Covid-19 : la newsletter du Pr Adnet (N°31 - 08 décembre)

Mortalité moindre en Afrique, une (nouvelle) hypothèse. L'immunité du vaccin mRNA est plus longue qu’annoncée. Les masques, une protection à large spectre. Animaux de compagnie, quel rôle dans la diffusion de la pandémie ? Décubitus ventral, attention les yeux ! Les immunodéprimés, contaminants plus longtemps ? Pour finir, la publication officielle des résultats de l'essai clinique Solidarity.


Frédéric Adnet est professeur agrégé de Médecine d'Urgence et chef des Urgences de l’Hôpital Avicenne et du SAMU 93. À la fois chercheur et médecin, il fait régulièrement le point sur la Covid-19. Après 46 numéros d'une FAQ quotidienne, il publie désormais une newsletter hebdomadaire. Nous la reproduisons ici avec son aimable autorisation. 

Sa FAQ a connu un succès phénoménal. À l'origine destinée aux professionnels de son service, elle est maintenant traduite en plusieurs langues. Dans son interview, le Frédéric Adnet revient sur ce succès et explique son attachement à l'Evidence-based medicine. 

Frédéric Adnet est également l'auteur de l'ouvrage Les Fantassins de la République - Urgence COVID, un printemps en enfer, paru en octobre 2020.


INDEX et liste des FAQ / Newsletters


NEWSLETTER N°31 (08 décembre 2020)


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ÉPIDÉMIOLOGIE


L’Afrique moins impactée : un rôle de l’immunité croisée ?

L’Afrique et particulièrement les régions sub-sahariennes sont moins impactées par la pandémie de la Covid-19 en termes de mortalité. Les explications les plus communément rapportées sont une répartition de l’âge très différente par rapport à l’Europe avec beaucoup plus de personnes jeunes, une densité de population plus faible et la quasi-absence d’Ehpad. Ces éléments n’expliqueraient pas complètement la différence de mortalité. 

Des auteurs se sont penchés sur l’existence d’une immunité croisée avec d’autres coronavirus. En effet les infections respiratoires bénignes aux coronavirus (HCoV-OC43, HCoV-HKU-1, HCoV-NL63 et HCoV-229E) sont fréquentes ; les adultes possèderaient des anticorps dans une proportion importante. 

Pour vérifier cette hypothèse, une équipe de chercheurs a analysé 105 échantillons plasmatiques pré-Covid-19 en Tanzanie, 99 en Zambie et 85 aux USA (International Journal of Infectious Diseases, sous presse). Les résultats sont sans appels. Il existe des anticorps actifs et dirigés contre le SARS-CoV-2 (immunité croisée efficace in vitro) en quantité beaucoup plus importante dans les sérums d’Afrique : 19% pour la Tanzanie, 14% pour la Zambie et seulement 2,4% pour les USA. 

La source des ces anticorps semble être les infections aux autres coronavirus puisque ces anticorps reconnaissent les quatre autres coronavirus (100% pour la protéines S). Ainsi, les habitants de ces pays ont un sérum plus «armé» contre le SARS-CoV-2 par rapport à la population américaine. Cette hypothèse mérite d’être travaillée car l’efficacité  de  l’immunité croisée reste   toujours très controversée.  

[Merci au Dr Massamba Diop] 


Animaux de compagnie, comme tout le monde ?

On sait que le SARS-CoV-2 infecte des animaux avec une préférence pour les félins, donc notre minou domestique (cf. newsletters n°1, n°2 et n°14). Par contre, on ne sait pas trop comment cette contamination peut jouer un rôle dans la diffusion globale de la pandémie. On a eu très peur avec la mise en évidence de la contamination de visons par l’homme - donc potentiellement en sens inverse (vison vers humain) - avec un virus muté. Ceci a conduit à l’extermination de cette pauvre bête en captivité (cf. newsletter n°27). Pour les chiens et chats, on a mis en évidence des PCR positives sans connaître le mécanisme exact de transmission et, apparemment, ces bêtes ne développent pas de signes cliniques bruyants. 

Des auteurs ont voulu connaître l’épidémiologie de ces contaminations et savoir si elles  étaient  corrélées  à  l’épidémiologie  de  SARS-CoV-2  chez  l’humain (Nature Communication, 2 décembre 2020). 

Résultats : 

Bref, l’épidémiologie de nos animaux suit bêtement (et de loin) l’épidémiologie de la pandémie des humains… Donc pas de susceptibilité particulière vis-à-vis de l’infection Covid-19 de la part de nos animaux de compagnie, leur rôle semble très mineur dans la propagation du virus. A surveiller quand même ! 

[Merci au Dr Axel Ellrodt] 


Les mesures barrières n’arrêtent pas que le SARS-CoV-2 !

Publication intéressante d’une équipe de Taïwan sur les effets bénéfiques des mesures barrières…pour d’autres maladies. L’analyse de la mortalité globale lors de cette pandémie s’annonce décidément difficile. On sait que le confinement risque d'entraîner une surmortalité liée à d’autres maladies qui n’ont pas pu être prises en charge (maladies chroniques, cancer, etc.). Cependant, il y a aussi des effets bénéfiques : par exemple la mortalité liée à l’accidentologie ou aux accidents de travail a énormément diminué ! 

Des auteurs décrivent un autre effet bénéfique dans les régions où sévissent des maladies transmissibles par voies aériennes induisant une mortalité significative. Les auteurs Taiwanais ont constaté une chute très significative des maladies transmissibles par voie aérienne ou par postillons : rougeole, rubéole, coqueluche, grippe, méningites à méningocoques, fièvre Q, etc. (Journal of Infection, 1er décembre 2020). 

C’est bien la preuve que le masque, ça marche !
 

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VACCINS


Vaccin Moderna® : une immunité au-delà de trois mois ?

Le vaccin de Moderna® (mRNA-1273) sera l’un des deux vaccins à ARN messager bientôt disponible (cf. newsletters n°11 et n°28). Les résultats intermédiaires de phase trois ont été communiqués pour ces deux vaccins avec une efficacité de plus de 95% et peu d’effets secondaires (communiqués de presse, cf. newsletters n°27 et n°28). 

Le problème, c’est que l’on a que peu de recul puisque les résultats ont été analysés 28 jours après la première injection. Nous pouvons ainsi avoir de sérieux doutes sur la durée de l’immunité induite par ces vaccins. Les responsables de l’essai clinique publié dans le New England Journal of Medicine dévoilent l’évolution des anticorps des patients recrutés dans l’essai de phase 1 (N=34) et donc avec un plus grand recul (119 jours) après la première injection (NEJM, 3 décembre 2020). 

C’est toujours ça de gagné. Mais on attend les résultats complets de la phase trois, et pour les deux vaccins !


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CLINIQUE


Les immunodéprimés sont-ils plus contagieux ?

La durée d’excrétion de virus vivants et infectieux d’un patient atteint de la Covid-19 est habituellement de 5- 7 jours, ce qui constitue la période de contagiosité. Qu’en est-il des patients immunodéprimés ? 

Un travail a suivi 20 patients profondément immunodéprimés après chimiothérapie et, pour certains, allogreffe, pour une hémopathie maligne. Les échantillons de virus ont été récupérés sur des prélèvements nasopharyngés et secondairement mis en culture (NEJM, 1er décembre 2020).

[Merci au Dr Axel Ellrodt]

 



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TRAITEMENT


Ventilation en décubitus ventral : attention aux yeux !

Les patients victimes de Covid-19 sévère en réanimation ont souvent une ventilation difficile, nécessitant des séances en position décubitus ventral. Ce type de ventilation (patients sur le ventre) a pour but de libérer des zones postérieures pulmonaires pour une meilleure ventilation/oxygénation. Les patients sont en général largement sédatés. Les ophtalmologues nous alertent sur les dangers ophtalmologiques de ce  type de ventilation (JAMA Ophtalmology, 19 novembre 2020). 

Dans un article de type «case report» les auteurs décrivent un véritable «syndrome des loges» oculaire caractérisé par une pression oculaire augmentée, un œdème périorbitaire et une augmentation de la pression veineuse chez les patients ventilés en décubitus ventral. 

Ces complications se surajoutent aux microthrombi dans la vascularisation ophtalmique responsables d’une phlébite papillaire avec hémorragies rétiniennes. Ces complications pourraient être évitées en élevant la tête et par un positionnement soigneux de coussins protecteurs.


SOLIDARITY : les résultats sont « officiellement » publiés !

Rappelez vous, nous vous avions présenté en avant-première les résultats de SOLIDARITY publiés dans un site avant reviewing (cf.newsletter n°24). Ces résultats sont enfin officiels et publiés dans le New England Journal of Medicine (NEJM, 2 décembre 2020).



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