le principe est d’assurer l’oxygénation du sang par une technique extracorporelle, court-circuitant le poumon. Une enquête française multicentrique fait un état des lieux de cette technique de réanimation d’exception (Lancet Respir Med, 19 avril 2021). Les auteurs ont analysé 302 patients ayant bénéficié de cette technique dont 212 ont été canulés par une équipe mobile d’ECMO.
Technique d’ultime recours, associée dans cette étude, et malgré l’incidence importante de complications majeures, à une survie tout à fait respectable !
[Merci au Pr Bruno Riou]