Covid-19 : la newsletter du Pr Adnet (N°20 - 22 septembre)
Au sommaire de cette 20e newsletter... Les myopes moins contaminés, l'intérêt de la désinfection des narines, une synthèse sur la transmission de la COVID-19, les particularités de la maladie chez les femmes enceintes et un point sur la surmortalité observée aux États-Unis.
Depuis le 12 mars, le Pr Frédéric Adnet - professeur agrégé de Médecine d'Urgence, chef des Urgences de l’Hôpital Avicenne et du SAMU 93 - fait régulièrement le point sur le Covid-19.
Après 46 numéros d'une FAQ quotidienne, il propose désormais une newsletter hebdomadaire. Nous la reproduisons ici avec son aimable autorisation.
INDEX et liste des FAQ / Newsletters
NEWSLETTER N°20 (22 septembre)
ÉPIDÉMIOLOGIE
La myopie protège de la Covid-19 !
Ce n’est pas une blague ! La tenue de protection individuelle (TPI) des soignants comporte des lunettes de protection. La contamination par projection de gouttelettes dans les yeux est régulièrement évoquée dans la littérature comme porte d’entrée du SARS-CoV-2. On a même retrouvé ce virus dans les larmes ! De plus, la conjonctivite fait partie des symptômes classiques de la COVID-19. Il est probable que la transmission peut aussi se faire par voie manuportée ; on sait en effet, qu’on se touche inconsciemment le visage avec les mains environ une fois par minute et les yeux environ 10 fois par heure.
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Ainsi, des auteurs chinois ont émis l’hypothèse que le port de lunettes chez des myopes pouvait protéger de cette voie de contamination (JAMA Ophtalmology, 16 septembre 2020).
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Dans une étude sur une cohorte de 276 patients atteints du COVID-19, les myopes qui portaient leurs lunettes au moins 8 heures par jour représentaient 5,8% (IC95%[3,0%-8,5%]) de la cohorte alors que la proportion de myopes portant des lunettes dans la province autour de l’hôpital était beaucoup plus élevée : 31,5%.
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Le port de lunette apparaît donc être associé à un risque moins élevé d’attraper la COVID-19. Et ce d’autant que la cohorte de malades avait un âge comparable à la population générale.
Vive les lunettes !
Grippe et Covid-19 : une interaction bénéfique
La coexistence de ces deux épidémies de viroses respiratoires est source de beaucoup de frayeurs : gravité des patients subissant une coïnfection des deux virus, difficulté diagnostique devant les mêmes symptômes cliniques entre grippe et COVID-19... Tout ceci amène évidemment à conseiller la vaccination.
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Il existe quand même un élément rassurant : nos gestes barrières (distanciation et port du masque) devraient être bénéfiques en terme de propagation de la grippe car ces mesures sont également efficaces pour le virus influenzae qui possède le même mode de transmission.
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C’est ce qu’à mis en évidence une enquête épidémiologique américaine (Morbidity and Mortality Weekly Report, 18 septembre 2020). À partir des résultats de 300 laboratoires d’analyses médicales assignés à la surveillance de l’épidémie de la grippe dans les 50 États des USA, les chercheurs ont analysé la décroissance de la grippe saisonnière en comparant l’année 2019-2020 aux années antérieures.
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Ils ont remarqué un arrêt quasi-immédiat du nombre de tests positifs pour la grippe dès que les mesures barrières ont été instituées aux États-Unis. À la sixième semaine le taux de positif était de 30%, il a rapidement chuté pour atteindre une valeur de 2,3% à la semaine 13 (22 mars 2020) et, depuis le 5 avril 2020 le pourcentage était inférieur à 1%.
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La situation d‘urgence sanitaire a été déclarée aux USA le 1er mars 2020 mais les premières mesures barrières avaient débuté fin février. Lorsque l’on compare les courbes de grippe saisonnière des autres années (2016-2017 ; 2017-2018 ; 2018-2019), l’arrêt brutal de l’épidémie de grippe en 2020 avec ce taux résiduel quasi-nul contraste avec les années antérieures.
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Conclusion des chercheurs : les mesures barrières contre la COVID-19 ont une influence certaine dans la diffusion de la grippe saisonnière.
Tant mieux !
Transmission : on fait le point
Enfin un article complet qui fait l’état de l’art sur les modes de transmission du SARS- CoV-2 ! Jusqu’à présent on savait que ce virus pouvait se transmettre par les postillons, avec un gros doute avec les aérosols (virus en suspension dans l’air) et une possibilité par des matériaux contaminés ou par la voie manuportée. Un article de revue publié dans le prestigieux journal Annals of Internal Medicine fait le point (Ann Intern Med, 17 septembre 2020).
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Du virus viable (et donc infectant) a été mis en évidence pendant 3 heures en aérosol et jusqu’à 72 heures sur diverses surfaces inertes (le plastique pour la durée de vie la plus longue). Le virus est inactivé après 5 minutes à 70°C mais il résiste au froid.
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Il n’y a pas eu de cas de transmissions entre animaux infectés (chat, chien, furet) et l’humain.
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Le facteur de risque le plus important est la proximité (distance inférieure à 2 mètres) et la durée du contact.
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Le deuxième facteur de risque est l’absence d’aération (milieu confiné).
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Le port du masque a démontré son efficacité sans ambiguïté.
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Les personnes asymptomatiques, présymptomatiques ou symptomatiques sont contaminantes.
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La période de contagiosité commence au maximum 3 jours avant les symptômes et se poursuit environ 4-5 jours après le début des symptômes Cette contagiosité est corrélée avec la valeur du Ct des PCR.
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Les enfants de moins de 10 ans se contaminent deux fois moins que les adultes.
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La facilité de transmission des enfants vers les adultes n’est pas établie et fait toujours l’objet d’études contradictoires.
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Bien que le R0 soit compris entre 2 et 3 (en l’absence de mesures barrières), la transmission dans la population ne se fait pas de manière homogène, il existe des patients «peu contaminants»et des patients super-contaminants («superspreaders»).
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On estime que 10% des patients infectés sont responsables de 80% des contaminations.
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La voie de transmission la plus documentée est la voie aérienne par les postillons (diamètre supérieur à 5 µm) ou, éventuellement, par aérosols (particules de diamètre inférieur à 5 µm). Le virus colonise les voies aériennes supérieures.
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La transmission du virus par des surfaces infectées ou par contact direct entre humains a été documentée mais n’a jamais été réellement prouvée.
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Bien que le virus a été isolé dans le caca, le sperme ou le sang, il n’y a pas eu de cas de transmissions rapportées oro-fécales, sanguines, ou sexuelles jusqu’à présent.
En conclusion : la transmission est pratiquement toujours aérienne et le virus colonise en premier les voies respiratoires. La diffusion de l’épidémie suit un modèle hétérogène entre les individus.
[Merci au Dr. Axel Ellrodt
Surmortalité aux USA
On sait que la COVID-19 entraine une surmortalité globale de la population comparée aux années antérieures. C’est d’ailleurs la meilleure façon d’estimer la mortalité due à cette épidémie et de se lancer dans des comparaisons… Des chercheurs ont voulu la quantifier aux États-Unis (JAMA Internal Medicine, 1er juillet 2020).
- Il y a eu 781.000 décès entre le 1er mars et le 30 mai 2020.
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L’excès de décès par rapport aux valeurs attendues était de 122.300 décès (IC95%[116.800-127.000]).
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Parmi cet excès on attribue 95.235 décès à la COVID-19.
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Cet écart représente un excès de mortalité de 28% par rapport aux valeurs attendues.
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Bien que ces chiffres varient entre les États, la COVID-19 impacte fortement les courbes de mortalité des pays où elle sévit de manière significative (comme la France).
CLINIQUE
Femmes enceintes contaminées : quelles particularités ?
La grossesse avait été classée parmi les facteurs de risques pour les formes graves et la possible transmission materno-fœtale de la COVID-19. En fait, peu d’étude se sont intéressées systématiquement à cette problématique. On sait que la transmission materno-fœtale est extrêmement rare et que la transmission via le lait maternel est insignifiante. Une étude épidémiologique s’est intéressée à 598 parturientes COVID-19+ (Morbidity and Mortality Weekly Report, 16 septembre 2020).
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Plus de la moitié étaient asymptomatiques à l’admission (55%).
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Il y a eu 16% d’admissions en réanimation et une ventilation mécanique a été pratiquée dans 8% des cas.
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Il y eut deux décès (0,7%) et 10 interruptions de grossesse (2,2%).
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Le fait d’être parturiente COVID-19+ symptomatique augmente le risque d’hospitalisation (26% vs. 5% des parturientes COVID-19-) et de forme grave (16% d’hospitalisations en réanimation).
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Parmi les symptomatiques, les signes les plus fréquents étaient la fièvre, la toux, la dyspnée et les myalgies.
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On retrouve les facteurs de risque classique pour le développement de la forme grave de la COVID-19 : obésité et diabète avec une fréquence d’hospitalisation en réanimation pour cette population de 30%.
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Ainsi la grossesse paraît être un facteur de risque de développer la forme grave uniquement chez les parturientes COVID-19+ symptomatiques.
TRAITEMENT
Désinfectez-vous les naseaux !
Une étude originale a montré l’efficacité extrême d’une solution nasale de povidone iodée (principe de base de la Bétadine®). Des concentrations de 0,5%, 1% et 2,5% ont été utilisées en laboratoire avec une application de 15 et 30 secondes dans des solutions de virus SARS-CoV-2 (JAMA Otolaryngology, 17 septembre 2020).
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Les résultats ont montré une inactivation quasi-complète (réduction d’un facteur 1000) du virus et cette inactivation était retrouvée supérieure à l’éthanol qui représente pourtant le virucide de référence.
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Ce résultat a été obtenu avec une application de 15 secondes du produit à la plus faible des concentrations.
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Les auteurs préconisent donc une application nasale de ce produit pour diminuer la charge virale et la probabilité de transmission par les gouttelettes issues du nez…
Un essai clinique est en cours.
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