Covid-19 : la newsletter du Pr Adnet (N°41 - 02 mars)

Le pari gagné de la vaccination massive en Israël, et une étude de grande ampleur en Écosse qui atteste de l'efficacité des vaccins. Côté traitements, les résultats spectaculaires annoncés pour le bamlavinimab sont à prendre avec des pincettes. Zinc et vitamine C, une étude qui fait pschitt. Quant au tocilizumab... Du bon, du (beaucoup) moins bon et un gros point d'interrogation.


Frédéric Adnet est professeur agrégé de Médecine d'Urgence et chef des Urgences de l’Hôpital Avicenne et du SAMU 93. À la fois chercheur et médecin, il fait régulièrement le point sur la Covid-19. Après 46 numéros d'une Foire Aux Questions (FAQ) quotidienne, il publie désormais une newsletter hebdomadaire. Nous la reproduisons ici avec son aimable autorisation. 

Sa FAQ a connu un succès phénoménal. À l'origine destinée aux professionnels de son service, elle est maintenant traduite en plusieurs langues. Dans son interview, Frédéric Adnet revient sur ce succès et explique son attachement à l'Evidence-based medicine. 

Frédéric Adnet est également l'auteur de l'ouvrage Les Fantassins de la République - Urgence COVID, un printemps en enfer, paru en octobre 2020.


INDEX et liste des FAQ / Newsletters


NEWSLETTER N°41 (02 mars 2021)



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VACCINS



Israël : pari gagné !

Nous savons que l'État d’Israël a choisi une politique de vaccination massive (vaccin ARNm Pfizer-BioNTech® pour l’essentiel) et extrêmement rapide. Au 25 février 2021, 53,7% de la population est vaccinée avec au moins une dose et 37,8% de la population est totalement vaccinée.  

L’impact de cette politique sur la pandémie vient de faire l’objet d’une publication dans le New England Journal of Medicine, grâce à une étude observationnelle de grande ampleur (NEJM, 24 février 2021). 

- 92% lorsque l’indicateur était le diagnostic de Covid-19,
- 94% lorsque l’indicateur était la survenue d’une Covid-19 symptomatique,
- 87% lorsque l’indicateur était l’hospitalisation liée à la Covid-19,
- 92% lorsque l’indicateur était la survenue d’une forme grave de Covid-19. 
- Concernant la mortalité liée à la Covid-19, l'efficacité a été estimée à 72% (mesurée après un délai de 14 jours suivant l’administration de la première dose). 

Ces résultats spectaculaires confortent une politique de vaccination massive. Fait encore plus rassurant, cette efficacité est importante sur les formes pauci ou asymptomatiques, ce qui suggère une efficacité sur la transmission virale.

On croise les doigts !



Vaccin Astra-Zeneca® et Pfizer-BioNTech® : très efficaces dès la première dose !

L’évaluation des vaccins «dans la vraie vie» n'apporte que de bonnes nouvelles. Une étude écossaise a évalué l’effet de la vaccination (première dose) des vaccins Pfizer-BioNTech® (ARNm) et Astra-Zeneca® (vaccin à adénovirus) en Écosse (BMJ non encore reviewé, 22 février 2021). 

Remarque intéressante, cette efficacité est très importante pour les personnes âgées (95% pour les deux vaccins). Le vaccin Astra-Zeneca® semble donc très efficace pour les personnes âgées, ce qui est nouveau et qui devrait élargir ses indications en France ! 

[Merci au Dr Axel Ellrodt]
 




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TRAITEMENTS



Bamlanivimab… Une autorisation d'utilisation temporaire un peu rapide ?

Le bamlavinimab est un anticorps monoclonal dirigé contre la protéine S du virus SARS-CoV-2. On a vu que les essais cliniques portant sur l’approche «anticorps» – que ce soit avec des anticorps naturels de patients immunisés (sérothérapie, cf. newsletter n°30), ou des anticorps monoclonaux fabriqués par l’industrie – sont plutôt décevants.

Concernant le bamlavinimab (ou LY-CoV555) développé par le laboratoire Lilly®, deux essais cliniques publiés étaient plutôt négatifs : le premier ne réduisait pas le temps de guérison (cf.newsletter n°34), le second montrait une réduction de la charge virale modeste,  seulement si le bamlanivimab était associé avec l’etesevimab (cf. newsletter n°38). 

Lilly® annonce des résultats spectaculaires avec cette molécule, sur une population très ciblée (Communiqué de presse Lilly®, 21 janvier 2021). Ceci a entraîné une autorisation de mise sur le marché de ce médicament en urgence par la Food and Drug Administration et une autorisation temporaire d’utilisation (ATU) en France… 

Une grande prudence doit être de mise à la lecture de ce communiqué de presse, qui contraste avec la littérature déjà publiée. Les critères d’inclusion sont très hétérogènes et assez curieux (utilisation en traitement prophylactique et en traitement curatif pour les soignants et les patients âgés). Notons aussi cette population de patients âgés et à risque va être rapidement vaccinée. 

Les résultats présentés sont partiels ; il faudra lire la publication complète de cet essai pour se faire une véritable idée. Il est assez étonnant que nous nous jetions sur cette molécule onéreuse à la lumière de ces seules données, dans des indications qui ne coïncident pas avec le peu de résultats publiés par ailleurs… 

Remdesivir-gate bis ?



Zinc et vitamine C, où en est-on ?

Beaucoup de bruit autour des traitements prophylactiques ou précoces de la Covid-19 à base de zinc et de vitamine C… et des témoignages en pagaille de praticiens qui relatent les effets bénéfiques de cette association. Par contre, peu d’études bien construites permettent de se faire une idée définitive. 

Un essai randomisé, ouvert et multicentrique vient enfin d‘être publié, permettant d’y voir un peu plus clair (JAMA Network, 12 février 2021). Cette étude a inclus quatre groupes de patients Covid-19 non sévères, ambulatoires, traités pendant dix jours avec respectivement :

1- Supplémentation de Zinc (50 mg),
2- Vitamine C (8.000 mg),
3- Zinc associé à la Vitamine C,
4- Traitement standard. 

Bon…
Il s'agit d’une étude à faible effectif, comparative et randomisée mais sans double aveugle. Elle est de bonne facture sans atteindre les critères d’un essai à très haut niveau de preuve. Cette recherche nous indique en tous les cas que l’effet de ces produits, s’il existe, est probablement très faible.


Tocilizumab...

Je vous présente ci-dessous trois études à haut niveau de preuve qui viennent d’être publiées sans réellement permettre de trancher sur l’intérêt du tocilizumab. Le tocilizumab est une molécule anti-Interleukine 6 (anti-IL6) qui est censée s’opposer à l’orage cytokinique (emballement de la réponse inflammatoire) tenu pour responsable de la morbidité (formes graves) et de la mortalité de la Covid-19.

Les premiers essais cliniques (quatre essais cliniques de bonne qualité) de cette molécule ont été plutôt décevants. En particulier, ils n’ont pas démontré d’effet sur la mortalité alors que cette molécule semblait cibler les formes graves de la maladie (cf. newsletters n°25, n°35, n°37). La notion même d’orage cytokinique semble aussi remise en question (cf. newsletter n°32). 


Enfin un résultat positif !

Les résultats de l’essai randomisé et ouvert RECOVERY sur le tocilizumab ont été publiés en preprint (medRxiv non encore reviewé, 11 février 2021). 

Étude à haut niveau de preuve bien que réalisée en ouvert (pas de double aveugle) et qui a inclus un très grand nombre de malades. Deux autres études suivent…


Encore un résultat négatif !

Un nouvel essai randomisé ouvert décevant du tocilizumab chez les patients Covid-19 avec pneumopathie sévère définie par une saturation en oxygène ≤ 93% (NEJM, 26 février 2021). 

Bref, dans cette étude à haut niveau de preuve le tocilizumab ne sert à rien.


Les anti-IL6, finalement, ça marche ou ça ne marche pas ? 

Une troisième étude internationale, randomisée, en ouvert, a évalué l’intérêt de deux anti-IL6 : le tocilizumab et le sarilumab (NEJM, 25 février 2021). Il y avait trois groupes de patients Covid-19 sévères hospitalisés en réanimation :

1- Le groupe tocilizumab (8 mg/kg, N=353)
2- Un groupe avec le sarilumab (400 mg, N=48)
3- Un groupe contrôle avec le traitement standard (N=402).

Difficile d’interpréter ce résultat à contre-courant ; l’éditorial du NEJM évoque le moment d’administration comme facteur déterminant pour la réussite de ce traitement pour expliquer ces résultats discordants ou alors le fait que l’association avec la dexaméthasone pourrait expliquer une partie de ces discordances.



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