Frédéric Adnet est professeur agrégé de Médecine d'Urgence et chef des Urgences de l’Hôpital Avicenne et du SAMU 93. À la fois chercheur et médecin, il fait régulièrement le point sur la Covid-19. Après 46 numéros d'une FAQ quotidienne, il publie désormais une newsletter hebdomadaire. Nous la reproduisons ici avec son aimable autorisation.
Sa FAQ a connu un succès phénoménal. À l'origine destinée aux professionnels de son service, elle est maintenant traduite en plusieurs langues. Dans son interview, le Frédéric Adnet revient sur ce succès et explique son attachement à l'Evidence-based medicine.
Frédéric Adnet est également l'auteur de l'ouvrage Les Fantassins de la République - Urgence COVID, un printemps en enfer, paru en octobre 2020.
INDEX et liste des FAQ / Newsletters
On avait fondé beaucoup d’espoir sur l’immunité croisée qui semblait être efficace in vitro. Les patients infectés par des coronavirus responsables de simples rhumes (surtout chez les enfants) pouvaient développer une immunité efficace contre le SARS-CoV-2. C’était efficace in vitro (newsletter n°2) mais nous avions été déçus par les resultats d’études cliniques (newsletter n°10).
Une étude clinique nous redonne un peu d’espoir… Des auteurs (Journal of Clinical Investigation, 30 septembre 2020) ont comparé 875 patients ayant été préalablement infectés par un coronavirus «gentil» responsable de ces rhumes (groupe eCoV+) avec 15.053 patients qui avaient eu une PCR négative pour ces coronavirus «gentils» (groupe eCoV-).
Ainsi, l’immunité croisée n’empêcherait pas la maladie Covid-19 mais favoriserait les formes non sévères. Des résultats encourageants, à confirmer par d’autres travaux… Si tel est le cas, nous aurions un début d’explications des formes mineures de la Covid- 19 chez les enfants.
On sait qu’il existe sept coronavirus susceptibles d‘infecter les humains. Quatre «gentils», responsables de rhumes saisonniers chez les enfants et trois «méchants» entrainant des pneumopathies virales mortelles : le MERS-CoV qui sévit principalement en Arabie Saoudite, le SARS-CoV responsable d’une épidémie mortelle de SRAS en Asie au cours de l’année 2003 et notre SARS-CoV-2 que l’on ne présente plus.
Une revue de la littérature systématique a comparé les cinétiques des charges virales pour ces trois virus respiratoires (Lancet Microbe, 19 novembre 2020) :
Ces résultats sont compatibles avec une durée d’isolement de sept jours, période pendant laquelle les patients apparaissent comme très contaminants par voie aérienne.
Cette pandémie de la Covid-19 aura au moins eu le mérite de mettre à la mode deux signes cliniques un peu «oubliés» : l’anosmie (perte de l’odorat) et l’agueusie (perte du goût). Rappelons que la présence de ces deux signes est pratiquement synonyme du diagnostic de la maladie et elle serait un critère de bon pronostic. Bon, alors comment ça marche ?
Le SARS-CoV-2 a besoin de deux protéines membranaires pour infecter le patient, la célébrissime ACE2 et la moins connue TMPRSS2, enzyme dont a besoin la protéine S virale pour pouvoir s’accrocher au récepteur ACE2 et parvenir à pénétrer dans la cellule humaine.
Il existe deux hypothèses pour expliquer le phénomène d’anosmie :
Bingo ! Une équipe de chercheurs a trouvé dans l’épithélium olfactif des fosses nasales, à partir de biopsies de quatre patients, les récepteurs ACE2 et TMPRSS2 signant la présence de cellules exprimant ces deux protéines dans cet épithélium de manière distincte des neurones sensoriels (iScience, 18 novembre 2020). Ce sont donc les cellules de soutien (dites sustentaculaires) qui seraient ainsi les cibles du SARS-CoV-2.
C’est un très solide argument pour penser que l’anosmie est due à un envahissement périphérique de l’épithélium sensoriel des fosses nasales et non à une atteinte centrale directe. Le virus pourrait ensuite remonter dans le cerveau par l’intermédiaire des neurones sensoriels présents dans cet épithélium. Cette découverte avait déjà été mise en évidence chez le hamster en juillet…
[Merci au Dr Axel Ellrodt]
J’avais promis de ne plus en parler... mais le New England Journal of Medicine sort une nouvelle étude que nous ne pouvons pas passer sous silence (NEJM, 24 novembre 2020). Les derniers défendeurs de ce médicament argumentaient que pour éviter la forme grave de la Covid-19 l’hydroxychloroquine devait être administrée soit préventivement soit lors des tous premiers symptoms.
Hé bien… Il n’y a eu aucune différence significative.
Bon, cette fois, on n’en parle plus ?
La sérothérapie consiste à administrer du plasma de patients convalescents de la Covid-19 - qui contient des anticorps anti-SARS-CoV-2 - chez des patients malades afin de lutter contre le virus. Après des cas cliniques encourageants notamment chinois et quelques séries publiées, on manquait d’essais à haut niveau de preuve.
Dans cet essai randomisé publié par le NEJM sur des patients atteints de formes graves de la Covid-19, avec pneumopathie (NEJM, 24 novembre 2020) :
Bon, encore une piste prometteuse qui nous déçoit…
[Merci au Dr Marilucy Lopez-Sublet]
Nous avons évoqué plusieurs fois un apriori favorable sur l’effet de la vitamine D dans la diminution des formes graves de la Covid-19. Cette vitamine est connue pour renforcer nos défenses immunitaires et aurait des propriétés anti-infectieuses. Quelques travaux observationnels montraient une association entre des bas niveaux de vitamine D et la présence de formes graves de la Covid-19 (newsletter n°19), ou encore une faible incidence de la Covid-19 dans les pays ensoleillés.
Une étude récente vient refroidir cette hypothèse. En utilisant une méthodologie de randomisation mendélienne basée sur le fait que la distribution génétique d’un caractère est aléatoire par nature - et en constatant qu’il existe des déficits de vitamine D constitutionnels, c’est à dire génétiquement determines - on peut comparer deux populations (déficit vitamine D vs. non déficit vitamine D) comme si ces groupes avaient été sélectionnés par un tirage au sort puisque leur déficit est dû au hasard.
C’est ce qu’a fait une équipe canadienne en comparant les patients qui avaient un taux de vitamine D supérieur à une déviation standard à un groupe de référence (medRxiv, non encore reviewé, 10 septembre 2020). Ils ont pu analyser le taux de patients infectés (N=3.432), le nombre d’hospitalisations (N=867), le nombre de formes graves (N=293) dans un échantillon de patients dont on connaissait le statut génétique pour la vitamine D à partir d’une banque de sérothèque qui avait déjà été constituée avant l’apparition de la Covid-19 (N=42.274).
Les résultats sont surprenants. En effet, un haut taux de vitamine D :
On s’attendait à l’inverse ! Le débat continue…
[Merci au Dr Axel Ellrodt]