Frédéric Adnet est professeur agrégé de Médecine d'Urgence et chef des Urgences de l’Hôpital Avicenne et du SAMU 93. À la fois chercheur et médecin, il fait régulièrement le point sur la Covid-19. Après 46 numéros d'une Foire Aux Questions (FAQ) quotidienne, il publie désormais une newsletter hebdomadaire. Nous la reproduisons ici avec son aimable autorisation.
Sa FAQ a connu un succès phénoménal. À l'origine destinée aux professionnels de son service, elle est maintenant traduite en plusieurs langues. Dans son interview, Frédéric Adnet revient sur ce succès et explique son attachement à l'Evidence-based medicine.
Frédéric Adnet est également l'auteur de l'ouvrage Les Fantassins de la République - Urgence COVID, un printemps en enfer, paru en octobre 2020.
INDEX et liste des FAQ / Newsletters
Un premier bilan a été publié sur l’évolution de la mortalité liée à la Covid-19 en Angleterre (Public Health England, avril 2021). Cette mortalité a chuté drastiquement sous l’effet conjoint de la vaccination et du confinement strict. Le nombre de morts évités par la vaccination a été estimé dans ce travail à 10.400 personnes de plus de 60 ans (en prenant comme hypothèse une efficacité du vaccin de 81%).
Le vaccin : ça marche !
Bon,nous étions à peu près sûrs que le variant anglais (B.1.1.7 ou 20I/501Y.V1) était plus transmissible (cf. newsletter n°33), et associé à une gravité plus élevée (cf. newsletter n°37). Nos certitudes sont remises en question par deux articles récents du Lancet (Lancet Infectious Diseases, 12 avril 2021 & Lancet Public Health, 12 avril 2021).
1- Dans le premier travail, les auteurs ont étudié 341 patients hospitalisés pour Covid-19. Un peu plus de la moitié (N=198 ; 58%) était porteur du variant B.1.1.7, les autres de souches non-B.1.1.7.
2- Dans le deuxième travail, les chercheurs ont exploité les symptômes recueillis chez 36.920 patients Covid-19 par une application dédiée pendant la propagation du variant B.1.1.7 en Angleterre. Ils ont ainsi pu analyser l’évolution qualitative de la nature des symptômes lors de la diffusion du variant – diffusion bien documentée grâce à une politique massive de séquençage. Les auteurs ont aussi pu comparer les zones à haute prévalence et celles à basse prévalence.
Bon, la synthèse de ces deux bons articles c’est que le variant B.1.1.7 donne la même maladie mais plus contagieuse.
Ça y est, l’Inde possède son propre variant...Et celui-ci est plutôt inquiétant. Issu du clade B.1.617, il est surtout signalé dans l'État du Mahārāshtra depuis mars 2021, avec une prévalence de plus de 60% (The Indian Express, 19 avril 2021).
Ce variant est caractérisé par une double mutation (substitution d’acides aminés non homologues sur la protéine S) qui lui conférerait un pouvoir de résistance aux anticorps naturels et à la vaccination : les mutations E484Q (substitution de l’acide aspartique par la glutamine en position 484) et L452R (substitution de la leucine par l’arginine en position 452).
En effet, ces deux mutations sont connues, séparément, pour résister à l’accrochage des anticorps.Et voici un virus qui contient les deux en même temps ! Vivement la deuxième génération de vaccins, on risque de ne pas y couper...
Des résultats encourageants viennent d’être publiés pour l’utilisation de glucocorticoïdes inhalés (budésonide, Pulmicort®) contre la Covid-19 symptomatique chez des patients ambulatoires. Les glucocorticoïdes diminuent la réplication virale du SARS-CoV- 2 in vitro et inhibent l’expression moléculaire des deux cibles du virus : les récepteurs ACE2 et TMPRSS2.
Les auteurs proposent ce traitement en remarquant que les patients BPCO bénéficiant de ce traitement de manière chronique étaient sous-représentés dans les cohortes de Covid-19 sévères. Ils ont ainsi suggéré un effet protecteur de cette molécule sur l’évolution de la maladie.
Dans l’essai SRTOIC, randomisé et en ouvert (Lancet Respir Med, 9 avril 2021), les auteurs ont comparé :
Étude de haut niveau de preuve. À confirmer sur un essai de plus grande envergure et qui prendrait comme critère d’évaluation principal le passage à des formes graves de la Covid-19, et incluant une population plus à risque.
Mais c’est très encourageant et cela pose la question du traitement précoce par corticoïdes…
Un communiqué de presse du laboratoire Regeneron® annonce de bons résultats avec l’association de deux anticorps monoclonaux : casirivimab et imdevimab (REGENERON® – Communiqué de Presse, 12 avril 2021). Ce médicament a bénéficié d’une Autorisation Temporaire d’Utilisation (ATU) en France. Ces deux anticorps ciblent deux régions différentes de la protéine S du SARS-CoV-2.
Les premiers résultats (non encore publiés officiellement) ont montré une réduction de la survenue de Covid-19 symptomatique de 81% (1,5% vs. 7,8%).
Un traitement prometteur pour une population exposée et non vaccinée... mais nous nous en ferons une opinion définitive à la lecture de résultats publiés en bonne et due forme !
Nous avions vu les résultats encourageants d’un protocole thérapeutique associant, entre autre, de l’aspirine (cf. newsletter n°40). L’utilisation de ce médicament s’inscrit dans une stratégie de lutte contre l’hypercoagulation consécutive à la réaction inflammatoire observée chez les patients victimes de la Covid-19. En particulier, l’aspirine diminue la production d'interleukine-6 et de protéine C-réactive par inhibition de la cyclo-oxygénase-2.
Dans une étude multicentrique, rétrospective et observationnelle, les auteurs ont comparé chez 420 patients hospitalisés l’utilisation de l’aspirine vs. un traitement standard sans cette molécule (Anesthesia & Analgesia, 15 avril 2021).
Étude à faible niveau de preuve mais pouvant susciter des essais cliniques afin de vérifier l’hypothèse selon laquelle l’aspirine pourrait améliorer le pronostic des patients Covid-19+ hospitalisés…
[Merci au Dr Tomislav Pétrovic]
Il est couramment admis que la mortalité en réanimation a diminué depuis la première vague puisque nous connaissons mieux la maladie, proposons de nouvelles approches ventilatoires et utilisons plus rationnellement le peu de médicaments plus ou moins spécifiques mis à notre disposition (dexaméthasone et anticoagulants pour l’essentiel). Les premiers résultats sont plutôt décevants (cf. newsletter n°35).
Une grande étude épidémiologique s’est intéressée à l’évolution de la mortalité en réanimation pendant plus de huit mois (du 27 février 2020 au 28 octobre 2020). Elle a inclus 13.301 patients Covid-19 sévères hospitalisés dans 126 services de soins critiques au Brésil (Intensive Care Med, 14 avril 2021).
Bon, ben la mortalité a l’air de baisser finalement !