Frédéric Adnet est professeur agrégé de Médecine d'Urgence et chef des Urgences de l’Hôpital Avicenne et du SAMU 93. À la fois chercheur et médecin, il fait régulièrement le point sur la Covid-19. Après 46 numéros d'une FAQ quotidienne, il publie désormais une newsletter hebdomadaire. Nous la reproduisons ici avec son aimable autorisation.
Sa FAQ a connu un succès phénoménal. À l'origine destinée aux professionnels de son service, elle est maintenant traduite en plusieurs langues. Dans son interview, le Frédéric Adnet revient sur ce succès et explique son attachement à l'Evidence-based medicine.
Frédéric Adnet est également l'auteur de l'ouvrage Les Fantassins de la République - Urgence COVID, un printemps en enfer, paru en octobre 2020.
INDEX et liste des FAQ / Newsletters
Nous avions détaillé le variant «anglais» (B.1.1.7 ou VUI-202012/01) qui se distingue par un nombre anormalement élevé de mutations dont plusieurs (9) intéressant la protéine S (cf. newsletter n°33). Un autre variant sévissant en Afrique du Sud fait parler de lui. Il a lui aussi un nombre élevé de mutations (medRxiv, non encore reviewé, 22 décembre 2020). Ce variant (appelé par son clade phylogénétique 501Y.V2) est devenu très rapidement majoritaire en Afrique de Sud et serait lui aussi, plus transmissible.
Il est caractérisé par huit mutations sur la protéine S dont trois qui pourraient être inquiétantes car elles se se situent sur le site de fixation de la protéine au récepteur ACE2 (Receptor Binding Domain [RBD] qui va de la position 328 à 533 des acides aminés). Or c’est précisément la cible des vaccins à ARNm :
Ces mutations posent le problème d’une possibilité de sélection d’un variant qui pourrait devenir un véritable danger en acquérant une résistance au vaccin (ce qui ne semble pas encore être le cas).
Deux recherches expérimentales inquiétantes ont permis de déterminer la possibilité de sélectionner des variants résistants à la réponse immunitaire induite par la vaccination. En exposant des souches de SARS-CoV-2 au plasma de patients vaccinés (donc contenant les anticorps), les auteurs ont montré que des mutations successives pouvaient rendre le virus résistant à la neutralisation de ces anticorps (bioRxiv, non encore reviewé, 28 décembre 2020).
En particulier la mutation E484K pouvait entraîner un deuxième changement de conformation de la protéine S rendant le virus complètement résistant à la vaccination. Ce travail a été confirmé par une approche systématique de même type qui a montré que la mutation affectant le même site E484 était associée à une diminution de la neutralisation des anticorps d’un facteur 10 (bioRxiv, non encore reviewé, 4 janvier 2021).
Bon, les études in vitro ne testent que l’immunité humorale mais les auteurs alertent sur la nécessité d’une recherche au moins théorique de nouveaux vaccins en tenant compte de l’émergence de futurs variants.
Encore une fois, nous serions réellement inquiets devant l’apparition de patients vaccinés atteints de Covid-19 sévères…
Notre hantise, en ce début de vaccination de masse, est qu’à force de muter le SARS-CoV-2 devienne résistant aux vaccins. Ce phénomène pourrait malheureusement se produire, par une sélection due à la pression vaccinale. Nous avons déjà signalé ce danger dans la newsletter n°17.
Comme dans le variant sud-africain (voir plus haut), le variant anglais possède des mutations sur la protéine S (cf. newsletter n°33) et en particulier une mutation appelé N501Y. Or cette substitution se produit dans le RBD, cible d’une partie des anticorps générés par le vaccin à ARNm développé par Pfizer (BNT162b2).
Des chercheurs ont voulu savoir si le sérum de 20 patients vaccinés par le BNT162b2 pouvait bloquer cette protéine mutée (bioRxiv, non encore reviewé, 7 janvier 2021). Ils ont testé des protéines S de la souche N501 (mutée) et de la souche Y501 (non mutée).
Ouf ! Ils ont trouvé que le niveau de neutralisation était le même avec les anticorps des vaccinés. Bon, ce résultat ne concerne qu’une mutation et avec peu de patients mais c’est tout de même rassurant ! Le vrai danger (et signal d’alarme) serait l’apparition de la Covid-19 sévère chez des patients vaccinés.
Tout chaud ! Une nouvelle étude vient d’être mise en ligne qui nous rassure un peu plus quant à l’efficacité du vaccin Pfizer sur le variant anglais (medRxiv, non encore reviewé, 8 janvier 2021).
Rassurant !
Enfin une bonne nouvelle ! Nous savons que la réponse humorale neutralisante (taux d’anticorps neutralisants) était de bonne qualité après le vaccin Pfizer. Nous en savions un peu moins sur l’immunité cellulaire…
Des auteurs ont caractérisé la réponse immunitaire cellulaire provoquée par le vaccin. Elle est de bonne qualité ! Ils ont mis en évidence un taux important de lymphocytes T CD8+ et CD4+ spécifiques ciblant la région RBD de la protéine S du SARS-CoV-2 (Nature, 22 octobre 2020) chez les patients vaccinés.
On a signalé que les séquelles de la Covid-19 étaient nombreuses et multiformes, allant de conséquences psychologiques à une diminution des capacités pulmonaires en passant par des symptômes très handicapants (cf. newsletter n°11). Une étude chinoise, très complète, fait le point avec un suivi de 1.655 patients qui ont été hospitalisés pour Covid-19. Le suivi moyen était de 186 jours, soit environ 6 mois (Lancet, 8 janvier 2021).
Le suivi sérologique est par contre plus mitigé. Les anticorps, de type IgG dirigés contre la protéine N et la protéine S, ne diminuaient pas significativement. Par contre le taux d’anticorps neutralisants diminuait de manière significative. Une surveillance des réinfections s’impose donc et la vaccination des patients ayant contracté la maladie apparaît finalement justifiée.
La Covid-19 devient donc une maladie dont la prise en charge s’inscrit dans la durée.
Nous avons vu que le taux de mortalité hospitalière avait probablement baissé lorsque l’on compare la première et la deuxième vague dans les hôpitaux anglais (cf. newsletter n°34). Qu’en est-il pour les formes sévères hospitalisées en réanimation ? Une équipe française s’est intéressée à cette question dans un travail monocentrique (Critical Care, 4 janvier 2021).
Désespérant, et à confirmer par une étude multicentrique de plus grande ampleur…
Le Tocilizumab est un anticorps anti-IL-6 qui a montré des résultats négatifs ou très modestes dans différents essais cliniques (cf. newsletter n°25). Une nouvelle étude sur ce médicament vient d’être publiée dans le New England Journal of Medicine (NEJM, 7 janvier 2021).
Ces résultats n’ont pas suffi à convaincre la US National Institutes of Health (NIH) qui, en compilant toutes les études à haut niveau de preuves, a recommandé de ne pas utiliser ce médicament en dehors des essais cliniques.