Frédéric Adnet est professeur agrégé de Médecine d'Urgence et chef des Urgences de l’Hôpital Avicenne et du SAMU 93. À la fois chercheur et médecin, il fait régulièrement le point sur la Covid-19. Après 46 numéros d'une Foire Aux Questions (FAQ) quotidienne, il publie désormais une newsletter hebdomadaire. Nous la reproduisons ici avec son aimable autorisation.
Sa FAQ a connu un succès phénoménal. À l'origine destinée aux professionnels de son service, elle est maintenant traduite en plusieurs langues. Dans son interview, Frédéric Adnet revient sur ce succès et explique son attachement à l'Evidence-based medicine.
Frédéric Adnet est également l'auteur de l'ouvrage Les Fantassins de la République - Urgence COVID, un printemps en enfer, paru en octobre 2020.
INDEX et liste des FAQ / Newsletters
Toutes les mesures non pharmacologiques (masques, distanciation, confinement, fermetures d’écoles, etc.) sont plus ou moins efficaces sans qu’une hiérarchie claire ait été établie. Deux études de haut niveau viennent d‘être publiées ; elles tentent de répondre à cette question d’une actualité brûlante.
Le premier travail (medRxiv non encore reviewé, 26 mars 2021) s’appuie sur les résultats des mesures décrétées dans 114 régions de 7 pays européens (Autriche, Tchéquie, Angleterre, Allemagne, Italie, Suisse, Pays-Bas) pendant les deux premières vagues épidémiques.
Un deuxième travail (Science, 19 février 2021) a analysé les conséquences des mesures collectives prises dans 41 pays entre janvier et fin mai 2020 (première vague). Cette étude a utilisé la même approche mathématique que la première. Elle a permis d’individualiser les conséquences de chaque intervention.
Bon… Difficile d’y voir très clair avec ces deux travaux de bonne qualité, mais :
En ce qui concerne les écoles, le débat continue.
Nous savons déjà que les deux voies de contamination essentielles du SARS-CoV-2 sont les postillons (particules de plus de 5 µm) et la diffusion par aérosol (particules de moins de 5 µm). La contamination par aérosol semble de plus en plus prédominante (cf. newsletters n°10 et n°18) et expliquerait la différence observée avec la grippe qui, elle, se transmet principalement par postillons. Signalons que la durée de vie des particules en suspension est inversement proportionnelle à leurs tailles avec des durées de vie de plus de 24 heures pour des tailles inférieures à 1 µm.
Dans un travail intéressant de modélisation (Building and Environment, 13 mars 2021) des chercheurs ont confirmé la nécessité absolue d’aérer les espaces clos afin de provoquer un phénomène de dilution et ainsi de diminuer la probabilité de se contaminer par aérosol. Ils ont réalisé une modélisation des flux d’air d’un restaurant où dix personnes de trois familles distinctes disposées sur trois tables différentes ont été contaminées.
Les auteurs, en modélisant des particules contaminantes de 5 µm, ont déterminé que les personnes des trois tables avaient une durée d’exposition compatible avec la survenue des contaminations. Ils ont ainsi estimé le besoin de ventilation de la pièce à 38 L/s pour chaque convive alors que la réglementation impose un flux de 5 L/s par personne et que, dans ce restaurant, l’aération était de l’ordre de 0,9 L/s !
Conclusion : il faut A.E.R.E.R. !
[Merci au Dr Axel Ellrodt]
Le variant breton (cf. newsletter n°44), indétectable aux PCR classiques, a reçu le nom provisoire de 20C/H655Y et se trouve sur l’embranchement phylogénétique (clade) B.1.616. Il est classé par l’OMS comme variant à suivre (VOI – Variant Of Interest). Il doit être soupçonné devant des signes évocateurs, une PCR négative et un lien épidémiologique avec la région de Côtes-d’Armor et/ou du Finistère (MARS n°2021_21, 30 mars 2021).
Un variant banlieusard a aussi fait son apparition (clade 19B ou HMN.19B), isolé à partir de 33 patients Covid-19+ hospitalisés à Henri Mondor à Créteil (d’où l’acronyme HMN !). Ce variant est caractérisé par huit mutations de substitution sur la protéine Spike et deux délétions (Emerging Infectious Diseases, 30 mars 2021).
Dans les quatre semaines après cette première détection, il a été retrouvé chez douze patients dans la banlieue de Paris. Le clade 19B étant antérieur (2019) aux clades 20A, 20B, 20C (avec la mutation D614G, cf.newsletter n°9) qui ont supplanté cette ancienne variété (le 19B), les auteurs évoquent d’autres mutations dans le HNM.19B qui pourraient accroître la transmissibilité, et ainsi expliquer sa résurgence.
À suivre !
Nous savons que le vaccin est efficace pour prévenir les Covid-19 symptomatiques et plus particulièrement les formes graves. Mais un doute subsiste : les patients vaccinés peuvent-ils contaminer d’autres personnes ? En effet, au contact du virus ils pourraient malgré l’immunisation conserver une charge virale dans les voies aériennes, donc être potentiellement contaminants.
Nous savons par ailleurs que le pouvoir de contamination est directement lié à la quantité de charge virale, qui peut être quantifiée par le résultat de la PCR et le Ct (Cycle threshold) – dont la valeur est inversement proportionnelle à la charge virale (cf. newsletters n°17 et n°20). Une valeur supérieure à 30 est considérée comme étant associée à une faible contagiosité. Des auteurs ont évalué la charge virale après vaccination (vaccin à ARNm Pfizer-BioNTech®) dans la population israélienne (Nature Medicine, 29 mars 2021).
Ceci signifie que la charge virale diminue fortement chez les patients vaccinés après le 12e jour s’ils rencontrent le virus SARS-CoV- 2 et donc que la probabilité de transmettre le virus est très abaissée.
Hé bien en voilà une bonne nouvelle !
[Merci au Dr Axel Ellrodt]
Nous avons vu que le sérum de patients vaccinés était associé in vitro à une efficacité moindre contre les variants (cf. newsletters n° 27, n°33, n°35, n°38 et n°42). Qu’en est-il dans la vraie vie ? Des chercheurs anglais ont ré-analysé les résultats de la phase 2/3 ayant validé le vaccin Astra-Zeneca®, en s’intéressant seulement au variant anglais (B.1.1.7) pour déterminer l’efficacité du vaccin sur ce variant.
Il s’agissait d’un essai randomisé contrôlé avec un groupe contrôle recevant un vaccin contre la méningite. Le critère d’évaluation était l’apparition de la Covid-19 symptomatique après 14 jours suivant la deuxième injection (Lancet, 30 mars 2021). Il y eut 8.534 volontaires. 401 prélèvements de virus provenant de 311 patients ont pu être séquencés.
Les résultats ont montré qu’effectivement, in vitro, le sérum de patients vaccinés avait une activité neutralisante plus faible pour le variant anglais comparée à la souche non-B.1.1.7. Mais ces résultats ont aussi montré que l’efficacité clinique était tout à fait satisfaisante :
Conclusion : l’Astra-Zeneca® est efficace contre le variant anglais. Ce qui tombe bien puisque la majorité des vaccinations en Angleterre était avec ce vaccin.
Dans l’optique de l’immunité collective post-vaccinale, il va bien falloir se poser la question de la vaccination des enfants. Hé bien les études ont commencé et c’est plutôt rassurant ! Dans un communiqué de presse, le laboratoire Pfizer-BioNTech® donne les résultats d’un essai concernant les adolescents de 12 à 15 ans (Conférence de presse Pfizer, 31 mars 2021).
Les résultats préliminaires de cette phase III sur 2.260 adolescents montrent une efficacité de 100% avec 18 cas deCovid-19 observée dans le groupe placebo (N=1.131) et zéro dans le groupe vacciné ! Il n’y a pas eu plus d’effets secondaires que ceux déjà décrits dans la phase III concernant les adultes (cf. newsletter n°32).
Un essai sur les enfants de 6 mois à 11 ans est en cours… Prometteur !
Nous savons que les patients ayant présenté une Covid-19 peuvent garder des séquelles et même une forme «chronique» de la maladie, ce qui augmente la morbidité mais aussi la mortalité de cette pandémie (cf. newsletters n°11, n°32 et n°35). L’ensemble de ces symptômes est appelé le syndrome de «Covid-long» ou « post-Covid».
Des auteurs ont suivi pendant 140 jours 47.780 patients ayant été hospitalisés pour Covid-19 (BMJ, 31 mars 2021). Ils les ont comparés avec un groupe de patients apparié (âge, sexe, lieu de vie, ethnie, etc.) issu de la population générale.
Bon, il va falloir construire des hôpitaux...
Nous savons que cette pandémie va laisser des traces psychologiques dans la population, liées aux restrictions, à l’appauvrissement, et aux peurs engendrées par ce virus. Nous avions déjà vu que les difficultés psychologiques avaient augmenté chez les jeunes et que la consommation d‘alcool était largement en hausse (cf. newsletters n°2 et n°27).
Un travail épidémiologique de grande envergure a concerné le suivi psychologique de la population adulte américaine. Du 19 août 2019 à début février 2021, 790.633 personnes ont été interrogées via un questionnaire téléphonique (Morbidity and Mortality Weekly Report, 26 mars 2021).