Covid-19 : la newsletter du Pr Adnet (N°33 - 22 décembre)

Un nouveau variant anglais qui inquiète, un troisième vaccin qui rassure et un rapport pas si évident entre Guillain-Barré et Covid-19. Recherche sur la Covid-19 : la quantité est là, mais quid de la qualité ? Clinique : qui sont les plus contagieux : les symptomatiques ou asymptomatiques ? Grippe vs. Covid-19, quelles différences ?


Frédéric Adnet est professeur agrégé de Médecine d'Urgence et chef des Urgences de l’Hôpital Avicenne et du SAMU 93. À la fois chercheur et médecin, il fait régulièrement le point sur la Covid-19. Après 46 numéros d'une FAQ quotidienne, il publie désormais une newsletter hebdomadaire. Nous la reproduisons ici avec son aimable autorisation. 

Sa FAQ a connu un succès phénoménal. À l'origine destinée aux professionnels de son service, elle est maintenant traduite en plusieurs langues. Dans son interview, le Frédéric Adnet revient sur ce succès et explique son attachement à l'Evidence-based medicine. 

Frédéric Adnet est également l'auteur de l'ouvrage Les Fantassins de la République - Urgence COVID, un printemps en enfer, paru en octobre 2020.


INDEX et liste des FAQ / Newsletters


NEWSLETTER N°33 (22 décembre 2020)


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RECHERCHE


Le nouveau variant anglais qui fait peur

Nous avions averti sur la possibilité de mutations du SARS-CoV-2 qui pourraient rendre le vaccin inefficace (newsletter n°27). En effet, le coronavirus lutte pour sa survie en mutant régulièrement : une à deux mutations par mois pour le SARS-CoV-2, ce qui est un taux assez faible. Ces mutations successives peuvent aboutir à un changement de sa structure, rendant ainsi le virus moins sensible à notre réponse immunitaire et … au vaccin ! 

Les vaccins actuellement développés ciblent principalement la protéine S du SARS-CoV-2 dont la fonction est de s’accrocher aux cellules humaines via le récepteur ACE2. On comprend alors qu’il faut surveiller comme le lait sur le feu toute mutation qui changerait la structure de cette protéine ! C’est pourquoi on s’inquiète beaucoup d’un nouveau variant qui sévit dans le sud-est de l’Angleterre depuis quatre semaines (1.108 cas en Angleterre au 13 décembre 2020), en Afrique du Sud, et avec quelques cas signalés en Europe (Italie, Danemark, Belgique, Pays-Bas) et en Australie.

Ce variant nommé VUI-202012/01 serait plus transmissible (augmentation de 70% de la contagiosité avec un R0 qui croît de 0,4 point) et associé à une charge virale plus importante (diminution de la valeur du Ct de deux points). 

A l’heure actuelle, il n’a pas été signalé d’augmentation de la mortalité ou de Covid-19 sévères liée à ce nouveau variant (BMJ, 16 décembre 2020). Un travail de séquençage génomique a publié des résultats préliminaires et légèrement inquiétants (ARTIC Network, 19 décembre 2020). 

Ce variant (identifié en phylogénétique par le clade B.1.1.7) est associé à un  nombre  anormalement élevé de  modifications génétiques   (plus   de 20)  dont 14 changements  d‘acides  aminés  et 3 délétions, en particulier sur la protéine S (9 mutations). Parmi celles-ci, 3 mutations sont identifiées (et déjà connues) comme plutôt préoccupantes :

Nous ne savons pas encore si ces mutations pourraient diminuer l’efficacité du vaccin, puisque ce variant n’a pas été testé lors de la conception de ces médicaments. On sait que la réponse immunitaire provoquée par le vaccin cible plusieurs parties de la protéine S, ce qui est plutôt rassurant. 

Bon eh bien on n’en a pas fini !


Et voici notre troisième vaccin... Moderna®

Le vaccin Moderna® est le troisième vaccin à obtenir une autorisation de mise sur le marché. Comme le vaccin Pfizer-BioNTech®, c’est un vaccin à ARN messager (mRNA-1273) qui code pour la protéine S du SARS-CoV-2. 

Nous avons vu que ce vaccin (deux injections séparées de 28 jours) entraînait une réponse immunitaire efficace et qu’elle durait au moins six mois (newsletters n°11 et n°31). La Food and Drug Administration (FDA) vient d’accorder sa mise sur le marché en urgence au vue de l’analyse intermédiaire de la phase III (FDA Briefing Document, 15 décembre 2020). 

Dans cet essai :

Le profil des effets secondaires du vaccin Moderna® ressemble donc au profil du vaccin Pfizer-BioNTech® et c’est plutôt normal. 

Au suivant !


Recherche sur la Covid-19 : la quantité est là, mais la qualité ?

On a rarement vu une telle mobilisation de la recherche scientifique qu’au cours de cette pandémie. La quantité de travail des chercheurs peut être mesurée par la somme des articles scientifiques publiés. Nous avons vu que la qualité méthodologique faisait souvent défaut (newsletter n°13).

Dans un article publié dans la prestigieuse revue Nature des auteurs font un nouveau bilan (Nature, 16 décembre 2020). Constatation : la quantité est là : plus de 4% de toute la recherche scientifique est consacrée à la Covid-19. En décembre, 2020, on arrivera à près de 200.000 articles publiés sur ce sujet. 

Les thématiques étaient surtout de l’épidémiologie, de la modélisation, du diagnostic et des résultats cliniques hospitaliers (et en particulier la mortalité). Phénomène nouveau en médecine, l’envoi massif d’articles (plus de 30.000) sur des sites «preprint» c’est à dire que ces articles sont mis en ligne mais non encore reviewés, laissant passer quelquefois des énormités (seuls un quart d’entre eux seront finalement publiés dans un journal scientifique). L’autre nouveauté est la rapidité du reviewing, ce qui peut expliquer aussi des fraudes non détectées (souvenez-vous de l’affaire du Lancet…). 

Les chinois dominaient la littérature scientifique en début de pandémie, ils sont dépassés actuellement par les américains et les européens. 

Bon, on n’a pas encore trouvé un seul médicament qui marche….

[Merci au Dr Patrick Miroux]


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Schéma : évolution du nombre d’articles scientifiques (en orange) et des «preprints» (en bleu) consacrés à la Covid-19.



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CLINIQUE


Pandémie de la Covid-19 et grippe : quelles différences ?

La Covid-19 et la grippe sont toutes deux des pandémies à virus respiratoire avec un mode de transmission principal commun : les postillons. Au début de la pandémie de la Covid-19, nous raisonnions beaucoup par analogie avec la grippe. L’accumulation des connaissances a permis à des auteurs français de faire un point complet afin de différencier ces deux maladies à partir des registres nationaux de patients hospitalisés (Lancet Respiratory Medicine, 17 décembre 2020). 

On a donc bien affaire à deux virus totalement différents en termes de conséquences cliniques !


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Guillain-Barré et Covid-19, une association pourtant logique...

On sait que les infections virales favorisent la survenue du syndrome de Guillain-Barré. Cette association a bien été mise en évidence avec l’épidémie due au virus Zika à La Réunion. On sait aussi que dans la période post-Covid il existe de nombreuses manifestations inflammatoires persistantes (péricardite, encéphalite, MIS-C etc.). Une association entre la Covid-19 et la survenue d’un syndrome de Guillain-Barré pouvait donc être logique. 

Dans un travail épidémiologique, des auteurs anglais ont comparé l’incidence de la pandémie de Covid-19 avec la survenue de Guillain-Barré entre 2016 et 2020 (Brain, 14 décembre 2020). 

Ces deux maladies ne vont donc pas se marier…


Asymptomatiques vs. symptomatiques : lesquels sont les plus contagieux ?

Nous savons que les patients Covid-19+ asymptomatiques peuvent transmettre le virus. Des chercheurs de Singapour, profitant de dépistages massifs et systématiques, ont pu comparer les patients symptomatiques et asymptomatiques quant à leur pouvoir de contaminer les autres (Lancet, 18 décembre 2020). 

Les patients symptomatiques apparaissent beaucoup plus contagieux que les asymptomatiques…

[Merci au Dr Axel Ellrodt]