Frédéric Adnet est professeur agrégé de Médecine d'Urgence et chef des Urgences de l’Hôpital Avicenne et du SAMU 93. À la fois chercheur et médecin, il fait régulièrement le point sur la Covid-19. Après 46 numéros d'une Foire Aux Questions (FAQ) quotidienne, il publie désormais une newsletter hebdomadaire. Nous la reproduisons ici avec son aimable autorisation.
Sa FAQ a connu un succès phénoménal. À l'origine destinée aux professionnels de son service, elle est maintenant traduite en plusieurs langues. Dans son interview, Frédéric Adnet revient sur ce succès et explique son attachement à l'Evidence-based medicine.
Frédéric Adnet est également l'auteur de l'ouvrage Les Fantassins de la République - Urgence COVID, un printemps en enfer, paru en octobre 2020.
INDEX et liste des FAQ / Newsletters
Un nouveau variant bien français – puisque breton – a été détecté au centre hospitalier de Lannion, dans les Côtes d’Armor (Santé Publique France, 15 mars 2021). Il a été classé «à surveiller de près» (Variant Under Investigation – VUI) par l’OMS.
Bon il ne manquait plus que celui-là...
Nous savons qu’une infection par le SARS-CoV-2 confère une immunité plus ou moins efficace selon la gravité des signes cliniques – les formes les plus graves sont associées à une forte immunité – et que cette immunité protégerait le patient au moins 6-8 mois. Ces données proviennent essentiellement de l’étude dans les laboratoires de sérums issus de patients contaminés (cf.newsletters n°34 et n°39).
Il manquait une grande enquête «dans la vraie vie» pour se faire une idée de cette immunité «naturelle» acquise par les patients séropositifs à la Covid-19. C’est ce qu’ont réalisé des chercheurs danois (Lancet, 17 mars 2021).
Au cours de l’étude d’une autre cohorte de patients testés tous les trois mois, les auteurs ont remarqué que cette protection était plus faible pour les patients âgés de plus de 65 ans : 47,1% (IC95%[24,7-62,8]). Par contre, la protection contre la réinfection n’était pas affectée par le sexe ou la durée du suivi.
Les résultats de cette étude ne tiennent pas compte de l’influence de l’apparition de variants (anglais, sud-africain ou brésilien) qui pourrait rendre l’immunité naturelle moins efficace. Néanmoins, ces résultats sont en faveur de la vaccination de patients séropositifs, et surtout les patients âgés !
On sait que le SARS-CoV-2 «historique» peut infecter le monde animal et en particulier les animaux de compagnie avec une prédiction pour les rongeurs et les félins (cf. newsletters n°1, n°2, n°14 et n°31). Des chercheurs viennent de montrer que les variants anglais (B.1.1.7 ou 20I/501Y.V1), sud-africain (B.1.351 ou 20H/501Y.V2) ou brésilien (P.1 ou 20J/501Y.V3) se plaisent très bien dans les poumons de nos souris (bioRxiv non encore reviewé, 18 mars 2021).
Après avoir inoculé dans les narines de souris les différents variants du virus, les chercheurs ont constaté leur prolifération dans le parenchyme pulmonaire trois jours après. Cette constatation est inquiétante, car les souris peuvent constituer un réservoir animal difficilement maîtrisable. Autre conséquence, plus prometteuse : cela permet de constituer un modèle animal expérimental facile à manipuler…
Parmi les mesures barrières, la réduction des activités scolaires voire la fermeture des écoles fait toujours l’objet de débats passionnés. Une étude observationnelle a comparé, au cours de cette épidémie, les répercussions de trois modes d’enseignement sur des enfants de 5 à 12 ans (Morbidity and Mortality Weekly Report, 19 mars 2021).
Conclusion : l’enseignement à distance apparaît comme une solution dégradée avec des conséquences majeures sur la santé et l’épanouissement de nos enfants.
Nous avons vu que, in vitro, les nouvelles ne sont pas très rassurantes en ce qui concerne les vaccins à ARNm et le pouvoir neutralisant des anticorps contre les variants sud-africain et brésilien (voir newsletter n°38). Qu’en est-il pour le vaccin Astra-Zeneca® ? C’est ce que révèle une étude publiée dans le New England Journal of Medicine (NEJM, 16 mars 2021).
Ces résultats vont encourager la recherche de nouveaux vaccins dirigés contre des nouveaux mutants qui deviendraient de plus en plus résistants à cause de la pression vaccinale. On n’est pas sorti de l’auberge ! Élément rassurant, en France l’incidence du sud-africain semble diminuer (autour de 5%)…
La campagne massive de vaccination en Israël qui a débuté le 20 décembre 2020 a permis de vacciner plus de 50% de la population – 59,5% de la population a reçu au moins une dose au 17 mars 2021 – et environ 80% des personnes à risque. Nous avons vu (cf. newsletter n°39) que la courbe des hospitalisations des patients âgés commençait à diminuer. Le vaccin très majoritairement utilisé était le vaccin ARNm Pfizer-BioNTech®. Fait intéressant, le variant anglais B.1.1.7 est largement présent dans ce pays.
L’efficacité dans la «vie réelle» a donc été évaluée à près de 46% après la première dose et de 92% sept jours après la deuxième dose (Nature Review Immunology, 12 mars 2021). Les courbes des hospitalisations commençaient à décroitre de manière significative 3-4 semaines après le début de la campagne de vaccinations. Conséquences : les restaurants, bars, théâtres et cinémas rouvrent en masse moyennant un passeport vaccinal…
[Merci au Dr Axel Ellrodt]
Plusieurs études démontrent que les séquelles de la Covid-19 sont loin d’être négligeables. Elles pourraient impacter durablement notre système de santé, en raison d’une nouvelle cohorte de patients post-Covid nécessitant une prise en charge au long cours (cf.newsletters n°11, n°32 et n°35). Cette nouvelle étude va dans le même sens (JAMA, 17 mars 2021).
Il va vraiment falloir considérer ces Covid-longs comme un problème de santé publique.
Les anticorps monoclonaux anti-Interleukine6 (IL6) sont censés s’opposer à l’orage cytokinique associé aux formes graves de la Covid-19. Les essais cliniques des anti-IL6 (tocilizumab, sarilumab) ont des résultats contrastés, certaines études montrant un effet clinique et même sur la mortalité (cf. newsletter n°41). Un nouvel essai clinique publié dans le Lancet Respiratory Medicine va plutôt dans le sens d’une inefficacité (Lancet Respir Med, 4 mars 2021).
Essai à haut niveau de preuve qui n’arrange pas les affaires des anti-IL6 !