Frédéric Adnet est professeur agrégé de Médecine d'Urgence et chef des Urgences de l’Hôpital Avicenne et du SAMU 93. À la fois chercheur et médecin, il fait régulièrement le point sur la Covid-19. Après 46 numéros d'une FAQ quotidienne, il publie désormais une newsletter hebdomadaire. Nous la reproduisons ici avec son aimable autorisation.
Sa FAQ a connu un succès phénoménal. À l'origine destinée aux professionnels de son service, elle est maintenant traduite en plusieurs langues. Dans son interview, le Frédéric Adnet revient sur ce succès et explique son attachement à l'Evidence-based medicine.
Frédéric Adnet est également l'auteur de l'ouvrage Les Fantassins de la République - Urgence COVID, un printemps en enfer, paru en octobre 2020.
INDEX et liste des FAQ / Newsletters
Dans un travail épidémiologique qui cherchait à trouver une association entre les formes graves de la Covid-19 et le type de profession, des chercheurs anglais ont fait une curieuse découverte. En analysant 120.075 participants et la survenue dans cette cohorte de 271 cas de Covid-19 sévères, les auteurs ont montré que les métiers les plus «essentiels» comme les soignants, les travailleurs sociaux, les policiers ou encore les chauffeurs des transports en commun avaient, après ajustement, une probabilité beaucoup plus importante de développer une forme grave de la Covid-19 (Occupational and Environmental Medicine, 9 décembre 2020).
La palme revient aux soignants avec un risque relatif (RR) de 7,43 (IC95%[5,52-10,00]). Parmi eux les médecins sont les plus mal lotis : RR=8,70 (IC95%[4,87-15,55]. Pour les métiers non-essentiels, le facteur discriminant semble être l’origine ethnique avec un sur-risque pour les non-blancs.
[Merci au Dr Axel Ellrodt]
L’existence d’un variant 202012/01 identifié d’abord dans le sud de l’Angleterre et maintenant un peu partout dans le monde est une source majeure d’inquiétude quant à sa transmissibilité et sa potentielle virulence (voir newsletter n°33).
Des chercheurs anglais, dans un travail de modélisation, ont permis de caractériser ce variant d’un point de vue contagiosité et sévérité. Ils ont imaginé plusieurs scénarii (augmentation des contacts sociaux, perte de l’immunité, transmission augmentée chez les enfants), pouvant expliquer la recrudescence de l’épidémie en Angleterre. Le seul scénario qui explique la courbe des infections est celle qui est compatible avec une augmentation de la contagiosité de ce variant d’un facteur de 56% (IC95%[50-74%])
En analysant les critères de sévérité (décès, hospitalisation en réanimation, etc.) les auteurs ne trouvent aucun argument laissant penser à une modification de la virulence de ce variant par rapport au classique SARS-CoV-2 (CMMID Repository, en cours de reviewing, 23 décembre 2020).
Enfin, les auteurs sont pessimistes sur l’efficacité des mesures de confinements actuels pour freiner cette épidémie et suggèrent que notre seul espoir réside dans la vaccination massive. Dans leur modélisation, une cadence de vaccination de deux millions par semaine a un effet net sur la courbe de mortalité d’ici l’été 2021, en association avec la fermeture des écoles. Pourvu que ce variant ne débarque pas en France avant ! Mais c’est probablement trop tard...
Pas réjouissant !
Dans la précédente newsletter nous avions vu les résultats de la phase 3 du deuxième vaccin à ARNm (mRNA-1273) développé par Moderna®. Ces résultats sont maintenant publiés officiellement dans le New England Journal of Medicine (NEJM, 30 décembre 2020).
Très encourageant !
On signale de plus en plus de réinfections du SARS-CoV-2 (voir newsletters n°17 et n°24). On considère que ce phénomène est rare et probablement dû à des variants mineurs du virus. Il n’y avait toutefois pas eu d’étude systématique... Hé bien c’est fait !
Des auteurs anglais ont suivi pendant 31 semaines 12.541 soignants dont 1.177 séropositifs à la Covid-19 (NEJM, 23 décembre 2020).
Cette étude de cohorte est plutôt rassurante quant à l’immunité protectrice pour au moins six mois !
L’utilisation d‘anticorps dirigée contre le SARS-CoV-2 est une approche intéressante que ce soit à partir de plasma de patients convalescents ou d’anticorps monoclonaux produits par l’industrie. Parmi eux, nous avons donné les résultats de l’anticorps monoclonal LY-CoV555 (newsletter n°26) qui montrait une petite efficacité en termes de réponse immunitaire dans un essai de phase 2. Les résultats de l’essai de phase 3 sont maintenant publiés (NEJM, 22 décembre 2020).
Encore un espoir déçu ! Remarquez, ajouter un médicament qui ne marche pas (remdesivir) avec un autre qui ne marche pas ne peut pas faire de miracle...
La mortalité hospitalière de la Covid-19 est particulièrement importante, entre 15% et 20%. Après la première vague de mars-avril, nous avons appris beaucoup de cette maladie. Nous avons changé nos habitudes thérapeutiques ainsi que l’organisation hospitalière. Tout ceci a-t-il eu un impact en termes de mortalité ? C’est sur cette question que s’est penchée une équipe de chercheurs américains (JAMA Internal Medicine, 22 décembre 2020).
Le seul facteur qui a été retrouvé pour expliquer l’augmentation du taux standardisé de risque était l’encombrement des hôpitaux dû à une haute prévalence de la Covid-19 dans la région desservie par l’hôpital. Le dépassement des capacités hospitalières par les patients Covid-19+ a donc bien un impact en termes de mortalité.