Frédéric Adnet est professeur agrégé de Médecine d'Urgence et chef des Urgences de l’Hôpital Avicenne et du SAMU 93. À la fois chercheur et médecin, il fait régulièrement le point sur la Covid-19. Après 46 numéros d'une Foire Aux Questions (FAQ) quotidienne, il publie désormais une newsletter hebdomadaire. Nous la reproduisons ici avec son aimable autorisation.
Sa FAQ a connu un succès phénoménal. À l'origine destinée aux professionnels de son service, elle est maintenant traduite en plusieurs langues. Dans son interview, Frédéric Adnet revient sur ce succès et explique son attachement à l'Evidence-based medicine.
Frédéric Adnet est également l'auteur de l'ouvrage Les Fantassins de la République - Urgence COVID, un printemps en enfer, paru en octobre 2020.
INDEX et liste des FAQ / Newsletters
Dans un article intéressant du Financial Times (6 avril 2021), les auteurs font un bilan mortifère de la pandémie en regardant l’évolution de la mortalité quotidienne des différents pays.
Nous constatons que cette pandémie fait toujours plus de 10.000 morts par jour : un bon tiers en Europe et plus de 40% en Amérique centrale (avec une grande prédominance pour le Brésil). Les États-Unis ne représentent plus qu’un dixième de la mortalité globale.
Nous ne sommes pas sortis de l’auberge !
Nous avions déjà évoqué l’hypothèse d’une relation de cause à effet entre l’apparition de thromboses et la vaccination par le vaccin Astra-Zeneca® dans la newsletter n°45. Aujourd’hui cette hypothèse a reçu la confirmation d’un reviewing de haute qualité, publié dans le New England Journal of Medicine (NEJM, 9 avril 2021) !
Rappelons que ce mécanisme a été évoqué après l’analyse biologique de onze patients qui présentaient des thromboses atypiques associées à une thrombocytopénie (baisse du nombre de plaquettes), cinq à seize jours après la vaccination.
Attention, on signale quatre cas de thromboses inhabituelles pour le vaccin Janssen® (European Medicine Agency, 9 Avril 2021) !
Aïe !
Les patients immunodéprimés sont à risque de Covid-19 graves. L’atteinte de la fonction immunitaire – induite soit par une maladie soit par un traitement médicamenteux – pourrait interférer avec la réponse immunitaire de la vaccination. C’est ce qu’a remarqué une équipe de chercheurs qui a étudié 242 patients transplantés rénaux, donc sous traitement immunosuppresseur. Tous ont reçu une dose du vaccin à ARNm Moderna® (Kidney International, 26 mars 2021).
Pas très rassurant, alors que ces patients sont prioritaires pour la vaccination !
NB : les temps de demi-vie du titre de ces anticorps ont été calculés à 52 jours IC95%[46-58] (décroissance exponentielle) ou 109 jours IC95%[92-136] dans un autre modèle de décroissance.
Nous savons que le vaccin à ARNm est efficace sur le virus SARS-CoV-2 grâce aux études de phase III qui évaluent ces vaccins avec un recul d’environ trois mois (cf. newsletter n°33). La grande incertitude réside dans la durée de cette immunité bien que l’on sache que l’immunité naturelle provoquée par la maladie Covid-19 est probablement supérieure à huit mois (cf. newsletter n°29).
Dans un travail de suivi de 33 patients inclus dans les phases I/II/III de l’essai avec le vaccin à ARNm Moderna® (NEJM, 6 avril 2021), des auteurs ont mesuré l’activité neutralisante des anticorps générés par le vaccin avec un recul de 180 jours (six mois).
Nous sommes rassurés ! Les patients avaient tous un titre d’anticorps neutralisants élevé mais légèrement moindre qu’à 14 jours après la deuxième dose où la concentration était maximale.
Nous savons que le variant anglais (B.1.1.7 ou 20I/501Y.V1) est plus contagieux et associé à une mortalité plus importante par rapport à la souche «historique» D614G (cf. newsletters n°33 et n°37). Cette augmentation de transmissibilité pouvait être mise sur le compte d’une charge virale plus importante ou d’une durée de contagiosité plus longue (ou les deux !).
Hé bien il se trouve que c’est probablement la durée de la maladie et donc la durée de la contagiosité qui en soit la cause. Des auteurs ont étudié 65 patients infectés par les SARS- CoV-2 B.1.1.7 (N=7) ou non-B.1.1.7 (Harvard Library – preprint non encore reviewé, 10 février 2021).
Voilà donc une piste pour expliquer la plus grande transmissibilité du variant anglais qui a envahi notre pays !
Nous avons vu dans la newsletter n°27 que les patients infectés par la souche «historique» (contenant la mutation D614G) ont une immunité moins efficace pour se protéger des variants anglais (20I/501Y.V1 ou B.1.1.7), sud-africain (20H/501Y.V2 ou B.1.351) ou brésilien (20J/501Y.V3 ou P.1). Mais qu’en est-il pour le sérum de patients contaminés par le variant sud-africain ?
Des sérums provenant de 89 patients ayant été infectés par ce variant sud-africain ont été analysés. Des tests de neutralisation ont été effectués sur le virus «historique» et sur le variant brésilien (P.1). Les auteurs ont aussi testé des sérums provenant de patients infectés par la souche «historique» pour la neutralisation du virus sud-africain (NEJM, 6 avril 2021).
Résultats :
Les auteurs ont conclu en suggérant de fabriquer une nouvelle génération de vaccins ciblant la protéine S du variant sud-africain ! C’est probablement en développement dans les laboratoires…
Nous commençons à avoir un certain recul sur cette foutue Covid-19 ! Nous savons qu'elle entraîne une morbidité tout à fait préoccupante (cf. newsletters n°35 et n°46). Une grande étude rétrospective a permis de mieux cerner les séquelles neurologiques et psychiatriques des patients ayant présenté une Covid-19 (Lancet Psychiatry, 6 avril 2021).
L'Académie nationale de médecine nous met en garde contre les prélèvements nasopharyngés mal effectués. En effet, les fosses nasales suivent un trajet strictement horizontal par rapport au sol (et donc parallèle) lorsque la tête est en position neutre. Si l’on suit le trajet initial des narines, alors, immanquablement, on va buter dans la face supérieure des fosses nasales.
Cette paroi sépare les fosses nasales du cerveau par la fragile lame criblée de l’ethmoïde. Le risque de perforation ou de brèche est donc bien réel, exposant le pauvre patient à un risque de méningite ! Cet incident a été décrit chez une femme de 40 ans au cours d’un écouvillonnage nasopharyngé un peu vigoureux (JAMA Otolaryngology- Head & Neck Surgery, 1er décembre 2020).
Il faut donc bien former les préleveurs de PCR !